Fyctia
Chapitre 8 - Ymra
La réunion s’éternise. Je retiens difficilement un bâillement devant les discussions stériles de ce groupe de vieillards qui se font appeler “les Sages” par notre peuple. Aucune décision ne leur revient pourtant. Mon regard glisse sur chacun des hommes assis autour de la table. D’un côté, les dirigeants de la puissance militaire du royaume discutent stratégie de guerre en déplaçant des pions sur une immense carte de notre monde. Ils positionnent nos troupes et élaborent des tactiques pour surprendre nos adversaires. De l’autre, les Sages apportent des informations sur les forces ennemies afin d’alimenter les connaissances des généraux.
Je suis le premier concerné par cette guerre à venir, alors qu’un problème bien différent me préoccupe : durant mon absence, qui s’occupera d’elle ?
Personne n’est en mesure de définir la durée de cette opération, et je n’ai même pas la certitude de revenir… Ces pensées font naître une mélancolie inédite en moi. Je passe une main dans mes cheveux comme si ce simple geste pouvait chasser ce sentiment dérangeant. Ce tic que j’effectue le plus souvent lorsque quelque chose me tracasse n’échappe pas à notre Seigneur. Azeorur me connaît davantage que les autres personnes présentes dans cette pièce. Nous avons quasiment grandi ensemble. Mon père était l’un des plus proches conseillers de notre précédent Seigneur et nos mères sont des amies de longue date. Si, en public, je lui témoigne mon plus grand respect, il n’hésite pas à solliciter mon avis de manière franche lorsque le cadre est plus restreint.
Exactement comme je sais qu’il va le faire à la suite de cette séance de consultation qui ne semble par avoir de fin. Je ne suis pas certain qu’une guerre soit nécessaire. N’y a-t-il pas une autre possibilité plus diplomatique pour récupérer ce que la Terre nous a volé ?
Je les laisse conclure leur discussion interminable en luttant pour ne pas fermer les paupières. Quand tout le monde prend enfin la direction de la sortie, je me redresse pour les suivre, mais Azeorur me demande d’attendre encore quelques minutes. Je l’avais prévu, mais si je reste de ma propre initiative cela paraît louche. Les autres généraux ne comprennent pas pourquoi j’occupe un poste si prestigieux alors que je n’ai que vingt-cinq ans. Au-delà de notre amitié, je me suis toujours démené pour obtenir ce que je voulais dans la vie. J’ai travaillé le maniement des armes avec assiduité pour devenir l’un des meilleurs et gagner ma place au sommet de la hiérarchie de l’armée des Eaux. J'ai eu du mal à me faire respecter lors de ma nomination au rang de général il y a cinq ans. Cependant, aujourd’hui, plus personne ne discute mes ordres.
Quand il n’y a plus que nous dans la salle, Azeorur retire sa coiffe et passe une main sur son visage. Son air conquérant est vite remplacé par une lassitude que je n’ai pu observer qu’en de rares occasions. Il se dirige d’un pas las vers la fenêtre et croise les mains dans son dos en observant l’extérieur.
— Ils vont finir par me rendre fou avec leurs réunions stratégiques à n’en plus finir…, souffle-t-il, dépité. J’aimerais trouver une voie plus diplomatique pour obtenir ce que nous convoitons.
Sans surprise, nous sommes sur la même longueur d’onde.
— À quoi penses-tu ?
Ma question lui fait tourner la tête dans ma direction, et il affiche soudain un sérieux qui me fait craindre le pire. Quand Azeorur est déterminé, il n’existe aucun moyen de le détourner de son objectif, et j’ai un mauvais pressentiment concernant la suite des opérations.
— J’aimerais te confier une mission de la plus haute importance, Ymra.
Il prend une profonde inspiration avant de m’annoncer :
— Il faut que tu ailles la récupérer. Tu dois convaincre le seigneur Brydrur de nous la remettre.
Je cille en entendant ses paroles. Pourquoi pense-t-il que cette éventuelle négociation puisse être différente des précédentes qui n’ont jamais abouti? Il me surprend quand il ajoute :
— Emploie n’importe quel moyen pour la ramener ici.
Elle, cette femme qui attise la curiosité d’Azeorur depuis que son père lui a révélé son existence. Il nourrit une fascination presque obsessionnelle à son égard.
Il ne la connaît pas, ne l’a même jamais aperçue alors qu’il a déjà demandé plusieurs audiences au seigneur de la Terre dans l’espoir vain de la rencontrer.
— Ymra, même si tu dois y mettre le prix, je dois l’obtenir !
Un frisson me parcourt devant son ton possessif.
Comment se comportera-t-il en sa présence, si je réussis à mener à bien ma mission ?
3 commentaires
natha_lit
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Il y a un an
natha_lit
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Il y a un an
Elo François
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Il y a un an