Fyctia
Chapitre 12-2 Ezra
— Ça ne faisait pas partie des règles établies par monsieur le détective ici présent, il me semble.
— Je l’ajoute.
— Elle remplace celle des prénoms ?
Elle me lance un regard et je glisse les mains dans mes poches, juste pour les occuper. Ses yeux verts me scrutent, avant de reprendre leur inspection précédente.
— Tu peux jouer aux dures, tu peux me cacher toute ta vie, tous tes petits secrets inavouables, mais ce qui se passe dans cet appartement, sur ce palier, c’est sous ma responsabilité. Alors tu as quelque chose à me dire ?
— Tu veux dire à part te confesser que mon ADN recouvre chaque partie de cet appartement, y compris tes vêtements ? cingle-t-elle, sans relever la tête.
— Si tu ne veux pas coopérer, à ce moment-là…
— Ça y est ! s’exclame-t-elle en plaquant ses mains sur ses tempes. Ça y est, le temps des menaces est arrivé !
— Arrête un peu, je ne te menace pas. Tu peux taire ce qu’il s’est passé ce matin, j’ai une petite idée sur la question.
— Vraiment ? Tu mérites ton statut de détective alors ?
— Tu sembles surprise.
— Tu n’as pas de fan de l’autre côté de cette porte.
Ses mots sont crachés, elle les éjecte de sa bouche avec une violence qui me laisse dépourvu de réponse. Dave vient de me mentir, alors j’attends un minimum de sincérité venant de Kendall. Pourquoi protégerait-elle les agents ? Pourquoi garderait-elle pour elle une information qui pourrait jouer en sa faveur ?
— Qu’est-ce qu’il s’est passé, Kendall ?
Elle soupire, abandonne son spot et vient se planter devant moi, les bras croisés sur sa poitrine.
— Disons que je suis autant fan d’eux, qu’ils sont fans de nous.
— Ils ? tiqué-je. Qui d’autres y avait-il ?
Les sourcils s’arquent et sa bouche s’arrondit.
— Tu ignores qui nous surveille ?
Je réalise un point important grâce à elle : Kendall n’est pas la seule sous surveillance, ici. Moi aussi je suis scruté ! Mais quel imbécile ! Bien sûr ! Les remarques de Dave, la mise sous silence de son partenaire ! Je ne suis pas au courant de tout ! Mercer me doit quelques explications ! La colère grimpe en flèche dans mes entrailles. J’étais dans son bureau ce matin, il s’est bien gardé de m’informer que j’étais évalué par mes collègues plus chevronnés ! Et moi qui ai accepté de placer ce fichu émetteur dans la coque de mon téléphone. Aucun moyen de revenir en arrière.
— Il ressemblait à quoi ?
Elle semble hésiter, ses yeux se posent partout sauf sur moi.
— Il lui manquait un morceau d’oreille.
McBurn ? Hal McBurn est sur cette enquête ? Il ne fait plus de terrain depuis deux ans ! Bras droit de Mercer, il le remplace dans certaines conférences, gère les équipes, et supervise les missions à haut risque.
Ce n’est pas logique !
— Comment il l’a perdu, d’ailleurs ? questionne Kendall.
Je ne vois pas de raison de ne pas lui divulguer l’information, sans elle, j’ignorerais encore qu’il est là.
— Des rumeurs circulent qu’il y a un an un interrogatoire s’est mal terminé et que le type s’est jeté sur lui et lui a arraché un morceau d’oreille.
— Vraiment ? C’est fascinant.
Je m’apprête à rétorquer que nous devons bouger, quand j’effectue une connexion dans mon cerveau.
— C’est toi, le type.
— Enchantée, réplique-t-elle, sans l’ombre d’un sourire sur son visage.
— Je me rappelle avoir lu dans le rapport de l’enquête que c’est McBurn qui avait fait une partie des interrogatoires. C’est juste écrit qu’il se retirait parce que ça ne servait à rien.
— J’étais trop coriace pour lui.
— C’est lui qui t’a touché ?
— Aujourd’hui, non, il ne m’a pas touché.
Alors, il l’a fait pendant ses tête-à-tête avec elle. Une puissante envie de tout envoyer valdinguer s’empare de mes tripes. Il est connu pour ses interrogatoires musclés, mais pas violents. Aurait-il changé son mode opératoire ? Mercer est-il au courant que son bras droit prend ses aises ?
Kendall ne prononce plus un mot, mais je crois distinguer dans son regard une flamme. Elle étincelle, brûle et détruit tout sur son passage.
— Le coussin, c’est parce que tu l’as revu ?
— Dommage collatéral, je te l’ai dit. Je peux rajouter une condition à notre accord ?
— Tu sais que je vais te la refuser, mais je t’écoute.
— Je veux cinq minutes avec McBurn. Seul.
— Hors de question. Tu ne l’approches pas et il reste à distance de toi.
Un sourire triste fend son visage. Elle avance d’un pas vers moi.
— Même toi, Ezra, tu ne pourras pas m’empêcher de terminer mon travail, assure-t-elle.
— Quoi exactement ? Lui arracher toute l’oreille ?
— Tu as tout compris.
Non, je ne peux pas cautionner ça. Malgré tous mes doutes, il reste un de mes collègues. Respecté par le bureau. Contrairement à moi.
— Cette conversation est finie, on bouge.
Comme si je lui avais annoncé qu’elle était libre, ses yeux s’écarquillent. J’ai piqué sa curiosité.
— Je vais sortir d’ici ?
— Oui.
— Pour aller où ?
— Tu verras bien.
— C’est un traquenard ? m’interroge-t-elle en plissant les paupières.
— Non.
Je retourne à ma sacoche et en extirpe un autre type de course que j’ai effectué. Kendall s’en empare et récupère une casquette et une perruque à cheveux courts, bruns.
— Ah. Je sors, mais faut pas qu’on me reconnaisse.
Elle inspecte ses nouveaux biens, une grimace sur les lèvres.
— Tu commences à comprendre, c’est bien. Et ne mets pas ta veste ni ta boucle d’oreille scorpion !
Elle jure entre ses dents, allant vers la salle de bains.
— Je n’ai rien d’autre, Einstein !
Je me rends dans ma chambre. Je constate qu’elle a bel et bien laissé son ADN sur toutes les surfaces.
— Au lieu de bosser sur l’affaire, t’as passé ton temps à fouiller l’appart, c’est ça ? lancé-je en lui tendant un sweat.
— Tu commences à comprendre, c’est bien.
Impossible de retenir le sourire qui fend mes lèvres.
2 commentaires
barbaralaine
-
Il y a un an