Fyctia

Jayden

Quand la nouvelle – parce que oui, j’étais sûr de ne jamais l’avoir vue – se leva précipitamment, je pris le temps de l’observer plus en détail. Petite, des cheveux blonds qui lui arrivaient à la moitié de son dos, mais rien de plus plus. Son corps était caché par un gros sweat noir et un jean informe.

Elle devait crever de chaud dans cette tenue : nous étions en été et il faisait trente degrés dehors.

C’était ridicule, le démon savait qu’elle était belle et tout le monde le saurait si elle ne se cachait pas derrière ses vêtements trop grands. J’avais déjà contemplé son visage : des lèvres pulpeuses, un nez avec une légère bosse et des beaux yeux verts très expressifs. Aucun maquillage.

Elle s’apparentait tellement à un ange innocent que son intervention m’avait surpris – pire, choqué. Je ne comprenais pas sa réaction : je ne lui avais pas manqué de respect, au contraire. Et je comptais bien me venger de sa petite moquerie. Après tout, j’étais terriblement vexé. Moi, des IST ? Et puis quoi encore !

Je me dirigeai vers mon prochain cours, c’est à dire psychologie. J’entrai dans la salle, à l’heure cette fois-ci – foutu réveil ! – et y repérai tout de suite sa petite tête blonde.

Comme dans le cours précédent, une place m’attendait. Évidemment, je m’y installai : je voulais connaître son nom avant de faire quoi que ce soit.

Elle leva la tête et souffla bruyamment en me voyant. J’avais bien compris que je n’étais pas le bienvenu. Malheureusement pour elle, je n’en avais rien à faire : j’étais souvent là quand personne ne me voulait.

- Encore toi ? Tu n’as pas encore compris ? Je. Ne. Suis. Pas. Intéressée, lâcha-t-elle, insistant bien sur chaque mot.

- Je veux juste savoir comment tu t’appelles le démon.

- Personne.

- Non, dit-moi ton vrai nom.

- Personne.

- Mais c’est que tu es pénible en plus ! Je veux juste connaître ton nom

- Tu n’as pas besoin de le connaître, vu qu’après cet entrevu tu ne m’adresseras plus jamais la parole.

Je comptais bien faire tout l’inverse de ses paroles.

- Tu verras bien, le démon !

- Oh ! Mais arrête de m’appeler comme ça !

- Donne-moi ton nom et j’arrêterai de t’appeler comme ça.

Elle était têtue, mais moi encore plus.

- Blood. Blood West répondit-elle, de l’exaspération s’entendant dans sa voix. Tu es content maintenant ?

Quel drôle de prénom ! Blood…

- Très content, le démon.

Si un regard pouvait tuer, alors je serais déjà six pieds sous terre en ce moment.

- Juste une dernière chose, ajoutai-je. Pourquoi tu ne veux pas coucher avec moi ? Tu as un copain ?

- Bien sûr que non ! cracha-t-elle, comme dégoutée.

Plus que du dégoût, son visage affichait un brin de surprise que j’ai pu penser ça.

Et pourtant, elle aurait pu. Elle était très belle et elle devait sûrement attirer tous les regards sur elle. Qui ne voudrait pas d’elle ? Un idiot, tout simplement !

- Alors… Tu ne l’as jamais fait ?

C’était l’explication la plus plausible.

- Mais mêle-toi de tes affaires !

Les yeux perdus dans le vide, on aurait dit qu’une tempête faisait rage dans sa tête. Mais avant que j’ai pu comprendre ce qui lui arrivait, elle reprit contenance comme si son esprit n’était pas, pendant quelques instants, parti ailleurs. Je voulais lui poser d’autres questions mais la professeure, Mme Wilson, arriva.

- Je suis persuadée que mon collègue, M Brown vous a déjà mis en garde de ce qui vous attend en criminologie, déclara-t-elle. Mais je tiens moi aussi à vous prévenir, nous allons étudier le comportement de gens inhumains et monstrueux : des meurtriers, des violeurs… Si vous ne vous en sentez pas capables, partez.

A ces derniers mots, les poils des bras de Blood se hérissèrent. Je m’attendais presque à ce qu’elle quitte le cours. Mais c’était sans compter son regard déterminé.

Après ses mots, la prof commença à nous expliquer le programme de l’année pendant près d’une heure. Le démon, tandis que je la contemplais, écoutait attentivement. Elle dût s’en rendre compte – à moins qu’elle le sache depuis le début – car elle demanda :

- Tu comptes me fixer encore longtemps comme un pervers ?

Je n’aimais absolument pas mentir, aussi je ne le fis pas :

- Oui.

Elle roula des yeux et continua d’écouter son cours. Moi, je ne la lâchais pas des yeux. Et puisqu’un homme ne savait pas faire deux choses à la fois, l’écoute du cours passa au second plan.

Enfin midi ! Le démon se leva précipitamment, prête à partir le plus vite possible. Je levai le bras, comme pour la retenir sans pour autant la toucher. Elle me fusilla du regard et se dégagea.

Elle sortit de la salle au pas de course et moi la talonnant. Quelques personnes trainaient dans le couloir. J’avais une idée. Moi, des IST ?

Je l’attirai vers moi en attrapent son poignet et posai ma bouche sur la sienne. Ses lèvres étaient douces et fermes. Mais je ne pus en profiter d’avantage. Dans ma précipitation, je n’avais pas envisagé de recevoir son poing en pleine tête.

Je reculai sous la douleur. Bordel ! Elle avait une sacrée droite. Et j’étais parti pour un sacré bleu !

- Je crois que tu n’avais pas bien compris le message tout à l’heure donc je vais te rafraîchir la mémoire : ne me touche pas, ne m’approche pas et ne me parle pas ! Est-ce clair ?!

Je pris conscience de ce que je venais de faire. Merde. Double merde même ! J’avais merdé. J’avais vraiment fait une énorme connerie… Et je regrettais. Évidemment que je regrettais bordel ! Elle ne m’avait pas donné son accord… Je l’avais forcée. Qu’est-ce qui m’avait pris ? Qu’est-ce qui m’avait pris…

Mais elle n’avait pas besoin de connaître mes regrets. Je n’avais pas fini. Plus jamais je ne la toucherais. Sauf si elle me le demandait. Et elle me le demanderait. J’allais tout faire pour.

La partie ne faisait que commencer.