Fyctia
Chapitre 9 - Ezio ( Partie 2 )
Je m’assois sous la menace du renvoi qui pointe son nez à chaque confrontation avec lui. Nouveau coloc, ces mots me hérissent encore les poils. Il habite avec eux depuis deux semaines et ils s’entendent à merveille. Ce qui me déprime d’autant plus, il débarque de nulle part, squatte mon refuge, me vole mes amis et il me dépouille de mon bien le plus précieux.
Je le revois encore il y a une semaine dans le garage D, mon cœur s’est à nouveau brisé. Nous avons un deal avec la proviseure, il le respecte et tient parole. Quand je me suis approché de la fenêtre, Sorel avait déjà fait un bon travail, le capot et quelques éléments étaient soigneusement posés sur le côté de la pièce. Chaque composant était déposé à même le sol accompagné de papiers comprenant leur nom, leur position et les réparations à apporter. C’est une technique qu’on nous apprend au début de l’apprentissage pour nous repérer dans l’espace et éviter les erreurs.
Quand nos regards se sont croisés, une animosité est montée jusqu’à mon cerveau, pourtant j’e me suis me résigner de ne pas lui foncer dessus. Tout le monde à raison, je dois prendre sur moi et me comporter en adulte. Une constatation m’a choqué, ses yeux étaient rouges et ils semblaient vouloir dire « Viens, frappe-moi une bonne fois pour toutes » et en même temps « je suis désolé pour tout ce que tu endures. » Perdu entre ces deux phases, je suis rentré pour visualiser l’ampleur des dommages de plus près, comme si je n’avais pas déjà suffisamment d’images. Il a dressé une liste de tout le matériel à changer ou réparer. Une liste énorme, beaucoup trop longue pour tout réaliser à deux. C’est un débris, rien d’autre. Tout comme mon cœur, brisé, en miette.
- Un petit verre chez Raymon’s après cette journée, ça vous dit ? Propose Kenny.
J’accepte aussitôt, j’ai besoin de me vider la tête. La sonnerie retenti, je récupère mes affaires et file dehors prendre l’air, suivi de mes deux frères. Je n’ai pas le temps de passer le pas de la porte que j’entends dans le dos une phrase qui m’irise les poils.
- Sorel tu viens avec nous après les cours on va boire un verre dans notre bar favori ?
Sohan n’aurait quand même pas osé me tendre un piège ? Je me retourne et tombe sur trois paires d’yeux en train de me fixer.
- Le verre de l’amitié avec les gars, pour enterrer la hache de guerre. Riposte, Sohan.
Je ne prends pas la peine de répondre ou de protester. S’il le faut, j’irai me vider la tête dans un autre bar sans eux.
***
Mes parents sont rentrés de leur voyage d’affaires, je pensais avoir trouvé une excuse pour échapper à l’enfer de ce soir. C’était sans compter sur Côme, qui en apprenant ma combine pour me désister, a débarqué il y a deux minutes dans le salon de mes parents pour me supplier de venir.
- Allez, viens s’il te plaît.
- Mes parents viennent de rentrer, je pensais passer la soirée avec eux pour leur retour.
- Théo, Janne, s’il vous plaît, laissez-le sortir ce soir, c’est l’anniversaire de Zaiden.
- Rejoins tes amis, mon chéri, nous irons dîner au restaurant demain tous les trois. Tu ne vas pas louper un anniversaire.
Ma combine visée à abandonner chaque partie pour être seul dans un autre bar et me vider la tête, se sera donc pour une autre fois. Les traîtres. Je me tourne vers Côme, le sourire jusqu’aux oreilles. Mon échappatoire tombe à l'eau, il a réussi à tendre un piège à mes parents. Il m’entraîne dans l’entrée par les épaules et m'aide à enfiler mes chaussures et ma veste.
- Je ne vous le ramène pas trop tard, promis.
- Prenez votre temps, un anniversaire c’est important à vos âges. Insiste, mon père.
Je foudroie Côme qui retient un rire dans sa barbe naissante. J’ouvre la porte à contrecœur vers la pire soirée qui m’attend.
- Tu es un traître. Son anniversaire est au mois de juin et nous ne sommes qu’en avril.
- On prend de l’avance, c’est pour l’effet de surprise. Dit-il en me tapotant l’épaule.
- Tu sais qui Sohan a invité ce soir ?
- Oui, leur nouveau coloc. Il m’a appelé tout à l’heure, il tient absolument à ce que tu viennes.
Les traîtres.
- Tu sais qui est ce fameux coloc ? Demandé-je en m’arrêtant devant sa voiture.
- Oui. Dit-il d’un ton las. Je sais qui est Sorel, ce qu’il a fait, tu me l’as déjà raconté. Il faut que tu arrête d'en vouloir à la terre entière. Je comprends que tu sois chamboulé par les événements, nous le sommes tous les quatre, mais c’est mieux pour tout le monde que cette voiture disparaisse de notre champ de vision. Du moins l’état dans laquelle elle est. Tu ne trouves pas que de la conduire serait mieux pour lui rendre hommage que de la laisser pourrir dans un coin ?
Je jette un caillou du bout du pied. Il n’a pas tort. Je sais à quel point Esteban adorait cette voiture. Il la protégeait comme un parent protège son enfant. C’était drôle à voir, il l’a briqué tous les week-ends, intérieur et extérieur. Il avait chopé une tendinite au coude à force de la lustrer.
- J’aimerais réussir à passer à autre chose, mais c’est extrêmement compliqué.
- Je sais. Viens là.
Côme s’approche de moi et m’étreint dans ses bras.
- Je devine aussi que tu n’as pas eu toutes les réponses à tes interrogations. - Il prend mon visage entre ses mains - le jour où tu auras assez de courage, on sera là pour t’écouter et en discuter. Nous sommes mal placés pour te juger.
Son visage s’illumine d’un sourire qui réchauffe l'organe atrophié dans ma poitrine. Ses mots m’apaisent un peu. Juger. Il a mis le mot juste sur ce que je ressens. J’ai toujours eu peur d’être jugé par les autres. Je ravale mes larmes et monte dans la voiture à ses côtés.
1 commentaire
iris monroe
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Il y a 2 ans