Fyctia
Le suicide
Elle réfléchit, se demandant si Arielle était au parc en train de jouer, ou chez ses copines ? Peut-être avait- elle fait un détour par le marchand de bonbons qui traînait souvent là ? Rassurée, elle se leva pour préparer le dîner, il était tout de même déjà 19h30 ! Elle se lava les mains et posa deux couverts sur la table. Elle était veuve depuis quelques années déjà, c'est pourquoi nul besoin d'un troisième couvert. Mme Steel sourit de son malheur tout en épluchant les pommes de terre.
Ce soir, elle ferait des frites ! Arielle adorait les frites, Mme Steel se fit la réflexion de gronder sa fille de son retard, lorsque celle-ci rentrerait. Elle fit cuire les frites, prépara une salade de tomate et du jus d'orange - sa fille adorait les jus d'orange ! - puis se décida à préparer également une omelette aux courgettes qu'elle sala avant de la déposer - délicatement - sur les frites. Elle regarda l'heure, 20h15.
Elle se félicita de sa rapidité et alla s'assoir à table, attendant patiemment sa fille.
Les secondes, puis les minutes passèrent. Le repas refroidissait... " Arielle est vraiment en retard aujourd'hui, elle ne tarde jamais autant d'habitude. J'espère qu'il ne lui ai rien arrivée de fâcheux à elle aussi." pensa l'être faible et innocent qu'elle était.
A 20h40, elle reçu un second coup de fil de la directrice d'Arielle qui lui demanda des nouvelles de sa fille et de la raison de sa non-présence à la remise des bulletins du trimestre. A ce moment précis, il y eut comme un déclic dans la tête de la pauvre mère. Elle devint comme folle, elle se mit à hurler tout en pleurant de plus belle. Ayant lâché le combiné du téléphone, ses mains attrapèrent ses cheveux en deux grosses poignées, et elle tira fort jusqu'à en ressentir la douleur: la tête, les cheveux et les poignets douloureux comme l'était à cet instant son cœur.
Quelle genre de femme, quelle genre de mère était-elle pour oublier ainsi la disparition de sa fille unique âgée de sept ans survenue il y avait plusieurs heures ?
A la douleur de ses cheveux arrachés à pleines mains, vint s'ajouter celle de son cœur et de sa conscience. N'en supportant davantage, elle s'évanouit sur le carrelage glacé de sa cuisine.
Elle se réveilla à nouveau quelques secondes plus tard mais cette fois-ci, elle se souvenait de tout, tout. Et elle décida qu'il n'était pas permis de la faire souffrir ainsi, elle s'adressa à un dieu invisible, elle lui cria son malheur, lui hurla sa douleur, avant de, enfin, se saisir d'un petit couteau-suisse (acheté en prévision d'une randonnée avec sa Arielle) et de le porter à sa gorge.
Un doute l'a saisit. Peut-être que tout cela n'était qu'un affreux cauchemars ? Si sa fille avait vraiment disparu, comment cela se faisait-il que la moitié de sa chambre avait disparu avec elle et en une seule nuit ? Cela n'avait aucun sens. C'est complètement illogique. Les rêves ne sont que désir, et derrière tout désir il y a une peur. Elle avait tellement désiré avoir une enfant que lorsque celle-ci était née, elle avait été l'une des mamans les plus heureuse qu'il soit. Elle avait tellement peur qu'on lui prenne sa fille adorée que lorsque cela était arrivé, elle n'avait pas pu y croire. Elle avait rejeté cette idée. Le téléphone sonna pour la troisième fois aujourd'hui. C'était le numéro de la directrice d'école d'Arielle. Que lui voulait-elle encore ?
- Allo Mme Steel ? Je vous rappelle car il y a un malentendu
- Ah oui ?! Comment cela !
- Il semblerait qu'il n'y ai jamais eu de mot. Avec mon âge avancé, j'ai confondu deux élèves..
- Et vous avez laissé sortir ma fille sans autorisation ?!
- Non bien sûr. L'instituteur en charge de la classe de votre enfant m'a affirmé que sans l'ombre d'un doute, vous étiez venu chercher votre fille. Il n'y avait donc pas besoin de mot. Voilà que tout s'explique.
- C'est impossible voyons, je me serais souvenu d'avoir chercher ma fille si je l'avais vraiment chercher ! Votre mémoire vous joue encore des tours Madame la directrice !
- Et pourtant, inquiète de cette affaire, et n'étant sûr de rien, je suis allée voir les enregistrements des caméras de vidéosurveillance. Vous savez, depuis la disparition d'Anne l'année dernière, nous avons investi dans des caméras. Celles-ci recouvrent l'intérieur de tout les bâtiments et la cour. Je les ai visionnée, et je suis formelle, vous avez bien cherché votre fille tout à l'heure. Qu'avez-vous fait de votre fille, Mme Steel ?
- Qu'ais-je fais ?
Elle raccrocha au nez de la directrice et alla s'assoir dans la pièce la plus proche, à savoir, la salle de bain. Qu'avait-elle fait ? Elle ne s'en souvenait pas. Elle ne s'en souvenait pas ! Elle se mit à pleurer, à pleurer... Jusqu'à ne plus pouvoir s'arrêter. Ses yeux, son nez, ses joues rougirent sous les larmes, elle commença à avoir chaud, elle retira son pull, agrippa ses bras et y enferma ses ongles ; elle saigna légèrement. Puis elle se saisit des ciseaux, ceux avec lesquelles elle coupait généralement les cheveux d'Arielle et approfondit les coupures sur ses bras. Elle voulait sentir la douleur car, sentir la douleur la rendait consciente que sa fille de sept ans avait disparu, peut-être par sa faute, et en même temps, la punissais de sa trop grande faiblesse.
Le sol prit bientôt la couleur de son sang, et une odeur âcre envahi la pièce.
Un voila devina ses yeux, ses mains lâchèrent la paire de ciseaux pour tomber mollement le long de son corps déjà secouer de soubresauts incontrôlables, elle tomba. Elle cru entendre quelqu'un lui dire qu'elle n'avait eu que ce qu'elle méritait, qu'on ne faisait que lui rendre la monnaie de sa pièce. Elle pleura à en devenir folle, la fièvre l'emprisonna, elle vit sa fille, sa petite fille la regarder de ses grands yeux noirs et lui dire : " Maman, tu as eu de la chance, tu méritais bien pire ! "? Ces mots lui semblèrent comme un coup de poignard dans le cœur, elle essaya de se relever, mais n'y arriva pas elle essaya de s'excuser, mais sa fille n'était plus là. Cela lui fit encore plus mal. Tout-à-coup, elle cru voir son défunt mari la regarder avec tendresse et lui dire : " Ne t'inquiète pas, notre fille est entre de bonnes mains. Ce monde n'a plus besoin de toi, meurs ! " Elle relâcha ses forces, sa volonté et abandonna sa lutte contre la folie, sa lutte contre la mort. Elle mourut doucement.
0 commentaire