Fyctia

Son manteau enfilé, elle prend une lampe de torche et s'en va en scooter en quête d'explications. Cette histoire la tracasse tellement que son cœur bat la chamade dans sa poitrine. Elle arrive en une dizaine de minutes à trouver la maison qu'elle cherche. En même temps, celle-ci n'est pas difficile à reconnaître : peintures défraîchies, lierre grimpant sur les murs, volets en pitoyable état, une vraie tanière qui vous fiche la frousse. Nelly descend de son scooter, prend sa respiration et s'avance avec courage vers la bâtisse. Elle toque à la porte. « Qui est là ? » Interpelle une voix rauque et peu accueillante à l'intérieur, avant qu'une dame âgée lui ouvre. Cette dernière porte une jupe miteuse violette et verte ainsi que pleins de foulards quadrillés en guise de corsage.

- Vous êtes… Aria ? Réussit à annoncer Nelly.

- Oui pourquoi ? Et vous qui êtes vous ?

- Je souhaites trouver des réponses. Ma cousine et moi avons fait une découverte surprenante. Je m'appelle Nelly Pinax.

A l'entente de ce nom, le regard de la vieille dame passe de la méfiance à la panique.

- Vous ? Mais comment osez-vous venir me narguer ici ?!

- Je ne vous ai rien fait et je ne vous veux aucun mal. Prévient la brunette sur ses gardes.

- Vous rigolez c’est à cause de vous que je suis ici !

- Quoi mais de quoi vous parlez ?

Dans les sublimes yeux verts de la jeune fille, Aria perçoit qu'elle ne comprend pas sincèrement ses accusations. Elle l'invite alors à entrer pour prendre le thé ce que Nelly décline poliment. Aria part dans la cuisine et revient avec deux tasses en porcelaine et une théière fumante à la main, comme si elle n'avait pas porté attention au refus de Nelly. Elle s'assoit et indique à sa visiteuse d'en faire de même sur le gros fauteuil vert bouteille délavé et troué.

- Vous n’avez pas de robes ? Questionne la vieille dame, après avoir bu une gorgée de son breuvage fumant.

- Euh nan, je suis en jeans, pourquoi ? Demande Nelly, ne voyant pas où son interlocutrice veut en venir.

- Non je parle de… De quelles réponses vous parliez tout à l’heure ?

- Il nous est arrivé des choses étranges, à ma cousine et moi. On voudrait savoir pourquoi et surtout ce dont il en retourne.

- Quel genre de choses ? L'examine Aria, toujours avec méfiance.

C'est Nora qui aurait dû venir, pense Nelly à cet instant, elle aurait trouvé les mots justes. Enfin, elle aurait su comment tourner cela sans paraître pour une cinglée plutôt, même si cela semble difficile vu la tournure des événements… Aucun mot lui vient en tête, Nelly en soupire de désespoir.

- Est-ce que vos dons sont apparus ? Intervient Aria subitement.

- Des dons ? Comment ça ? Répond Nelly, soulagée que le silence pesant se termine.

- Des capacités que vous n'arrivez pas à expliquer.

- Oui, justement. Bon, pour faire court, je crois que j'ai parlé avec les animaux ou plutôt j’entendais leurs pensées et eux les miennes. Nora faisait pareil mais avec les plantes.

- Je les avais prévenus ! Lance alors Aria avec les yeux grands ouverts.

- Quoi ? De quoi vous parlez, s’il vous plaît ? S'accroche Nelly en tentant d'y voir plus clair.

- De vous, de ce que vous êtes et de vos dons !

- Expliquez-moi, s’il vous plaît !

- Cela n'est pas mon rôle ! Explique la femme âgée au regard fuyant devant elle.

- Alors celui de qui ? Parce que je doute que si on en parle à nos mères, elles nous accueillent bien !

- Bien, soupire Aria, il y a 16 ans, vos mères, comme vous dites, n’arrivaient pas à avoir d’enfants et avaient perdu tout espoir.

- Quoi ? Mais alors on est …

- Chut ! Laisse-moi parler ! S'impose la vieille dame acariâtre. Vous n’êtes pas leurs filles de sang. Vos mères vous ont trouvées sur la plage. Vous étiez chacune dans un couffin avec autour de votre cou vos médaillons. Un en forme de croissant de lune et l'autre de soleil. Vous aviez également en commun une tâche de naissance. Vos mères ont béni Dieu et vous ont emmenées mais moi j’ai vu…

- Quoi ?

- Il y avait une femme au large qui les regardait, elle était épuisée. Je l'ai recueillie quelques temps et c'est alors qu'elle m’a dit…

- Quoi ? Interroge machinalement Nelly, subjuguée par le récit qu'elle entend.

- Vous allez arrêter de m’interrompre !

- Pardon.

- Elle m’a dit qu’elle devait vous laisser ici, où nulle magie n’existe, comme ça, votre magie en sera diminuée et vous ne serez pas repérées. Elle m’a dit que vous n'étiez pas n’importe qui et que, le jour venu, ils viendront vous chercher pour accomplir votre destin. Un matin quand je me suis réveillée, elle n'était plus là.

- Comment je suis sensé croire tout ce que vous venez de me dire ? Se méfie à son tour la jeune femme en jean brut.

- Ce n'est pas moi qui suis venue vous trouver. Ce n'est pas de ma faute si vous ne voulez pas entendre les réponses à vos questions.

- Si je suis votre logique, nous avons été adoptée, soit, mais cela n'explique pas nos pouvoirs. Nous sommes quoi au juste ?

- En vérité, vous êtes des sœurs jumelles, nées de créatures très puissantes qui voulaient vous préserver, vous protéger.

- Bon, d'accord, cela suffit. Se lève la brunette au carré plongeant. Je vous remercie de votre accueil mais je dois rentrer à présent.

En traçant sur sa bécane, Nelly a du mal à digérer toutes ces informations et se repasse l'entrevue avec la dame étrange plusieurs fois dans sa tête comme si cela ne pouvait tenir debout. Il y a sûrement une faille là-dedans, ce n'est pas possible autrement. Leurs parents leur auraient caché la vérité, une vérité tout droit sortie d'un livre de science-fiction. C'est dur à croire. Pourtant, le récit de la vieille ermite du village fait plus de sens que tout ce qu'elle a pu trouver jusqu'alors. Aria n'est peut-être pas si folle que cela après tout ? Au moins, Nelly ne ressent plus l'angoisse de ne pas savoir. Elle se sentira mieux une fois qu'elle aura intégrée l'ensemble se convainc-t-elle, en se garant en face du supermarché pour faire les courses. Elle se dépêche de rentrer pour commencer à cuisiner. Ses préparations se terminent lorsqu'Ethan et Nora font leurs entrées dans la pièce.