s'may Blacksilverstone Chapitre 2 : Samia (2/2)

Chapitre 2 : Samia (2/2)

Samir coupe enfin le moteur, mais il ne bouge pas tout de suite. Moi non plus. Le tic-tac irrégulier du clignotant envahit l’habitacle, seul bruit perturbant le silence pesant entre nous. Une seconde, puis une autre. Il finit par ouvrir sa portière et descend sans un mot. J’expire lentement avant de faire de même, réajustant mon manteau sous la brise mordante.


Samir m’attend déjà devant l’entrée, l’air impassible, les mains enfoncées dans les poches. Toujours aussi détendu en apparence, alors que moi, j’ai cette boule au ventre qui refuse de disparaître.


Quand on pousse la porte du Nour, la chaleur et les épices nous enveloppent aussitôt. L’odeur du cumin, du safran et de la coriandre flotte dans l’air, mêlée aux éclats de voix et au tintement des verres. D’un signe de tête, Samir m’indique une table au fond.


— Ils sont juste là.


Je repère tout de suite Joseph, déjà installé avec Hélène. Son large sourire et sa voix grave résonnent à travers la salle. Il a ce charisme naturel, cette présence imposante qui force le respect sans avoir besoin d’un mot de plus. Hélène, elle, affiche un sourire plus discret, mais sincère.


— Joyeux anniversaire, Mia. Tu es ravissante, comme toujours. Ah, 26 ans… Le bel âge !


— Merci, Hélène, mais là, tu abuses. Tu es toujours d’une jeunesse étourdissante.


Hélène, qu’on appelle la Queen, est d’une beauté à couper le souffle malgré ses 50 ans passés, et elle adore jouer de son charme. Elle aime les compliments, et elle le sait. Et moi, je ne suis pas assez suicidaire pour la contredire.


Samir s’avance le premier, échangeant une poignée de main ferme avec Joseph avant d’adresser un simple hochement de tête à Hélène. Les règles du club sont claires : ne touche pas la femme d’un frère. Et encore moins celle du Président.


— Toujours aussi ponctuels, plaisante Hélène en haussant un sourcil.


Hélène fait partie des rares personnes à connaître mon passé.


Samir se contente d’un rictus amusé avant de tirer une chaise pour moi. Un geste anodin, mais qui me prend toujours au dépourvu. Je le remercie d’un murmure avant de m’asseoir.


La serveuse ne tarde pas à venir prendre nos commandes, et la conversation s’installe naturellement. Joseph plaisante sur les derniers événements au club de strip-tease, Hélène glisse quelques anecdotes légères sur ses petits-enfants pour alléger l’ambiance, et Samir, fidèle à lui-même, écoute plus qu’il ne parle.


Je fais de mon mieux pour suivre, mais mon esprit s’accroche aux détails. À la façon dont Samir effleure le bord de son verre sans jamais vraiment le porter à ses lèvres. À la tension presque imperceptible dans ses épaules quand Joseph aborde un sujet sensible. Aux regards furtifs qu’il m’adresse, comme s’il s’assurait que je suis encore là.


Et surtout, à cette main, posée à côté de la mienne, proche sans jamais franchir la limite.


Comme s’il attendait que ce soit moi qui fasse le premier pas.


Le déjeuner se poursuit dans une ambiance chaleureuse, baignée par la lumière naturelle filtrant à travers les grandes fenêtres du Nour. Les plats orientaux défilent, emplissant l’air d’arômes de cumin, de safran et de coriandre, et chaque bouchée m’évoque les saveurs de mon enfance. Pourtant, au cœur de cette quiétude, mon cœur bat la chamade.


À peine ai-je terminé l’entrée que Joseph prend la parole. Son sourire large et confiant illumine son visage tandis qu’il se tourne vers moi :


— Mia, en ce jour si spécial, Hélène et moi avons préparé une surprise pour toi.


Un frisson me parcourt. Hélène, rayonnante comme toujours, ajoute d’une voix douce :


— Ton anniversaire mérite bien plus qu’un simple repas. Nous voulons t’offrir un petit coup de pouce pour ton avenir.


Je sens mes mains devenir moites et mon esprit s’emballer. Mon regard se détourne un instant, oscillant entre la chaleur du moment et l’intrigue qui grandit en moi. En relevant la tête, je capte le regard complice que s’échangent Hélène, Joseph et Samir. Ce dernier, toujours discret mais présent, se penche et me glisse à l’oreille :


— Mon cadeau, tu l’auras ce soir, seul à seul.


Ces mots réveillent en moi un tourment profond, faisant remonter des sentiments que je tente de réprimer depuis trop longtemps. Intriguée, je laisse mon assiette de côté. Hélène sort alors de son sac une boîte noire qu’elle me tend. En l’ouvrant avec précaution, je découvre une clé étincelante reposant sur un coussin moelleux. Mon souffle se coupe un instant.


— Une voiture… murmurai-je, la voix tremblante.


Joseph reprend, teinté d’une fierté chaleureuse :


— Oui, Mia, c’est pour toi. Un SUV neuve, symbole d’une nouvelle voie qui s’ouvre à toi. Un cadeau qui, nous l’espérons, t’offrira la liberté et le renouveau que tu mérites. Maintenant que les enfants sont grands et à l’école toute la journée, tu as plus de temps pour toi. Et si tu trouves un emploi, tu seras plus autonome, plus besoin de dépendre de qui que ce soit.


Suspendue à ces mots, l’émotion m’envahit. Un flot de sensations me submerge : gratitude, surprise, et une pointe d’appréhension quant à cette nouvelle liberté que je n’ose encore m’accorder, et ce que cela pourrait signifier pour moi… et pour nous.


Alors que nous nous dirigeons vers l’extérieur, un SUV flambant neuf nous attend devant le restaurant. Chaque ligne, chaque détail semble avoir été pensé pour symboliser la liberté et le renouveau.


Je reste un instant figée, le cœur battant à tout rompre. Une vague d’émotions m’envahit : gratitude, étonnement, et une pointe d’appréhension. Dans ce moment suspendu, Hélène s’avance et m’enlace chaleureusement, tandis que Joseph se met à mes côtés. Son regard paternel, mêlé de fierté et de tendresse, me réconforte, même si je sais que tout cela représente autant un nouveau départ qu’une invitation à repenser ce que je suis.


Alors que nous nous rapprochons du SUV pour mieux l’admirer, un détail attire soudain mon attention : une voiture passe au ralenti dans la rue adjacente. Ses fenêtres, légèrement teintées, balaient la scène, capturant chaque instant comme dans un film. Ce mouvement, presque théâtral, provoque en moi un frisson d’interrogation. Est-ce le signe d’une menace, ou bien mes nerfs commencent ils à me jouer des tours ?


Le temps semble s’étirer alors que je scrute l’horizon. La voiture reprend sa route comme si de rien n’était, et je tente de me convaincre de passer à autre chose. Malgré la joie et l’espoir du moment, une part de moi se demande si cette nouvelle liberté ne cache pas d’autres enjeux.


— Et si on retournait terminer notre repas ? J’ai vu un dessert qui me fait saliver, lance Hélène d’un ton enjoué en nous guidant de nouveau vers l’intérieur du Nour.





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