Fyctia
Un marché avec un voleur 1/2
Les flocons de neige dérivaient paresseusement dans le ciel qui s'assombrissait, et l'air froid embaumait le pin, la cannelle et les marrons grillées. Le marché de Noël de Valvernet bourdonnait encore d’activité au loin, mais Sophie n'avait d'yeux que pour l'homme à côté d’elle.
Constantin Arceneaux, voleur d'art et charmeur professionnel, flânait sur le chemin pavé avec une assurance exaspérante, les mains enfoncées dans les poches de son manteau de laine sur mesure. Les réverbères jetaient une lueur dorée sur les angles aigus de son visage, lui donnant un air presque respectable – presque.
— Mettons les choses au clair, Constantin, s’exclama Sophie en croisant les bras. Je ne te fais pas confiance.
— Tu ne vas pas recommencer…, gémit-il avec un soupir dramatique.
— Je suis sérieuse ! répliqua-t-elle en plantant fermement ses bottes dans le sol, le forçant à s'arrêter et à lui faire face. Tu participes à cette petite farce de Noël comme si c'était un jeu. Mais je te connais, je sais que tu es là pour plus que du vin chaud et du gui.
Un lent sourire courba ses lèvres.
— Ah ! Donc tu me crois pour le Flocon d'Or !
Elle hésita un peu trop longtemps. Le sourire de Constantin s'élargit.
— Très bien, céda-t-elle. Disons, pour les besoins de la discussion, que je crois qu'il est ici. Cela ne veut pas dire que je te crois, toi.
Constantin plaça une main sur sa poitrine, feignant l'offense.
— Sophie, je suis blessé.
Elle expira vivement et poursuivit :
— Voilà ce qu'on va faire. Je suis d'accord pour participer à ce ridicule Vœu sous le Gui...
— Déjà enchantée ? l'interrompit-il.
— …si tu me dis tout ce que tu sais sur le Flocon d'Or, finit-elle en la foudroyant du regard. Pas d’entourloupes. Pas de demi-vérités. Si tu penses seulement à me doubler, je m'assurerai personnellement que tu passes Noël dans une cellule de détention très inconfortable.
Constantin pencha la tête, la dévisageant. Puis, à la grande surprise de Sophie, il lui tendit la main.
— Marché conclu.
Elle la fixa avec méfiance.
— C’est tout ? Tu acceptes sans discuter ?
— Tu veux résoudre un mystère, Sophie, répondit-il, l’expression légèrement adoucie. Et pour des raisons qui me sont propres, moi aussi. D'ailleurs, ne serait-ce pas plus amusant de travailler ensemble ?
Elle n'était pas sûre que le mot « amusant » soit le bon.
Elle lui serra tout de même la main, ignorant la chaleur qui traversait son gant.
— D'accord, mais si tu me mens...
— Je ne te mentirai pas, l’assura-t-il facilement. On y va, maintenant ?
Sophie suivit son regard jusqu'à l'auberge de Valvernet, chaudement éclairée, dont l'entrée était entourée de guirlandes festives. Des couronnes ornées de nœuds de velours rouge étaient suspendues à chaque fenêtre couverte de givre. Une banderole près de la porte indiquait :
CONCOURS DE MAISONS EN PAIN D'ÉPICES – CE SOIR !
— C'est la surprise suivante, n’est-ce pas ? marmonna-t-elle.
— Peur d'une petite compétition amicale ? se moqua Constantin.
— Je ne fais pas de pâtisserie, répondit-elle, catégorique.
— Moi non plus, avoua-t-il en l'entraînant à l'intérieur. Mais je vais gagner.
*
Dans l'auberge, l'odeur du sucre et des épices les enveloppait comme une étreinte chaleureuse. De longues tables en bois étaient couvertes de plateaux de pain d'épices, de bols de glaçage royal, de boules de gomme, de sucres d'orge et de feuilles de houx en sucre. Les participants s'affairaient autour d'eux, riant, goûtant le glaçage en cachette et planifiant des maisons en biscuits élaborées.
— Équipes de deux ! annonça l'animateur. Vous avez une heure pour construire et décorer votre maison en pain d'épices. Les gagnants recevront un prix de Noël spécial.
— Tu penses qu'on a une chance ? demanda Constantin en remuant les sourcils.
— Finissons-en, répondit Sophie avec un soupir.
Ils prirent place à une table et Constantin passa en revue leur réserve avec une autorité exagérée.
— Très bien, partenaire. Quelle est notre stratégie ? interrogea-t-il Sophie comme un professeur qui lui ferait passer un examen.
Elle prit un mur en pain d'épices et le retourna entre ses mains.
— Je suppose que nous commençons par les fondations.
— Brillante déduction, docteur Pelletier.
Elle l'ignora et attrapa le glaçage. Avec précaution, elle forma une ligne épaisse de murs et commença à les presser ensemble. Constantin la regarda faire d'un air terriblement amusé avant de lui prendre la poche à douille des mains.
— Tu as oublié un endroit.
Il se pencha et déposa une noisette de glaçage sur le coin soigneusement formé.
— Constantin, ne..., le prévint Sophie.
Trop tard. La structure entière vacilla et s'effondra en un tas de pain d'épices brisé et de glaçage étalé.
Elle se retourna pour lui lancer un regard noir, mais Constantin se contenta de regarder leur maison en ruine d'un air innocent.
— Oups.
— Je savais que tu allais tout gâcher, lui reprocha-t-elle, les mâchoires serrées.
— Allez, Sophie, dit-il avec un large sourire. Où est passé ton esprit de Noël ?
— Il est enterré sous cette pile de débris, répliqua-t-elle en désignant le désastre.
Avec un soupir exagéré, Constantin retira son manteau et retroussa ses manches, révélant des avant-bras couverts de vieilles cicatrices, souvenir de son ancienne vie de faussaire.
— Très bien. Faisons cela correctement.
Étonnamment, Constantin s'avéra être un partenaire décent. Ses mains étaient fermes tandis qu'il traçait des motifs complexes sur les murs, son sens naturel du détail se manifestant dans les tourbillons qu'il créait.
Sophie détestait l'admettre, mais ils travaillaient bien ensemble.
1 commentaire
Stella King
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Il y a un mois