Gottesmann Pascal Bien sous tous rapports Échange tendu

Échange tendu


Montant au grenier, Marianne se tient face au sac de frappe après avoir enfilé ses gants et, ferme sur ses appuis, elle commence à envoyer les coups. Elle n’est plus du tout la victime désespérée de l’avant-veille qui tapait désespérément pour faire passer son mal être. À présent, ni son père, ni Enzo, ni les connards des réseaux sociaux ne lui font peur. Quant à Émilie Grangier, elle aimerait bien qu’elles aient une explication musclée pour lui faire comprendre que ce qu’elle a fait était honteux.


Mais il vaut mieux réserver les coups au punching ball. Le visage décidé, comme si elle montait sur le ring et faisait face à l’adversaire, Marianne commence à alterner les directs et les crochets. Les gestes ne sont certainement pas les bons mais l’état d’esprit de l’adolescente est véritablement celui d’une guerrière. Elle en a d’ailleurs besoin car elle sait que le combat à distance avec son père ne fait que commencer.


Justement, quand elle pense à son géniteur, il appelle sur son portable. Les dernières paroles échangées entre eux lors de son diner d’anniversaire se sont conclues par une claque retentissante alors elle se demande si c’est une bonne chose de lui parler. Elle décide pourtant de le rappeler puisque, le temps de se défaire des gants de boxe, elle a raté la première communication. Ce sera leur première confrontation directe mais elle s’y sent tout à fait prête.


— Bonjour ma fille, dit Lionel en décrochant après deux tonalités, j’espère que je ne t’ai pas réveillée ? Sans moi pour surveiller tes heures de coucher et de lever tu dois en profiter pour trainer au lit.


— Tu ne m’as pas réveillée papa, répond Marianne sur le même ton sarcastique mais je ne sais pas si tu aimerais savoir ce que je faisais.


— Tu ne peux pas me décevoir plus que ce que tu l’as fait depuis trois jours alors je suis prêt à tout entendre…dans les limites de la décence bien évidemment. Je te sens assez essoufflée alors ça m’inquiète.


— C’est tout à fait décent, j’étais en train de boxer un punching ball en pensant à toi, à Émilie Grangier et à tous les connards qui se permettent de nous insulter maman et moi. Le temps d’enlever les gants j’avais loupé ton appel.


— Pathétique ! Tu te crois en guerre contre ton propre père ? C’est pourtant moi qui aurait toute les raisons de vous en vouloir à ta mère et à toi. T’imagines pas l’inquiétude que j’ai eue quand j’ai découvert la maison vide mercredi matin.


—Toi inquiet ? Ça m’étonnerait. T’as juste du être furieux et t’être senti humilié de voir qu’on avait réussi à s’enfuir. Mais être inquiet pour nous certainement pas. Et, pour se passer les nerfs, il vaut mieux taper sur un sac de frappe qui est fait pour plutôt que sur son épouse qui n’a rien demandé.


— T’as raison, j’aurais dû moins taper sur ta mère et plus sur toi parce qu’il y a vraiment quelques baffes qui se sont perdues.


— Le premier homme qui me frappe, même toi, je te promet que je rend les coups. Maman ne sera plus jamais une femme battue et compte pas sur moi pour prendre le relais.


— Je ne sais pas qui de ta mère ou de toi a lavé le cerveau de l’autre, probablement toutes les deux en même temps. Mais le résultat est catastrophique.


— C’est si catastrophique, pour toi, de voir que des femmes sont solidaires et se serrent les coudes ? C’est catastrophique qu’elles refusent de vivre dans la peur des coups ?


— Des femmes ? Redescend un peu ma pauvre fille, tu n’es qu’une gamine. C’est pas parce que tu as conduit une voiture sur 300 kilomètres en risquant ta vie ainsi que celles de ta mère et de ton petit frère que tu es subitement devenue une adulte.


— Disons que la pauvre fille se sent beaucoup plus mure depuis qu’elle doit faire entendre sa voix face à toi et des centaines d’inconnus qui la harcèlent sur les réseaux sociaux.


— Et tu ne t’es pas demandée si ces attaques n’étaient pas, tout simplement, la conséquence logique de tes actes. Tu t’es conduite comme une jeune inconsciente alors il faut que tu assumes maintenant.


— J’ai préféré faire ce que j’ai fait plutôt que de voir maman à l’hôpital ou au cimetière. Même toi tu devrais arriver à le comprendre.


— La conversation est impossible avec toi et tu te complais à me faire passer pour un meurtrier en puissance. Tu restes campée sur tes positions et ne veux écouter personne d’autre. Même si ta mère te disait que j’avais mes raison d’agir comme je l’ai fait tu ne voudrais certainement pas l’écouter.


— Je te rend la pareille. Avant ma soirée d’anniversaire je t’ai demandé, et même supplié, plus d’une dizaine de fois pendant le mois dernier d’être plus gentil avec maman et d’arrêter de lui crier dessus et de la taper. Est ce que tu l’as fait ?


— Non parce que j’avais pas envie de me faire marcher sur les pieds chez moi. Ta mère est d’autant plus dangereuse qu’elle parait douce et conciliante mais arrive très bien à faire en sorte qu’on pense comme elle. T’es d’ailleurs pareille, avec un caractère bien plus affirmé. C’est pour ça qu’il faut que je te cadre tant que ce n’est pas encore trop tard.


— Cadrer ? Dis plutôt que tu veux nous mater toutes les deux ? Mais on est au XXIème siècle papa, les hommes ne sont plus seuls à décider, et heureusement.


— Bien sûr, tu es prête à rejoindre la horde de féministes hystériques qui prennent ta défense depuis hier sur les réseaux sociaux. Celles qui veulent planter en haut de piques les têtes de tous les hommes qui ne pensent pas comme elle et ne veulent pas les conduire au pouvoir. Ton éducation est vraiment à revoir sinon je ne donne pas cher de toi dans l’avenir.


— Et bien tu sais quoi papa, je suis bien contente d’une chose. Tu n’as plus ton mot à dire sur mon éducation, ni sur celle de Valentin.


— Ah non, ça je refuse. Ta mère et toi n’allez pas m’éloigner de mon fils.


— Joue pas au père aimant, tu ne l’as jamais été. Ni avec Valentin, ni avec moi. Est ce qu’il t’est arrivé de lui lire une histoire quand il était petit, de t’amuser avec lui, de l’emmener à ses entrainements de tennis ? Non, ça a toujours été maman et seulement elle. Tu as toujours considéré que t’occuper de nous pour autre chose que le travail scolaire était une perte de temps. Alors, maintenant, tes larmes de crocodiles tu les garde pour la télé.


— Il n’empêche que je vous interdit de lui laver le cerveau. À sept ans il est tellement influençable. Où est il d’ailleurs ?


— Probablement dans la cuisine à prendre son petit déjeuner. Tu sais quoi, je vais te le passer comme ça tu pourras pas dire qu’on t’empêche d’être en contact avec lui. De toute façon c’est la seule personne qui veuille te parler sous ce toit.


— Et ta mère ?


— Maman ? Elle est encore au lit parce que son sommeil est complètement déréglé. J’ai pas exagéré dans l’interview d’hier. Elle subit le contrecoup de ce que tu lui as fait endurer et est devenue l’ombre d’elle même. Alors je ne vais certainement pas lui infliger une conversation avec toi.


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14 commentaires

Leo Degal

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Il y a 12 jours

Elle lui tient la dragée haute sans le laisser la démonter mais je me demande s’il y aura un contrecoup…😕

Gottesmann Pascal

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Il y a 12 jours

Pour le moment elle tient vraiment bien le coup, heureusement.

Arca Lewis

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Il y a un mois

Salut Pascal ! Je ne sais pas si j'aurais le temps de te lire, je consacre tout mon temps libre à l'écriture de mon propre manuscrit, mais j'ai vu que tu étais sur la 1er page et j'apporte ma contribution pour que tu y restes, tu le mérites.

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Merci beaucoup pour ton soutien. Continue ton histoire elle est vraiment chouette. Ça fait plaisir d'être en première page.

Marie Andree

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Il y a un mois

Elle ne se démonte pas, c'est bien ! Malheureusement, le dialogue est impossible avec lui... 😢

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Oui, il ne peut pas se remettre en question, absolument impossible.

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Pardon pour les deux premiers paragraphes. J'avais pas vu qu'ils étaient dans le chapitre précédent.

Ludwig Hoffmann

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Il y a un mois

Aucun soucis, parfois on se perd ;)
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