Fyctia

— Tu crois qu’il aurait tenté de brûler son bourreau ? demanda Crimson en se redressant. Ou de faire fondre des potentielles entraves ?

— Mh, fit Wraith, ignorant lui-même si cela avait plus du oui ou du non.

— Tu penses à une espèce en particulier ?

— Il faudra attendre l’autopsie de Trez pour savoir si la peau autour du métal a fondue ou si, au contraire, elle est encore intacte. Suivant le résultat, ça éliminera un bon nombre de possibilité.

Il se releva d’un mouvement vif et Crimson se gratta le menton, faisant crisser sa courte barbe cuivrée.

— Sorcier, démon de feu, dragon, kitsune... La liste est interminable, remarqua calmement ce dernier. Beaucoup d’espèces peuvent maîtriser le feu.

— Tu as oublié les Psis, à ta liste, intervint soudain Shade, juste derrière eux.

— Il est où, l’autre ? demanda rapidement Wraith d’un ton brusque en pensant soudain à Ducon.

Le vampire se décala d’un pas sur la droite, laissant le guerrier admirer le moulin à parole en plein mutisme, les yeux fermés. Il remarqua qu’il oscillait légèrement, les bras serrés autour de son maigre torse.

— Qu’est-ce que tu lui as fait, encore ? intervint Crimson en soupirant, ses yeux violets scrutant l’état du civil.

— Il est en transe. On en a encore pour un petit moment avant qu’il ne se réveille d’un coup et qu’il se souvienne d’aller acheter de la peinture chez Lowe’s.

Wraith acquiesça.

— Bien. Psi, tu disais ?

Il fronça les sourcils, sceptique : les Psis appartenaient à une espèce surnaturelle qui ne ressentait rien, aucune émotion. Jamais. Réputés pour leur incroyable maîtrise d’eux-mêmes, leur point de vue clinique et leurs aptitudes mentales et psychiques remarquables. Le domaine de prédilection des Psi était le cerveau. D’ailleurs, ces êtres guindés s’estimaient à 99 % supérieurs à toutes les autres races réunies. Le pourcent manquant étant seulement le fait qu’ils n’ont pas encore réussit à s’empêcher de fonctionner sans un minimum de deux heures de sommeil.

Bonjour, putain d’arrogance !

— A ce que je sache, continua Wraith, ils ne sont pas capables de manier le feu, ni un quelconque élément. Ce n’est pas dans leurs... capacités.

— C’est rare, mais ils existent, confirma le vampire.

— Des Psis qui contrôle le feu ? s’étonna Crimson. Ce serait du nouveau, ça.

— Il faudra voir ça avec notre Psi, coupa Wraith. Puisqu’il sait tout, il devrait le savoir, c’est l’univers de Zach, après tout.

— S’il savait qu’on l’appelle par son surnom lorsqu’il n’est pas là, je suis certain qu’il ne serait pas très content... lui qui aime tant que son prénom soit à chaque fois mentionné en en-ti-er, articula Shade en levant les yeux au ciel.

En effet, les Psi étaient des êtes abjectes – et un peu con-con sur les bords.

Il n’existait rien de plus scrupuleux et respectueux des règles que les Psi. Ils étaient arrogants, cérémonieux, conventionnels, guindés, maniaques, rigides... et encore, ce n’était que la partie visible de l’iceberg. Bon, ils étaient aussi plus qu’intelligents, certes... mais c’était chiant. Et Zacharyha était sûrement le pire d’entre tous. Il se qualifiait « d’être vivant le plus évolué et le plus perfectionné que Tunghlad n’ait jamais connue, bien qu’elle ne puisse connaître personne, puisqu’elle est n’est pas faite de chair et de sang, pas comme nous, les Psi ».

Ouais, c’était craignos.

— On s’en tape, il n’est pas là, dit Crimson d’un ton glacial en sortant son téléphone de sa poche. Zach, Zacharyha, quelle différence ? Qui a en quelque chose à faire? soupira-t-il.

— Pas moi. Qu’as-tu appris avec le témoin ? demanda Wraith en se tournant vers le vampire.

— Rien de très important. Si ce n’est que son grand-père pratiquait la pêche à la moule et qu’il aimait manger du bortsch. Garret a aussi un fils, un petit garçon qu’il n’a pas vu depuis six ans parce q...

— On s’en fout.

— Mais...

— Il a raison, on s’en tape, approuva Crimson, les yeux rivés à son écran.

— Shade... menaça Wraith. Qu’est-ce qu’il a vraiment dit, ce con ?

— Moi je l’aime bien ce p’tit Garret, il est très intéressant.

— Non. Il est aussi chiant que toi, grinça Wraith. Alors, il a dit quoi ?

— Qu’il avait vu plusieurs personnes à proximité du mur. Un groupe tourné en direction des briques. (Il fronça les sourcils.) D’ailleurs, ça l’a étonné que le rat aille dans cette direction, car les gars étaient plutôt bruyants – et qu’en général, (il mima des guillemets avec ses doigts) ‘‘les rats restent dans leurs trous, pour jouer avec leurs grosses boules’’. Garret a voulu les rejoindre car il pensait qu’il devait y avoir un dealer au centre de cette assemblée et il a dit que ça faisait un petit moment qu’il ne s’était pas rouler un bon joint. Et...

— Ces humains... soupira Crimson en secouant la tête. Tous des cons.

Wraith approuva d’un grognement. Il fit ensuite signe de continuer à Shade.

— Il y est allé. (Le vampire haussa les épaules.) J’en déduis qu’il n’a pas trouvé la petite sauterie à son goût. Il a dégobillé par là-bas (il montra d’un geste vague un endroit sombre dans la ruelle) et lorsqu’il s’est redressé, il n’y avait plus personne.

— Combien ?

— Quatre ou cinq. (Il secoua la tête.) Peut-être huit, il n’en était pas sûr.

— Connard d’incapable inutile, marmonna Wraith. Tu crois qu’ils se sont dématérialisés ?

— C’est probable, ouais.

— C’est bon, intervint Crimson. Trez arrive pour s’occuper du corps, je lui ai envoyé nos coordonnés GPS.

— Bien, grommela Wraith.

— Il devrait arriver d’une minute à l’aut...

Crimson fut coupé par une voix grave :

— Alors, il est où ce macchabée ?

Wraith et Shade se retournèrent. Ils virent tous les trois l’homme d’un mètre quatre-vingt-dix, debout au centre de la ruelle – alors qu’il n’y avait personne une seconde plus tôt.