Fyctia
Chapitre 77
Jérémie
Daniel m’écoute longuement, il conserve le silence alors que je lui donne mon carton de dessins.
— C’est un certificat d’authentification du XIXe, pour l’Emporium éternel de Bharat, j’explique. La particularité, c’est que c’est moi qui l’ai fait. Je dois prévenir l’OCBC, mais je n’ai aucune idée de comment les contacter.
— Je résume, t’es allé un peu trop loin dans l’expérience de ton stage.
— Je doute que si me pointe à la police et dis « Je veux dénoncer un trafic d’art », ça va passer. Mon problème est insoluble, n’est-ce pas ?
— Selon Einstein, « Un problème sans solution, c’est juste un problème mal posé ». La bonne nouvelle, je sais comment t’en sortir. Je mets une condition, en anonyme, je te cite dans mon mémoire.
Je lève les yeux vers lui, plein d’espoir.
— Si t’es capable de me sauver, j’annonce, je te promets même de te payer très cher quand je monterai ma boîte.
— Compte sur moi, je ferai des honoraires indécents ! J’appelle ma prof de droit propriété intellectuelle, elle travaille souvent en contact avec l’OCBC.
Il me tend la main et je la serre.
En ce mercredi matin, je bâille. J’ai mal à ma main comme jamais, je ne recommande pas le combo bandage et concours des Beaux-arts. J’ai peu d’espoir de réussite, mais sur un malentendu, ça peut passer.
— Tu vas me dire où on va ? je grogne.
— Remercie-moi de te sauver la peau, plutôt.
Daniel me guide à travers les rues du 9e arrondissement, je déteste dépendre de quelqu’un. Soudain, je me fige et je lis la plaque de la rue. Sans que je ne m’y attende, Dan s’engouffre dans l’une des plus célèbres salle des ventes du monde, l'hôtel Drouot.
— Qu’est-ce qu’on fiche là ? je demande. Ce n’est pas au Louvre l’OCBC ?
— T’as pas le choix, tu dois me faire confiance, soupire-t-il.
Il se présente à une dame dans un élégant tailleur rouge Chanel à l’accueil. Elle commence à nous expliquer le chemin. Le lieu est un véritable labyrinthe, je redoute de devoir me battre avec le Minotaure, des Gorgones, des chimères et des cyclopes sur le chemin. Puis, nous trouvons enfin notre sésame : le bureau 377.
Le bureau est occupé par deux femmes d’une cinquantaine d’années, en tailleurs élégants. Je me sens en décalage dans mon bombers, surtout avec les taches de sang qui persistent, malgré mon nettoyage. La première, une petite brune avec des lunettes dorées et un chignon parfait, nous invite à nous asseoir.
— Je suis Maître Suzanne Edgar.
La seconde est une grande blonde, mais qui ne semble pas accepter son physique, tel le Sphinx de Gizeh aux pieds des pyramides. La plus grosse partie de son corps est refaite, entre ses lèvres, sa poitrine et ses joues botoxées à la Barbie. Je ne suis pas à l’aise.
— Marlène Everdeen, je suis consultante à l’OCBC et experte en arts asiatiques à l’hôtel Drouot. Et ne soyez pas impressionnés par mes artifices, s’amuse-t-elle, j’ai eu un important accident de gaz, plus jeune, j’ai eu le visage défiguré. C’est une manière pour mieux le vivre.
Impressionnant, je ne m’y attendais pas, je passe ma main par réflexe dans ma nuque. Je regrette, j’ai mal ! Elles nous offrent des cafés, dans une ambiance détendue.
Maître Edgar tend un papier à Daniel et à moi.
— Signez ça, c’est pour certifier que tout ce qui sera dit ici, restera entre nous et que vous pourrez obtenir un accord auprès de l’OCBC.
J’hésite, j’aimerais bien faire des recherches, vérifier les informations. Je cède, je n'ai pas le choix.
— Racontez-nous, m’encourage madame Everdeen.
— Je suis Jérémie Cellier, depuis octobre, je fais des faux contrats d’authenticité afin de les faire rentrer dans des catalogues d’arts. Je sais que les œuvres viennent d’un certain Asura, j’ignore son vrai nom.
— Des œuvres volées ? demande-t-elle.
— Des faux.
— Le lieu de l’atelier de fabrication ? Est-ce local ou de l’import ?
— Je le méconnais.
— Monsieur Cellier, est-ce que vous voulez sortir de cette affaire ou voulez-vous nous aider à découvrir la vérité ?
— Il faut avoir conscience, intervient Maître Edgar, que cette affaire peut prendre des semaines, voire des mois. Mais, il est certain que n’importe quel juge sera sensible à votre implication pour aider à déceler un trafic et votre aveu volontaire. Vous devriez vous en sortir avec une amende.
— Vous êtes déjà intégré dedans, explique la blonde, vous êtes au cœur du système, vous avez déjà leur confiance. Ça serait un gain de temps énorme pour nous. Nous avons conscience que c’est dangereux.
Je jette un coup d’œil à Dan, il lève les mains en signe que ça me regarde. Je regarde le sol, mal à l’aise. Je n’ai pas très bien digéré la pression, mais là, je pourrais me confier à plusieurs personnes, sans filtre.
— J’ai une question, est-ce que je serai interdit d’exercer dans le monde de l’art ? je demande.
— Si vous voulez, je vous promets que je vous obtiendrai un stage ici, à l’hôtel Drouot et je vous prendrai sous mon aile, annonce la blonde.
Marlène Everdeen me tend la main.
— Bien, je veux vous aider.
Je serre sa main.
— Pour tout vous avouer, c’est ce que j’espérais entendre, monsieur Cellier. Je préviens la commissaire divisionnaire de l’OCBC, elle voudra vous rencontrer. Est-ce que je peux vous appeler Jérémie ?
J’affiche un sourire, un vrai, franc. Je me sens soulagé.
— Avec plaisir Marlène, je lui envoie un clin d’œil.
Cinq heures plus tard, Daniel et moi sortons de l’hôtel Drouot. Il a été jugé par la commissaire que je dois m'éloigner de Paris, adieu Beaux-arts.
— Dan, merci.
Il me met la main sur l’épaule.
— Je vais avoir le meilleur rapport de stage, merci à toi ! Tu m’offres à manger ? Je prendrais bien un buffet à volonté de biftecks !
— Je suis végétarien.
— Je sais !
Je lève les yeux au ciel et j’envoie un message à Cerise.
J’hésite plusieurs fois, je tape et j’efface pour lui déclarer qu’elle me manquerait.
Je souris, manipulation réussie !
Le soir, je pousse la porte arrière l’atelier de la galerie, je suis surpris de rencontrer une élégante femme blonde à la coiffure contre-plongée et à l'odeur de tabac froid.
— Éric Piedoie m’a dit de m’adresser à toi. Je suis Patricia, c’est moi qui m’occupe de colleter les certificats d’authentification pour les catalogues d’expositions. Tu me connais déjà, je présume.
— Asura ? je demande.
— Exact.
Mesdames et messieurs, faites vos jeux, le coup de l’Empereur est tombé, je quitte et je double. Levez haut les mains, c’est un braquage. La banque est définitivement cassée. Juste un nom à découvrir.
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Baolya
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