Fyctia
Foundling Hospital
Théophile d’Anselme fut des plus exhaustifs sur ce que Hortense pouvait faire de la fortune que lui avait légué son défunt époux. Pendant que le prêtre, lui, évoquait les innombrables œuvres de charités, Matthew écoutait d’une oreille, accoudé sur la marquise où il s’était installé, sa robe ramenée près de lui. Il lui adressait de longues œillades que le prêtre ne remarquait même pas, tout à ses explications.
Néanmoins, Matthew finit par se sentir épuisé et proposa de se mettre en action.
« Choisissez pour moi mon père, je suis certain que vous avez une assez bonne idée de ce qu’il convient de faire, n’est-ce pas ?
Théophile hésita puis finit par hocher de la tête, il avait une expression si adorable, d’une totale candeur.
– Les orphelins seraient un bon début…
Matthew le coupa aussitôt.
– Parfait, nous donnerons au Foundling Hospital ! »
Lorsque Matthew accepta, il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il se passerait ensuite, que ce serait le point de départ d’une histoire qui allait lui échapper.
Par la suite, il fallut convenir d’autres rendez-vous, et bien sûr, Matthew trouva toutes les excuses du monde pour renouveler ses rencontres, prétextant des détails à régler, une solitude à combler, un après-midi il fit venir expressément le prêtre chez lui.
Depuis leur première rencontre, il avait fait changer la décoration de son appartement. Pour commencer il l’avait rangé, ensuite, il avait mis des fleurs, remplacées les statues grecques d’hommes dénudés par des tableaux plus consensuels. Il demeurait encore quelques détails, comme des gravures osées dans la chambre, mais si le prêtre s’y rendait, c’est que le pari était gagné.
La raison de cette urgence ? Un cœur inconsolable ! Hortense, la malheureuse, avait retrouvé des affaires de son époux rangées dans une malle et avait longuement pleuré. Théophile s’était montré attentionné et parfaitement adorable comme à son habitude. C’était délicieux de le voir exprimer ses émotions sans filtre, c’était presque trop facile ! Matthew parvint même à se glisser dans ses bras, un geste si inconvenant qui lui fut inspiré dans une illumination ! Il feignit de perdre conscience risquant ainsi de tomber de toute sa hauteur pour que Théophile se précipite pour le rattraper.
« Mon père… souffla-t-il, un demi-sourire aux lèvres.
– Je suis là Hortense. »
Ce fut la première fois qu’il prononça son prénom. Par la suite, Matthew parvint à insister pour qu’ils s’appellent par leurs prénoms, nouveau sacrilège qu’il célébra avec du champagne et des amis à son club qu'il tenait bien sûr informé de chaque nouvelle progression. Ce que Matthew ne leur racontait pas en revanche c’est à quel point il trouvait le prêtre touchant, à quel point il avait frémit au contact physique de cet homme au cœur si pur qu’il commençait à redouter de salir cette pureté par sa simple fréquentation.
Enfin, vint le jour où ils devaient se rendre à l’orphelinat. Matthew, tout à son pari, n’avait songé à quel effet cela lui ferait, à lui, orphelin, de se retrouver en pareils lieux. L’étourdissement qui le saisit en voyant tous ces petits visages aux traits tirés, au teint pâle et à l’air maladif ne fut nullement feint cette fois-ci. Il se sentit devenir faible, et avant même qu’il ne chût sur le sol, les bras du prêtre français l’attrapèrent à nouveau.
« Mon père, en voilà une habitude ! fit-il, faussement choqué, très amusé, lorsqu’il reprit un peu de ses couleurs dans les bras de l’attendrissant ecclésiastique.
– Pardonnez-moi, madame…
– Appelez-moi Hortense, je vous prie.
– Je m’inquiète pour votre santé, vous avez fait deux malaises en peu de temps… votre corset est peut-être trop serré…
– Mon père, voyons ! Vous n’allez tout de même pas me demander de me dévêtir ! se scandalisa faussement le baronnet, jouant habilement avec les conventions.
Le prêtre rougit aussitôt, bafouilla, ne sachant plus que dire jusqu’à ce que Matthew lui prenne la main doucement.
– Je plaisantais. Je vous assure que mon corset n’est point trop serré si tel est votre inquiétude.
Des femmes étaient déjà mortes d’un corset trop serré, aussi, l’inquiétude de Théophile était tout à fait justifiée… et pas loin de la vérité, car pour se donner la taille d’une femme, il devait serrer cette cage de métal et de tissu. Mais en l’occurrence les raisons étaient toutes autres, et étrangement, Matthew eut envie de les partager avec l’homme qui, de plus en plus, occupait ses pensées.
– Je crains d'avoir été trop ambitieuse…
– Je ne suis qu’un idiot, ces enfants, vous qui n’en avez, et sans époux à vos côtés…
Matthew le regarda médusé, il est vrai qu’une jeune veuve aurait pu ressentir ce manque, quoi que la plupart des jeunes femmes qu’il connaissait redoutaient plutôt d’avoir des enfants. Mais peut-être était-ce parce que celles qu’il fréquentait n’étaient pas mariées et quand elles l’étaient, l’époux ne remplissait que rarement ses devoirs conjugaux…
– Vous n’y êtes pas mon père. Voir ces enfants… j’ai moi-même perdu mes parents très jeune. Et sans la présence et la générosité de mon grand-père, j’aurais probablement fini comme l’un de ces pauvres petits.
– Je suis vraiment désolé… »
La main de Théophile saisit la sienne, Matthew en fut surpris, mais ce qui lui coupa le souffle fut le regard que lui jeta le prêtre, un long regard chargé de bienveillance, de chaleur et de douceur. Il se surprit à se dire qu’il était impossible de ne pas fondre. Plus encore, il se demanda qui était en train de séduire l’autre.
Par chance, Matthew ne révéla rien de plus. S’il avait dit la vérité sur son enfance, et sur son bienfaiteur de grand-père, il n’aurait su ce qu’il serait advenu. Mais cette main dans la sienne suffit, il garda le silence et se contenta de plonger son regard dans celui du français en souriant doucement.
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Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
fab2403
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Cirkannah
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writerinafoxhole
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