Fyctia
Chapitre 106 (1/6)
— Tu es sublime ! affirme Marjorie.
Un orage d’incertitudes me foudroie lorsque je croise mon reflet dans ma psyché. Je ne suis pas aussi sûre que ma meilleure amie. Mes yeux charbonneux, supplantés par des faux cils magnétiques, je refuse la colle, et mon rouge à lèvre vif font ressortir mes éphélides. Longtemps, je tentais de les dissimuler, maintenant, je les accepte.
— Montre tes ongles, ajoute-t-elle d’un ton autoritaire.
Je ne cherche même pas à la rabrouer. Je tends mes mains pour observer ma parfaite manucure rouge sous mes mitaines noires en résille. Marjorie donne un dernier coup de lime pour les rendre harmonieux. Mes poignets tintent dans une symphonie brouillée à cause de mes trop nombreux bracelets qui les ornent à chacun de ses mouvements. Je soupèse l’amoncellement excessif de colliers, je pourrais probablement étouffer quelqu’un avec.
— Au fait, n’as-tu pas des nouvelles des gendarmes sur les vols ? Ou quelque chose à me dire à ce sujet ? demande ma meilleure amie.
— Pas encore, mais j’ai un réel soupçon sur son identité, voire une certitude.
— Encore une spéculation de la limière Cerise ? As-tu pensé à passer ton diplôme de détective sur Internet ? ironise-t-elle.
Je n’ai pas le temps de riposter à sa dérision, on sonne à ma porte, je fronce les sourcils, mon cavalier ne doit pas arriver avant deux bonnes heures. Je descends les escaliers, longe les murs flamboyants neufs suite aux travaux, l’odeur de peinture fraîche flotte encore dans l’air. Je découvre un postier avec un recommandé, je signe tandis que la porte de la conciergerie s’ouvre sur Jugurta, nonchalant. Je remarque qu’il tient à la main un dévidoir avec un épais scotch marron d’emballage. Je sens un frisson parcourir ma colonne vertébrale, je n’ai pas osé lui adresser la parole depuis que je l’ai découvert sur cette vidéo.
— Cerise ! T’assumes enfin ton look grunge, avec des mitaines et robe noire ? demande-il surpris.
— Je vais à une soirée déguisée, je pars à dix-huit heures, j’explique prise au dépourvu.
Il me désigne du doigt la lettre entre mes doigts.
— C’est officiel, dit-il las.
— De quoi ? je l’interroge prudemment.
— Le recommandé. Ne l’as-tu pas lu ?
Sur la défensive, j’ouvre la lettre et écarquille à la lecture. Je sens de la panique s’emparer de moi.
Madame Cloyère,
Je vous informe par la présente lettre que votre bail de location ne sera pas renouvelé pour cause de la vente de l’immeuble. Vous devez avoir quitté votre logement au plus tard le 13 juillet.
Je vous remercie d’avance et je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Je relève les yeux, perdue, incapable de réfléchir convenablement. J’ai eu beaucoup de mal à trouver un propriétaire qui accepte une archéologue sans travail fixe.
— Sait-on le nom du nouveau possesseur ? Ne veut-il pas relouer ? je demande avec espoir.
— Mathys Allesion, c’est un galeriste au centre-ville, il est passé au notaire pour acheter l’immeuble y a deux mois et demi. Il veut en faire des locations temporaires pour ses artistes.
J’entrouvre la bouche. Mon esprit me crie qu’une pièce de puzzle tente de rentrer et l’évidence est là. Elle doit s’imbriquer parfaitement, mais je ne sais pas encore dans quel sens. Qui prévenir ? La gendarmerie ? Ils ne s’intéressent déjà pas aux vols sur le site archéologique, chez un particulier, ça doit leur passer au-dessus. Jugurta rentre dans son studio et ressort avec un trousseau.
— Au fait, les ouvriers ont découvert ça pendant tes travaux, sous une plinthe, elles ont dû glisser durant la noyade de ton appartement.
J’observe avec stupéfaction le jeu de clés, celles de chez Marjorie ! Elles n’étaient pas perdues, j’en étais certaine. Je me fige. C’est officiel, si j’avais encore un doute sur sa culpabilité, c’est lui qui me les a dissimulées. Je les saisis avec empressement. Les mots se bousculent dans mon esprit, sans qu’ils passent mes lèvres. Dois-je le confronter maintenant ? Demander où sont les affaires de ma meilleure amie ? J’en doute, je n’ai même pas pris mon portable en cas de danger. Le remercier et ignorer la situation ? . Il aurait mieux valu un déguisement de Chevalier du Zodiaque alias Saint Seiya et je l’aurais affronté en duel singulier, sans la protection divine. Il vaut mieux que je revienne, mais pas seule. Je le toise froidement. Silencieuse, je me dirige vers l’escalier hâtivement.
— Je te dis adieu Cerise, et essaye de ne pas t’enfermer dehors ces prochains jours, je ne serais plus là.
— Pars-tu en vacances ?
Il me désigne le scotch marron dans sa main.
— J’ai fait mes derniers cartons, je quitte l’immeuble dès ce soir. Le propriétaire ne veut pas de concierge, mais il m’a proposé un travail à sa galerie. J’aurais aimé faire une dernière partie de Super Smash.
— Désolée, j’ai une invitée, je me justifie.
En réalité ? D’une, j’ai envie de passer le moins de temps possible avec lui. De deux, il a trahi ma confiance. De trois, si je veux le taper, ce n’est certainement pas via ma Switch. De quatre, c'était mon idée le duel, pas la sienne !
Il faut que je parle à Marjorie, si c’est le voleur de ses affaires qui disparaît, elle doit être au courant. Soucieuse, je monte quatre à quatre les escaliers, du moins j’essaie et je suis obligée de me retenir à la rambarde pour éviter de tomber. Lorsque je passe la porte de mon appartement, le poids sur mes épaules s’allège aussitôt, à la vue de Marjorie dans son costume d’Indiana Jones. Je trouve que ça lui va étrangement bien.
— J’ai eu Gabriel au téléphone, il vient de passer deux heures au commissariat. Il suspecte les ouvriers de lui avoir dérobé ses sabres coloniaux et sa collection numismatique, m’explique Marjorie.
Je m’installe à la table en face d’elle et mes doigts tapotent la table, mal à l’aise, mes doutes se confirment.
— Ce ne sont peut-être pas eux, je suggère.
— As-tu quelque chose à me dire ? demande-elle.
— Écoute-moi, Jugurta a les clés de Gabriel. En son absence, il avait largement le temps de voler ses affaires.
— Cerise, arrête de te croire dans un roman d’Agatha Christie ! Dois-je te rappeler que ton costume de ce soir n’est en rien Miss Marple ? Je n’aurais pas dû t’indiquer cette histoire de rixe au vernissage, depuis tu perds les pédales. Tu n’es pas une enquêtrice, soupire ma meilleure amie avec exagération.
Marjorie m’observe et elle touille son café avec embarras, mal à l’aise, elle remue étrangement sur sa chaise. Je perçois qu’elle souhaite dire un mot, mais qu’elle n’ose pas, ce n’est pas dans ses habitudes.
— Pourquoi es-tu autant sur la défensive ? je lui demande.
— Cerise, des vols sur ton chantier de fouille, puis à ma maison, maintenant à l’appartement de Gabriel.
— La poisse me suit, j’admets.
— Tu sais que tu peux tout me dire, je te considère comme ma sœur, si tu as des problèmes d’argent…
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ladyhana
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clecle
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WildFlower
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