Fyctia
Chapitre 9 - suite
Il nous fallut encore une bonne heure à dos de cheval avant de nous retrouver devant les Colosses. Je ne pouvais m'empêcher de les détailler. Ils étaient encore plus immenses à présent que nous étions devant. Un orteil de ces statues était équivalent à une maison de la taille de celle de Myril. C'était incroyable. Il y en avait quatre. Deux de chaque côté, représentant des gardes en armure lourde arborant fièrement leurs armes. Elles étaient splendides, ainsi sculptées dans la roche noire des montagnes qu'elles gardaient. J'eus une pensée pour Myril, persuadée qu'il aurait aimé pareil spectacle.
Le long du passage du col des Collines de Wrecur, la vie était bien présente. La route était inondée de monde. Humains, métamorphes, sorcières et autres êtres surnaturels se baladaient à dos de créatures diverses plus ou moins monstrueuses. C'était un véritable capharnaüm. Ça grouillait et discutait dans tous les sens, se bousculant et se criant dessus pour mieux se frayer un passage à travers la foule. Certains avaient même déposé leurs marchandises à même le sol, sur un simple tissu, vociférant leur discours à qui voulait bien l'entendre.
« N'achète jamais rien ici. C'est de la contrebande. Beaucoup profitent de ce lieu de passage pour essayer de détourner les règles des marchés, mais la milice les rattrape vite. Regarde. »
D'un signe de tête, elle m'indiqua une scène se déroulant non loin de nous. Deux gardes habillés d'une armure aux teintes violette et bleue foncé se tenaient là, discutant abruptement avec un vendeur non humain. Je poussai un soupir surpris en le découvrant. Il se tenait sur ses pattes arrières et était entièrement recouvert d'un court poil doré de la tête aux pieds. Sa queue duveteuse dont la pointe était noire volait dans son dos à mi-hauteur, tandis que ses pattes avant étaient croisées sur son torse. Il portait des habits simples, dévoilant son buste toisé de poils tandis que ses jambes étaient recouvertes d'un pantalon ample dans les tons sombres. Le plus impressionnant était sans doute son visage, semblable à celui d'un félin. Incroyable. Cet homme était un Talys. Je me rappelais des ouvrages que j'avais pu feuilleter dans ma jeunesse au sujet de ce peuple. Venant tout droit des grandes Plaines Rouges, ce clan était réputé pour l'art de la vente, ainsi que pour son agilité. Avant la Grande Guerre, ils étaient restés cachés sur leur territoire, ne sortant que rarement de leurs terres et vivant en meutes. Chassés aussitôt après avoir mis les pieds en Dritor, où les humains vivaient, ils se contentaient de voyager à travers le monde sans plus leur accorder de l'importance. Traités la plupart du temps comme n'étant pas plus intelligents que de simple bêtes, ils se retrouvaient souvent accusés à tort de crimes qu'ils n'avaient pas commis, ternissant un peu plus chaque jour leur réputation. Rares étaient ceux qui leur faisaient confiance.
Le Talys que je dévisageai à présent depuis plusieurs secondes tourna soudainement ses grands yeux de félin en ma direction, me faisant tressaillir sous la surprise. Aussitôt, je détournai les miens, incapable de maintenir le contact visuel plus longtemps. A la place, je préférai porter à nouveau mon attention sur la route, me tenant sagement contre Eris qui arrivait à nous frayer un passage entre les passants avec une aisance incroyable. Une poignée de minutes plus tard, nous étions à l'air libre, loin de l'agitation, des cris et des conversations. Je pris une profonde inspiration en sentant l'air contre ma peau. Nous y étions, les Terres d'Horene s'étalaient devant nos yeux. Eris ne fit pas de pause, accélérant même la cadence de son cheval afin que nous rejoignions au plus vite l'endroit dont elle m'avait parlé, voulant arriver avant le coucher du soleil.
« Nous y sommes presque. J'ai hâte de m'arrêter ! Je n'en peux plus ! »
Et en effet, nous l'étions. Quelques minutes de plus et nous posions enfin pied à terre. L'établissement ne payait pas de mine de l'extérieur, ressemblant à une grande chaumière à deux étages dont le toit et les murs étaient usés par le temps. La végétation avait même repris ses droits sur la bâtisse, s'invitant ici et là le long des fenêtres d'où s'échappaient des rires enjoués. L'endroit semblait animé. De la lumière pulsait à travers les vitres. Une cheminée crachait déjà une belle fumée de couleur ocre alors que le jour se couchait à peine derrière les montagnes de Wrecur. Je pris le temps d'admirer ce spectacle, le ciel se pourfendant de couleurs tirant sur le orange et le rose foncé. Dans quelques minutes, il ferait nuit.
Eris fut la première à descendre de notre cheval, m'aidant à mon tour ensuite. La tâche s'avéra douloureuse, mais grâce à elle, je réussis à me réceptionner correctement. Passant un de mes bras par dessus ses épaules, elle m'emmena avec elle pour franchir la porte, qui s'ouvrit justement lorsque nous étions sur le point d'entrer. Deux personnes en sortirent, visiblement bien alcoolisées, ne faisant même pas attention à notre présence, l'un d'eux heurtant Eris de plein fouet.
« Vous ne savez pas regarder où vous allez non ? » vociféra-t-elle avec hargne à leur encontre.
Mais c'était peine perdue, ils étaient déjà partis, sans même nous accorder un regard, batifolant joyeusement bras dessus, bras dessous. Je vis Eris lever les yeux au ciel, me provoquant un petit rire au passage.
« Je crois qu'ils ne t'ont même pas entendue. »
L'instant suivant, nous entrions enfin. La chaleur nous accueillit à bras ouverts. Les rires et la musique résonnaient chaleureusement dans la pièce. Eris me conduisit jusqu'à une table libre, entourée de bancs, m'abandonnant là sans attendre. Je la vis se précipiter jusqu'à une porte semblant donner sur l'arrière du bâtiment, harponnant un jeune homme semblant à peine plus âgé que nous. Son regard se posa brièvement sur moi avant qu'il ne s'éclipse avec la sorcière. Pendant ce temps, je m'efforçai de me détendre, profitant enfin de la terre ferme et de l'ambiance qui régnait ici.
Mon attention s'attarda dans un coin de la pièce, où un groupe de musiciens jouait une mélodie entrainante, faisant danser les gens tout autour d'eux, un grand sourire leur barrant les lèvres. Hommes comme femmes, ils étaient aussi impressionnants à voir qu'à entendre. Grands et élancés, ils étaient d'une beauté renversante. Doté d'une aura similaire à celle des vampires, ils attiraient tous les regards, sans exception. Leurs cheveux étaient longs et vivement colorés pour certains, tandis que d'autres arboraient une tignasse blanche aux reflets argentés. Ils étaient tous fins et portaient les traces de branchies au niveau de leur cou. Leurs tenues, elles, étaient légères, alliant un jolis mariage de couleurs vives. Des sirènes !
8 commentaires
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 5 ans
Salomé C. Hurrt
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Il y a 5 ans
shakee
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Il y a 5 ans
Salomé C. Hurrt
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Il y a 5 ans
Bulle d'Auré
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Il y a 5 ans
Lou.R.Delmond
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Il y a 5 ans
Salomé C. Hurrt
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Il y a 5 ans
Gilles
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Il y a 5 ans