silver Aristas Neireides Chant XIII d'un navire isolé 1

Chant XIII d'un navire isolé 1

Les vagues battaient autour d'Ithaque. Amphitrite était en colère. Sa protégée, celle qui avait permis au prince Eurylipe d'atteindre l'île sans encombre, était reléguée sur le pont d'un navire à l'écart de l'île. Le port était ainsi le seul endroit laissait tranquille. Partout ailleurs, les vagues, qui encerclaient l'île, léchaient les plages. Des flaques formaient des trous dans le sable mouillé. Les murs des maisons des pêcheurs, les plus proches des rivages, vibraient sous les coups puissants. Toute l'île frissonnait en entendant le fracas des vagues contre leurs frontières. Seuls ceux qui vivaient dans le port n'était pas victime de la colère de la déesse. Quoique, dans la nuit noire, le pêcheur qui avait craché sur Néoméris ne parvenait pas à trouver le sommeil. Le bruit lui cassait les oreilles. Le froid s'insinuait dans les plis de sa tunique. Il se leva, agacé par ce temps changeant. D'une démarche titubante, il s'approcha du bord sans le vouloir. Alors, une vague qui faisait deux fois sa taille se hissa dans les airs. Elle s'abattit violemment lui fracassant le crâne avant même que son corps n'eut rejoint les noirceurs de l'océan.


Il n'y avait maintenant qu'un seul homme qui osait braver la tempête. Méléagre avait laissé sa cape dans le palais. Le vent l'étranglerait. Quant au froid, le vin, qui chauffait ses joues, se chargeait de l'éloigner. Il portait un paquet sous son bras qu'il tenait de toutes ses forces bien que le vent tentait de le lui voler. Il dévala le chemin de pierres qui joignait le palais du roi Ulysse au port. Ithaque, contrairement à Naxos, avait fortement investi dans les pavés dont l'île était jonchée pour que les traversées fussent plus facile que ce soit pour les marins ou pour les bergers. Il n'y avait pas beaucoup de différences entre les activités des deux îles.


En voyant le port plongé dans le noir, son ventre se noua. Il songea aux milles choses qui pouvaient se passer à Ithaque. C'était une île dont la population était plus imposante qu'à Naxos. Ils étaient plus en proie aux crimes bien qu'ils n'étaient pas du niveau des Athéniens. Il pressa le pas jusqu'à atteindre le navire par lequel il était arrivé. Lui aussi était plongé dans le noir et le silence. Il gravit l'échelle pour y accéder. Mais, à peine eut-il posé le pied sur le pont qu'une lame scintillante s'arrêta juste contre sa jugulaire.


Il posa la main sur le poignet. Il retourna son bras entraînant son assaillant qui se plia en gémissant sous la douleur. Néoméris lâcha le poignard qui tomba à leurs pieds. Méléagre la relâcha et s'abaissa pour ramasser le poignard dont il observa le pommeau. C'était un bel objet, du plus fin ouvrage. Jamais Néoméris aurait pu se l'offrir. Il le rendit. Gênée, elle le saisit du bout des doigts et le fit bouger d'une main à l'autre :


— Tu dors, peut-être ? J'ai dû te réveiller... S'excusa le général.


Il se sentit alors mal à l'aise comme si sa peau était trop étroite. Il ne savait si c'était le malaise que ressentait la jeune femme et qu'elle lui transmettait ou si c'était juste sa présence qui le mettait dans cet état. Cela lui rappela quand il avait osé parler à Stella, cette petite domestique de Phtie. Il n'avait pas onze ans à l'époque et la regardait depuis un an. Elle lui avait, un jour, adressé un sourire qui lui avait donné le courage de lui parler. Sa gorge s'était asséchée, son corps était bancal mais il n'avait jamais été aussi heureux :


— Je commençais à trouver le sommeil. Mais, j'ai été réveillée.


— Je suis désolé.


— Ce n'est pas grave. Ç'aurait été un sommeil agité. Pas très agréable.


— Dormir sur un bateau n'est jamais agréable mais une fois qu'on s'est habitué au bruit du vent dans la cale et le balancier, cela a son charme.


— Je parlais de la solitude.


— Oh.


Méléagre à son tour la tête. Il vit alors le pan de la robe de la jeune femme légèrement humide et la traînée de gouttelettes jusqu'à l'endroit où elle s'était fait une couche avec des cordes et une voile. Le général grimaça face à ce nid de fortune et songea aux lits que le prince Télémaque avait mis à disposition des réfugiés. L'injustice que vivait Néoméris s'abattit encore plus fort contre ses épaules. Il tendit son baluchon :


— J'ai pu sauver quelques victuailles du buffet que je t'ai apportées. Annonça-t-il sans masquer son sourire de fierté.


— Oh ! Rétorqua Néoméris en posant la main sur son ventre. Je n'ai pas faim mais... merci.


Méléagre haussa les épaules avec un sourire déçu :


— Je t'ai apporté des figues. J'avais cru comprendre que tu aimais ça.


Néoméris rougit. Il était vrai qu'après qu'il eut pris quelques dattes sur le plateau qu'on lui avait servi dans le palais du roi Nycème, elle avait dévoré l'assiette de dattes. Alors, elle prit le baluchon. Soudain, elle se para d'un grand sourire et désigna du plat de la main le pont :


— Je vous en prie, général, venez donc dans mon humble demeure.


Elle partit d'un rire aiguë qui s'intensifia devant le regard désarçonné de Méléagre. Puis, elle s'assit sur le bastingage et tapota la place à ses côtés. C'était mal. Elle était une femme seule sur un navire. Il aurait dû l'escorter jusqu'au palais parce que c'était ce qu'il fallait faire. Mais alors, il devra reprendre sa place prêt du roi et elle sera reléguée à l'extérieur avec les esclaves. Il s'assit à ses côtés.

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