Fyctia
Chapitre 10 - Sorel (Partie 1)
- Bien, je suis contente de vous voir pour de bonnes raisons aujourd’hui, M. ENDRICK. J’ai vu vos résultats, ils sont excellents. Vous vous êtes intégré rapidement, en à peine deux mois vous avez su convaincre mes équipes de votre dévouement, j’en suis satisfaite. Malgré quelques débordements, qui semble s’arranger, je l’espère.
- Nous avons mis les choses au clair.
- Comment avance votre mission ?
- Plutôt doucement, il y a beaucoup de pièces à changer.
Trop pour une seule personne. Ezio ne m’aide toujours pas, et il me fait l’honneur de sa présence une fois sur deux. Nous avons plusieurs rendez-vous par semaine depuis notre accord. J’avais espoir qu’à la suite de notre discussion il y a quinze jours les choses prendraient une tournure différente, je me suis trompé. Ezio passe son temps à me regarder agir, à croire qu’il a peur de la toucher.
- Comment va-t-il ?
- Aucune idée, il ne me parle pas.
Oui ça aussi ça commence à devenir vraiment pesant. En plus de rester assis sur son tabouret à ne pas bouger, il ne prononce pas un mot, mis à part un timide bonjour.
- La pente est difficile à remonter pour Ezio, il a encore besoin d’un gros travail sur lui-même, j’en conçois parfaitement.
- J’ai cru comprendre. Ce que j’ai du mal à comprendre c’est le "pourquoi" ?
- Avez-vous entendu l’histoire de cette voiture ?
- Évidemment. Comment aurais-je pu passer au travers ?
Mme Ravelle penche la tête un moment à la recherche de ses mots avant de reprendre :
- Esteban était son meilleur ami, ils sont entrés ensemble dans cette école. En réalité, ils sont entrés dans cette école à cinq, des amis d’enfance. L’un d’eux a abandonné le cursus au milieu de leur première année. Un lien très fort est présent au sein de leur groupe. Après l’accident, Ezio s’est refermé sur lui-même, nous avons tentés à plusieurs reprises de lui faire suivre une thérapie avec un psychologue. J’ai convoqué ses parents pour qu’ils trouvent une solution, mais rien n’y a fait.
Ezio a un sacré problème avec cet événement, je peux l’entendre. Je sais ce que représente la perte d’une personne à qui l’on tient plus que tout. Pourquoi ne pas avoir accepté l’aide de ses proches ? Pourquoi ne pas vouloir remonter la pente ? Il porte le deuil sur lui en permanence, ce qui est loin d’être productif pour le reste de sa vie.
- Il ne veut pas qu’on s’en débarrasse, car elle appartient toujours à Esteban. Il s’est mis en conflit avec tous ces camarades et les équipes de mécanique à cause d’elle. J’ai été très patiente en lui accordant de la conserver jusqu’à ce qu’il soit prêt. Il est temps qu’on le brusque.
- Vous avez profité de l’opportunité de mon arrivée ?
Mme Ravelle se lève de sa chaise pour aller observer le paysage qu’offre la fenêtre de son bureau.
- Oui. Ici plus personne n’approche le garage D depuis une énième crise de sa part. Avoir du sang neuf sur qui il peut passer ses nerfs été une occasion effectivement. Ne le prenez pas mal. Ajoute-t-elle le visage tourné dans ma direction. Je ne vous ai pas accepté pour cette raison.
- J’espère bien parce que ce n’est pas un cadeau.
Elle sourit puis retourne à sa contemplation.
- Je connais votre père. Je sais qu’il a travaillait parmi nous, je connais aussi la sombre affaire qui l’entoure. J’en suis navrée. Je n’étais pas ici à cette époque j’ai entendu des bruits de couloir, jusqu’à ce que je pose les bonnes questions aux bonnes personnes. Parfois, il faut avoir un étranger en face de soi pour démêler les vérités.
- Il a été reconnu non coupable dans cette affaire, elle a tout inventé, car il a refusé ces avances.
- Exactement.
Mon père aurait pu prendre des années de prison et une sacrée amende si elle n’avait pas mis son nez dedans à son arrivée à la direction.
- Je reprenais la tête de l’établissement après que son ancien directeur est démissionné sans prévenir, j’avais besoin d’avoir une totale confiance en mes employés. Il s’est avéré que cette jeune fille n’était pas la seule à en vouloir à votre père. Le départ précipité du directeur n’était pas non plus anodin.
Ces pourritures ont failli briser ma famille il y plusieurs années. Ma motivation pour venir à H. Castel était de faire payer ceux qui ont osé lui faire du mal. Sauf que…
- L’équipe d’enseignant à beaucoup changer, je n’ai reconnu seulement deux.
- Je vous l’ai dit, elle n’était pas la seule à en vouloir à votre père. Quand on est quelqu’un d’important, on a souvent des ennemis qui suivent. Je voulais une équipe de profs soudée qui soit capable d’aider les jeunes comme vous, avec un brillant avenir.
- Ce qui n’a pas vraiment fonctionné avec M. REED.
- Effectivement, mais Ezio est un cas à part, très délicat.
Elle finit par s’asseoir à côté de moi sur le fauteuil à ma droite, rendant notre discussion plus intimiste.
- Pour en revenir à lui, je voudrais que vous fassiez votre maximum, si ce n’est plus, pour le sortir de cet état. Il est très fragile, émotionnellement parlant.
- Oui, j’ai pu constater que physiquement il est plutôt en forme. Je tente une pointe d’humour.
- Si notre deal prend plus de temps que prévu, ce n’est pas grave, tant que cela le sort de sa tristesse, sans trop le bousculer.
- Et si cette nouvelle tentative échoue comme le reste ?
Elle met plusieurs secondes à trouver quoi me répondre. En presque un an et demi, son entourage a tout tenté pour le sauver sans y parvenir. Pour quelle raison, moi, une personne lambda, réussirai un exploit que sa famille et ses amis n’ont pas obtenu.
- J’ai confiance en vous, et je sais qui vous êtes surtout. Elle me lance un regard de connivence avant de poursuivre. Je suis ravi que ce soit vous qui vous en occupiez. Affirme-t-elle avec un grand sourire.
Finalement, mon anonymat n’aura pas duré très longtemps pour certaines personnes. Elle se relève à nouveau pour rejoindre sa position initiale derrière son bureau et m’indique d’un geste que je peux disposer. Je ne me fais pas prier longtemps pour fuir cet espace, mais elle m’intercepte :
- Une dernière chose Sorel, ne tardez pas à lui dire la vérité, vous pourriez regretter vos mensonges. Ils pourraient le mener à sa perte, il est fragile, ne l’oubliez pas.
- Entendu.
Je referme la porte dans mon dos et souffle un bon coup adossé au mur du couloir.
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Mélia MC
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Il y a 2 ans