Fyctia
Chapitre 5 (P1) - Ezio
Je me réveille dans une maison aussi vide que mon esprit. Un café noir pour me tenir compagnie après une nuit presque blanche. Sans aucune motivation pour cette journée chargée, je file sous la douche, un effort surhumain pour me sortir de cet état de semi-coma. J'ai passé la soirée avec Nelly, elle m'a épuisé, mais pas suffisamment pour que je puise faire une nuit complète.
La tête encore embrouillée je pars en direction du centre de formation, les écouteurs branchés à mon téléphone et lance la musique de ma playlist. Un son rock pulse dans mes oreilles et le trajet paraît plus court comme ça.
C'est à reculons que j'arrive à l'atelier puisque Kenny a un rendez-vous important, il ne sera pas là avant onze heures, et Sohan quant a lui est dans le groupe B pour les travaux pratiques. En bref, je me retrouve donc tout seul pour cette matinée. Après quinze minutes de retard M. Rive ne perd pas de temps et nous informe de plusieurs consignes, afin de pouvoir commencer nos activités du jour.
- Vous allez vous mettre par deux aujourd’hui, l’exercice est facile alors deux têtes pensantes feront l’affaire.
Des vibrations m'informent qu'un message vient d'arriver, ma mère me prévient qu'ils passeront peut-être ce week-end. Elle ne me demande pas comment je vais, ou si je ne manque de rien, un SMS banal pour de son fils. C'est tellement devenu une habitude. Les dossiers pour lesquels mes parents sont partis depuis trois semaines sont plus complexes que prévu et ils peinent à me donner des nouvelles.
- Ezio, ton téléphone dans ton sac, s’il te plaît.
- Désolé, monsieur, c’est ma mère.
- Va rejoindre ton binôme, tu verras ça plus tard, si ce n’est pas important.
Rive connaît la situation avec mes parents, il ne tient pas compte de mes fautes d’inadvertance si c’est pour eux. Surtout depuis l’accident.
Les profs ont tendance à me laisser tranquille. Occupé ailleurs, je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ce fameux binôme, le hasard l’a fait pour moi. Je me lève, range mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, et m’arrête une seconde pour observer la pièce et pars en direction de l'individu toujours seul.
Sorel. Super. Foutu destin. Il ne manquait plus qu'une matinée en tête avec lui. D'un pas lent, je m'installe à ses côtés. Sans un mot on se salue d'un simple signe, la courtoisie n'a jamais fait de mal à personne.
- Parfait maintenant que tout le monde est en place, vous allez pouvoir commencer. Devant vous, vous trouverez, des pièces qui constituent un ensemble, à vous de jouer pour les assembler. Aujourd’hui vous êtes deux, la semaine prochaine vous serez solo. Vous avez trente-cinq minutes. Top.
On ne peut pas commencer à travailler seul ? Quitte à le faire plus tard autant apprendre tout de suite, non ?
Je ne m'entends pas avec mon binôme attitré et je n'ai pas prévu de faire des efforts envers lui. Il a un je-ne-sais-quoi qui m'insupporte.
Voilà plusieurs jours que je le vois se pavaner devant tout le monde, mais rien ne passe à propos de lui, il me dérange. Il a touché à ce qu'il n'aurai jamais dû. Sa voiture. Celle qu'il a conduite pour la dernière fois, celle qui l'a conduit à la mort.
Personne n'a l'autorisation d'y poser ne serait-ce qu'un doigt, ni même un regard. À l'époque j'ai supplié de toutes mes forces la direction pour la conserver ici, car ce bolide était son rêve et au départ j'avais pour but de la restaurer en sa mémoire. Un jour, si j'en ai le courage.
Pour le moment, j’essaie tant bien que mal de faire mon deuil. C’était il y a un an huit mois et un vingt-cinq jours. Machinalement, je touche la bague qui orne la chaîne à mon cou. Pas une seule fois je n’ai réussi à m’approcher de cette voiture sans m’effondrer en larme comme un gamin. Un jour j’y arriverai, je le sais. Quand ? C’est une autre histoire.
Perdu dans mes pensées j’observe Sorel sortir le matériel dont nous avons besoin, tandis que je reste là sans pouvoir bouger. Mon corps se met à trembler sous les images qui défilent dans ma tête, les mêmes souvenirs qui hantent mes nuits.
- Tu comptes m’aider ou rester les pieds visés au sol ? Parce que je n’ai pas besoin d’une plante.
- Je vais t’aider, tu risquerais de te blesser. Rétorqué-je avec un regard assassin.
- Les menaces.
- Ne me cherche pas.
- Ou sinon ?
- Les gars, calmez-vous. Hurle, M. Rive à l’autre bout de la salle.
Je ravale ma fierté et lui la sienne, puis nous nous mettons à effectuer nos tâches. Chacun commence son travail sans parler à l’autre. C’est une torture de voir Sorel dans la même pièce que moi, alors l’avoir aussi proche me donne des envies de meurtre, c’est pire que l’enfer. J’ai une rancœur avérée contre lui, outre le fait qu’il débarque de nulle part pour me blesser. Je ne peux pas en faire plus, il a été un parfait connard en s’en moquant, cette épave, comme il l’a nommée, c’est tout ce qui lui subsiste maintenant que reste s’est envolé.
Je suis totalement ailleurs, comme extérieur de mon propre corps et mon voisin le perçoit, il récupère les outils que j'ai entre les mains sans manquer de soupirer. Nous sommes censés travailler à deux, alors que ni lui ni moi ne semble vouloir de l'autre.
- Tout se passe comme vous voulez ? S’approche M. Rive d’un œil observateur.
- Oui. Réponds Sorel pour nous deux.
Une fois le prof éloigné, je secoue la tête, et essaie de me reprendre pour m’investir.
- Si tu n’es pas capable d’assurer, épargne-nous ta présence, tu es un danger pour les autres.
Sorel a les yeux plantés sur moi, les dents tellement serrées que les mots peine à être audible, la voix basse, comme une menace.
- La ferme !
Un jour, j’ai lu quelque part qu’il ne fallait pas considérer un inconnu comme un ennemi potentiel ou un intrus, mais comme un ami. L’accueillir et se comporter avec lui comme tel au lieu de lui être hostile de prime abord.
Règle totalement impossible avec ce type. Je ne veux pas de lui comme ami. Dès que je le vois, je repense à ces doigts sales glissés sur la carrosserie. Mon poing se serre par automatisme, la colère redémarre de plus belle. Il me donne un coup d’épaule pour que je me pousse et le laisse exécuter sa manipulation, or je prends ce geste comme un énième affront.
Mon poing fini contre son torse, il hurle de surprise et recule contre l’établi installé dans son dos, faisant tomber au passage quelques outils. En une fraction de seconde il vient agripper le col de ma combinaison et me plaque contre le plan de travail, faisant basculer les pièces qu’il a commencé à assembler. Je tente de me défendre, mais il bloque mes mouvements, en maintenant mes poignets à quelques centimètres de son visage, sa hanche s’appuie contre la mienne, ce qui m’empêche de bouger.
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Hola les lecteurs !!
L'ambiance s'échauffe 🔥
Bonne lecture 😉
Nolisa🌙🌸
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