Charlie L Arone, l'âme égarée Chapitre 6 - Arone

Chapitre 6 - Arone

Prise de spasmes, je me redresse et évite de justesse de percuter le visage de Colin. Une quinte de toux m’aide à expulser l’eau de mes poumons, et manque de me faire régurgiter le maigre contenu de mon estomac.


Que vient-il de se passer?


Ma respiration a du mal à retrouver un rythme régulier, mon cœur tambourine dans ma poitrine comme s’il souhaitait s’en échapper, des larmes s’écoulent le long de mes joues, mes dents claquent sous le froid soudain qui s’empare de moi. Je me sens complètement perdue. Mes membres tremblent encore sous le choc. Une serviette tiède est posée sur mes épaules et je tourne la tête vers Mierdith qui m’adresse un sourire rassurant. Je resserre les pans du tissu-éponge autour de moi, replie les genoux contre mon buste et baisse la tête pour cacher mon visage. C’est mon premier contact avec de l’eau chaude, jamais je ne m’étais immergée dans le liquide, même si cela paraît naturel pour les autres. J’ai toujours préféré la toilette simpliste à l’aide d’un gant, ou alors sous la pluie pour laver mes cheveux, mais je n’étais jamais allée jusqu’à entrer dans une baignoire pour me nettoyer. Pour sûr, ce n’est pas une expérience que je suis prête à renouveler !


L’expression peinte sur le visage de Colin en face de moi est indéchiffrable. Je n’arrive pas à déterminer s’il est intrigué ou amusé. Sauf s’il se décide à me questionner, je ne lui raconterai pas ce qu’il vient de se produire. Tout est bien trop confus dans ma tête. J’ai la sensation d’avoir été projetée dans un autre esprit, ou d’avoir partagé un corps avec un inconnu. Sans pour autant que cela me paraisse désagréable, bien au contraire.


J’avais l’impression d’être complète pour la première fois de ma vie. Comme si une part de moi m’avait toujours manqué.


Impossible de comprendre et encore moins de verbaliser cette expérience avec des personnes que je viens de rencontrer. Mais ça, j’ai l’habitude. Personne ne s’approche de moi, sauf si on a besoin de mes services… Même Magda passait plus de temps à marmonner en ma présence qu’à réellement discuter avec moi.


— Que vous est-il arrivé ? me demande finalement Colin en comprenant que la justification ne viendra pas toute seule.


Que répondre à ça ? Que j’ai perdu pied ? Que je n’ai jamais connu un tel luxe et que je me suis trop laissée aller ? Que me sentir engloutie par l’eau m’a fait paniquer ?


Aucune explication ne me paraît correcte. Je peine à m’exprimer pour lui apporter un éclaircissement.


Mierdith intervient et signale au garde qu’il est bientôt l’heure de mon entrevue avec le Seigneur Brydrur, et qu’il faut que je me prépare à présent.


L’homme acquiesce.


— Je vous attends dans le couloir, m’informe-t-il en se relevant.


Puis il quitte la pièce non sans me lancer un regard intrigué par-dessus son épaule avant de refermer la porte derrière lui.


À mon grand soulagement, la jeune femme ne revient pas sur les événements survenus plus tôt. Elle se contente de m’aider à me sécher, me présente une longue robe noire vaporeuse dans laquelle je glisse mes jambes. Ensuite, elle vient mettre en valeur ma silhouette avec un corset en cuir dans les mêmes tons. C’est la toute première fois que j’ai le privilège de porter une tenue aussi raffinée et élégante. Je suis surprise de me sentir à l’aise avec ce genre de vêtements. Mierdith termine de nouer le lacet dans mon dos puis revient se placer face à moi. Un sourire satisfait illumine son visage puis elle s'avance à nouveau près de moi.


— Asseyez-vous ma Dame. Je vais vous coiffer et vous maquiller.


Le temps paraît se suspendre alors qu'un peigne glisse lentement dans ma chevelure. La descente n’est pas fluide, les nombreux nœuds présents sur son chemin la stoppent régulièrement, mais Mierdith les défait les un après les autres. Quand plus aucune résistance ne se fait le long de mes mèches, les doigts de la jeune femme passent dedans pour les tresser. D’abord les habits, ensuite une coiffure avant une touche de maquillage : je me demande s’ils ne se sont pas trompés de personne lorsqu'ils m’ont amenée ici. Jamais je n’ai eu le droit à autant d’égards.


Quand la servante en a terminé avec les préparatifs, elle me tend un miroir. Je n’avais jamais eu le privilège de me contempler dans un tel objet. J’ai pu en apercevoir quelques fois dans des échoppes où je vais faire mes courses, mais je ne me suis jamais intéressée à l’image qu’il renvoyait. Cependant, aujourd’hui, je détaille un visage méconnaissable, bien loin de celui que je pouvais observer dans le reflet de la fenêtre ou encore sur un cours d’eau.


Ma figure est propre, lisse, légèrement poudrée d’une teinte laiteuse qui accentue la pâleur de ma peau, et contraste parfaitement avec les ombres charbonneuses appliquées autour de mes yeux. Cela fait ressortir l’éclat d’ambre presque rougeoyant de mes pupilles. Je n’avais jamais pu remarquer d’aussi près leur couleur pour le moins particulière. Les nuances me paraissaient plus chaudes que ce que j’observais chez les villageois. Cependant, j’étais loin de me douter qu’ils étaient si flamboyants. Pas étonnant que les habitants m’évitent et me fuient ! Absorbée par mon image, je sursaute lorsque Mierdith pose une main sur mon épaule.


— Il faut mettre vos chaussures et une étole autour de votre cou pour ne pas attraper froid.


Des chaussures ? Imaginer que mes pieds ne soient pas en contact direct avec le sol est impensable, pourtant je sais qu’il est normal d'en porter. Après tant de chamboulements aujourd’hui, je me plie à ce nouveau changement et enfile la paire de bottines que me confies la jeune femme. Mierdith termine d’assortir ma tenue en glissant autour de mon buste un châle noir et léger qu’elle accroche avec une très belle épingle.


J’ai encore de la peine à comprendre pourquoi je bénéficie d’un tel traitement de faveur. Toutefois, je n’ai pas le loisir de me poser davantage de questions que Mierdith ouvre la porte et quitte la pièce, laissant entrer Colin. Son regard examine mon corps et je ne me sens pas à l’aise. Puis il prend une profonde inspiration avant de me tendre galamment son bras et de conclure :


— Le Seigneur sera ravi, nous pouvons y aller.


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2 commentaires

Elo François

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Il y a un an

Go ma Charlie !! Go !!

Vanessanta

-

Il y a un an

Vivement la suite !
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