Fyctia
TUEZ OU PARTEZ !
J'ai passé la semaine à observer le chirurgien pour mettre au point mon évasion... M'assurant qu'il n'y avait pas de vidéo-surveillance, j'ai ouvert son coffre-fort. Ainsi que je l'espérais, celui-ci renferme tout ce dont j'ai besoin. Ne manque que le faux passeport.
Je donne de ma personne, soumise aux désirs de mon violeur, et me montre consentante, sans toutefois l'encourager. Dieu merci, il n'est pas très actif, se contentant d'un coït par soirée, dans mon lit, avant de regagner sa chambre.
Lorsque je l'entends rentrer vers 19h30, je prie pour que ce jour soit le bon. Obéissant à ses directives, j'ai préparé le repas, usant de couteaux attachés à la crédence. Toujours dans mon rôle, je descends sans entrain l'escalier, accueillie d'un baiser humide sur la bouche. Yeux fermés, je réprime un haut-le-cœur.
– J'ai pris une douche à la clinique. On mange, on baise, puis je vais me coucher !
Il claque mes fesses, me poussant vers la cuisine. Je suis domestique, option esclave sexuelle. Hors de question que je subisse ce traitement à vie. Plutôt mourir, finir en prison, ou... tenter la liberté.
Nous dînons à la table du salon, silencieux comme des moines en prière, jusqu'à ce qu'il pose entre nous un livret à la couverture bordeaux. Mon cœur bondit. Je tends la main pour m'en saisir, mais il est plus rapide que moi et l'éloigne.
– C'est mon passeport ?
– Oui, Célya. Le faussaire l'a déposé dans la boîte aux lettres aujourd'hui.
Dans la boîte aux lettres ?!
– Tu es pressée de partir en vacances avec moi, ma parole !
– J'aimerais bien sortir, je l'avoue...
De crainte d'attirer l'attention sur le soulagement et la joie que ce document me procure, je modère mes réactions, et me mets à trembler d'appréhension quand il se lève pour me prendre la main. Je sais ce que cela signifie. Mes yeux sur le passeport abandonné sur la table, je le suis, tête basse.
Dans ma chambre, je me laisse dévêtir, allonger, puis couvrir par ce corps immonde que j'exècre. Il me secoue comme un prunier, sue, et grogne en m'appelant Sarah. Mon esprit se détache de mon enveloppe corporelle. Je guette son orgasme. Mon violeur n'étant pas très endurant, je n'ai pas à attendre bien longtemps.
Lorsqu'il ralentit, je glisse une main sous le matelas. Aux premiers signes de la jouissance, je brandis le scalpel en visant la carotide. Il a encore de bons réflexes, car il contre aisément mon attaque sans toutefois réussir à saisir mon poignet. J'ai franchi mes limites, j'agis d'instinct, et celui-ci me commande de réitérer mon geste.
Arme en main, mon ventre toujours soudé au sien, je lâche un cri en lui assénant un grand coup de lame en travers du visage. Le sang perle sur les bords de la plaie comme autant de rubis taillés à la perfection. C'est effrayant et beau à la fois, au contraire de ses yeux enragés qui me promettent la fin.
– Sale pute ! Tu vas payer !
Le chirurgien fou parvient à m'arracher le seul moyen létal que j'ai trouvé pour me défendre. Je suis à sa merci. Je le vois hésiter, alors que le sang goutte sur mes seins. Il suit mon regard, cette vision l'excite... et le distrait. Je profite de sa position mal stabilisée sur un coude pour le pousser de toutes mes forces et me détacher de lui, espérant qu'il s'empalera sur le tranchant de son premier bistouri, celui qu'il gardait dans son coffre et que j'ai subtilisé.
Je me relève d'un bond. J'ignore où je peux trouver refuge dans cette maison de l'horreur, mais je dois tenter de prolonger mon existence. À cause du bracelet électronique, le drap s'entortille autour de ma cheville et je chute sur le parquet. Je n'ai pas le temps de me retourner, mon bourreau est sur moi. Cette fois, c'est fini... je hurle en voyant la mort arriver.
Un énorme fracas provenant du rez-de-chaussée m'incite à crier plus fort. J'entends des pas lourds dans l'escalier, des voix d'hommes qui braillent « Police ! ». J'entrevois le plasticien évaluer rapidement la situation, son regard allant du scalpel à ma poitrine. Il n'a aucune intention d'abîmer mon visage, mais bel et bien de m'atteindre au cœur.
– Ne bougez pas ! Lâchez ça !
Une dizaine d'hommes armés investit la chambre. Je tire le drap sur ma nudité. L'imposant chirurgien est rapidement maîtrisé, son regard haineux pointé sur moi. Un trait vermillon découpe son visage en diagonal. Il arbore le faciès de ce qu'il est ; un monstre.
– Madame Minh ? C'est fini, vous êtes hors de danger.
Un bras solide entoure mes épaules. Je peine à réaliser ce qui m'arrive, et me mets à sangloter, partagée entre terreur et soulagement.
– Bon sang... regardez-la... elle ressemble aux autres...
Plusieurs agents m'observent, yeux écarquillés. Ce n'est pas la naissance de mon sillon mammaire qui les fascine, mais mon visage... le visage de Sarah, de Sonia, de celle que je ne suis pas...
* * *
Houlgate, deux semaines plus tard...
Après l'arrestation de mon ravisseur, j'appris que l'autopsie de Sonia et l'ADN masculin retrouvé dans ma voiture avaient mis la police sur la piste du plasticien. Les conclusions du légiste faisant état d'une lourde chirurgie réparatrice, la reconstruction faciale avait livré l'impensable.
Munis d'une photo de Sonia illustrant son visage avant et après l'opération, et d'un cliché de moi-même, des agents avaient interrogé les rares voisins. Nul n'avait vu l'une de nous deux, mais tous savaient que le propriétaire de la belle villa, un veuf, évoluait dans le domaine médical. Il n'en avait pas fallu davantage aux enquêteurs pour faire le lien.
Les interrogatoires menés avec discrétion à la clinique où exerçait le chirurgien avaient été révélateurs ; Sonia n'y avait jamais mis les pieds. L'intervention avait eu lieu ailleurs...
La police avait mis la maison sous surveillance afin de récolter des preuves irréfutables et avoir la confirmation de ma présence, avant d'obtenir l'autorisation d'intervenir, le soir-même où je décidais de m'enfuir.
La perquisition conduisit les enquêteurs dans la salle d'opération clandestine installée au sous-sol, preuve irréfutable de la culpabilité du plasticien. L'homme opérait à domicile, et y séquestrait ses victimes. Il effaçait leurs empreintes, leur donnait le visage de sa défunte épouse, et leur achetait une nouvelle identité. Il possédait aussi des connaissances haut-placées, ce qui avait ralenti l'enquête.
Je m'en suis sortie, mais à quel prix... Je dois apprendre à vivre avec un visage où les traits hérités de mes aïeux ont été effacés. Mes parents ont du mal à me regarder en face. Je ne suis pas mutilée, pourtant j'ai perdu une part de moi-même. Ma seule consolation ; avoir défiguré mon violeur. Il est marqué à jamais d'une cicatrice discontinue allant du haut de sa joue gauche au côté droit de sa mâchoire, une plaie mal refermée et boursouflée. L'empreinte du mal.
Il est incarcéré en attente de son procès. Je souhaite qu'il aille en prison durant de longues années, car moi, à perpétuité, je serai celle que je ne suis pas...
* * *
MERCI à tous ;-) 💕
52 commentaires
Emma Hermosa
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Lyaminh
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OPHELIE
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Lyaminh
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Sonyawriter
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