Fyctia

— La femelle qui vient de m’appeler. (Reaver se dégagea d’un coup sec de sa prise et recula de deux pas.) Je veux son adresse.

— Mais pourquoi, diable, veux-tu ça ? s’étonna l’ange en se rasseyant dans son fauteuil pour laisser danser ses doigts sur le clavier.

— Elle est en danger, putain.

— Quoi ? s’écria-t-il en relevant brièvement les yeux sur Wraith. Merde, tu veux que je m’en occupe ?

— Non ! répondit un peu trop vite le guerrier. Il faut que ce soit moi qui y aille.

— Que se soit toi, répéta lentement Reaver, comme pour en savourer les inflexions, mais sans pour autant ralentir le rythme de ses doigts.

Reaver coula un regard en direction du démon. Les immenses mains du grand guerrier tremblaient, à cause des machines ou à cause d’une quelconque émotion, l’ange n’aurait su le dire. Il remarqua aussi que ses ongles s’étaient allongés et qu’il avait une étrange manière de respirer, comme s’il se forçait à compter jusqu’à dix entre chacune de ses bruyantes inspirations.

Si Reaver ne le connaissait pas aussi bien, il aurait pu affirmer avec certitude que le guerrier était terrifié. Mais il le connaissait, alors il ne paria rien, car Wraith n’avait peur de rien. Hormis du noir, mais cela restait encore à vérifier.

— Mais... pourquoi toi ? demanda soudain Reaver en relevant la tête de son écran d’ordinateur, les doigts courant sur les touches, comme mus de leur propre volonté. Tu t’en moques, normalement, non ? Et en plus, tu ne réponds jamais au téléphone. Un truc cloche, c’est ça ? (Reaver ne lui laissa pas le temps de répondre.) Il faut que je sache quelque chose de particulier ?

Wraith eut une toux rauque et des gouttelettes de sang éclaboussèrent le tapis persan qui recouvrait la presque totalité du sol. Il se pencha en avant, les mains sur les genoux, comme s’il avait couru – et gagné – un marathon, et réussit malgré tout à dire entre deux râles :

— Non. Pas cette fois. Magne ton cul, mon Frère.

Reaver observa du coin de l’œil Wraith serrer les dents jusqu’à s’en faire craquer les mâchoires.

— Ça y est, je l’ai, dit calmement Reaver, sans la moindre trace de fanfaronnade. Le téléphone a émit un signal depuis le 443 Enaglewood Road à Mystwell. Enaglewood ? C’est tout près, à trois minutes en trottinant.

Lorsque Reaver se retourna, un air légèrement fier de lui plaqué sur le visage, il n’y avait plus aucune trace du guerrier. Wraith avait disparu.

Son sourire retomba lentement.

Seuls restaient une odeur de feu dans l’air, un peu de poussière orangée et trois gouttelettes écarlates sur le tapis, jusqu’alors immaculé.

Et une goutte de sang sur sa chaussure gauche, en plein sur le H en argent qui formait la boucle.

Il jura en fronçant les sourcils.

— Oh non, Wraith ! Elles étaient neuves, ces Hermès !