Fyctia
Laura - Partie 5 (FIN 1/2)
Adossée à un mur porteur au milieu du bâtiment délabré, Laura soupire.
Elle frotte ses yeux qui lui font mal et attrape vivement sa main droite sous le coup d’une colère extrême qui la traverse.
Cette main qui tremble, encore et toujours. Elle serre son poignet si fort que ses doigts deviennent blancs. Elle écarquille les yeux, serre les dents.
Je veux l’arracher. L’enlever. Elle me gêne. Je la déteste.
Laura hurle et frappe sa main par terre de toutes ses forces, comme si elle ne lui appartenait pas.
La douleur qu’elle ressent lui procure une sensation de joie absolue. Elle est euphorique.
Soudain quelqu’un saisit son épaule et la tire en arrière pour l’empêcher de continuer à se blesser. La personne l’immobilise au sol et elle reprend peu à peu conscience de ce qu'elle était en train de faire.
Putain. Je suis en manque.
— Hé oh, ça va pas ? Tu vas perdre ta main si tu continues à faire ça… lui dit l’homme d’un air hagard.
L’homme brun aux cheveux courts et sales, aux yeux injectés de sang, aux habits déchirés et à l’haleine putride est assis sur son bassin.
Sa main droite la lance terriblement, même si la douleur est atténuée par les effets de la drogue encore présente dans son sang, Laura se doute que sa main est cassée.
— Laisse-moi.
— Ah t’es belle tu sais…
L’homme commence à faire des mouvements de va-et-vient sur son bassin. Il a les yeux à moitié fermés et gémit.
— Dégage connard ! rugit Laura en donnant un coup de bassin puissant.
Elle l’envoie valser un mètre plus loin.
— Attends, regarde… dit faiblement l’autre.
Emplie de dégout, Laura ose un regard, uniquement pour voir l’homme allongé sur le dos, agiter son sexe en rigolant.
Une fureur phénoménale se déverse dans le corps de Laura. Elle ne compte même plus le nombre de fois où des déjantés dans son genre ont tenté de la violer. Heureusement pour elle, ils étaient trop shootés pour avoir la force de faire quoi que ce soit.
Laura se lève d’un bond, se précipite vers l’homme qui met les mains derrière la tête en la voyant arriver.
Mais Laura n’avait aucune intention sexuelle envers cet homme. Bien au contraire. Elle lui envoie deux coups de pied puissants dans les parties intimes.
L’homme hurle de douleur et se recroqueville. Il vomit et se met à trembler.
— La prochaine fois, je te les arrache, t’as compris ?
L’homme ne peut que grogner, il est désormais rouge tomate et bave.
Espèce de con.
Fatiguée, à peine sortie d’un autre de ses délires de drogué, Laura regarde autour d’elle. Des corps allongés de partout. Elle vit depuis deux mois dans ce bâtiment dont la construction a été abandonnée.
Tout est vide, gris et des centaines de drogués sont venus s’y installer.
La pâle lueur de l’aube perce à travers les cloisons détruites. Éblouie, Laura se protège les yeux de sa main.
C’est le jour de la livraison. Lundi matin, on est ravitaillé si on a de l’argent, on s’endette ou on meurt.
Laura se tourne et commence à marcher à l’entrée du bâtiment.
Si je suis là-bas la première, je pourrais me trouver un coin tranquille.
Elle enjambe les corps assoupis et remarque une femme qui ne bouge plus.
Elle n’a pas bougé depuis une semaine. Elle doit être morte.
Laura ne ressent plus aucun stress face à la mort des autres. Ça ne l’angoisse plus de se dire qu’ils ne sont peut-être… rien. Anéantis. Annihilés. Et les rêves psychédéliques qu’elle fait la rassurent sur sa propre fin.
Elle ignore donc cette femme et l’enjambe comme les autres, les mains dans les poches, pour aller au lieu de livraison qui se situe dans la cour intérieure de l’immeuble.
Après quelques secondes de marche et quelques escaliers descendus, elle arrive au lieu tant convoité. Il y a déjà une vingtaine de personnes.
Autant dire que je ne serai pas livrée la première…
La camionnette blanche est déjà là, les portes sont ouvertes et l’homme au crâne chauve qui lui avait donné “l’échantillon” il y a deux mois s’occupe de faire la distribution.
Il a un holster contenant une arme de poing et il est accompagné de deux hommes armés. Au cas où quelqu’un tenterait de le voler.
Laura fait la queue sagement. Elle a appris à ses dépens qu’il ne servait à rien de se dépêcher, et qu’elle gagnerait plus de temps à éviter les problèmes.
Le tour de Laura arrive plutôt vite. Elle tend quelques billets et pièces, peu fière d’elle. Elle se rappelle à peine avoir agressé un sans-abri pour obtenir cet argent.
Le chauve rigole.
— J’ai bien fait de te donner cet échantillon la première fois, tu es un de mes meilleurs investissements… Tiens, voilà ta part et un petit bonus…
Il lui donne une grande seringue qu’elle n’a jamais vu.
— C’est très fort, alors il y en a peu. Fais attention à toi. On se voit lundi prochain…
Il pouffe à nouveau tandis que Laura part avec sa marchandise la tête basse et sans se retourner. Elle fait le chemin inverse, enjambe les drogués et se réfugie dans un endroit peu fréquenté du rez-de-chaussée.
Elle s'assoit et dépose son fardeau en face d’elle. Elle sort la seringue étrange. Elle observe le liquide jaune à l’intérieur puis la met dans sa bouche afin d’installer l’élastique autour de son bras.
Soudain elle entend des pas se précipiter vers elle, elle sursaute et se tourne, mais c’est trop tard. Elle se fait percuter par une masse lourde. Laura laisse échapper la seringue.
— Petite pute !
Elle reconnaît la voix de l’homme qu’elle a frappé.
— Tu veux de la drogue ?! Tu vas en avoir !
Immobilisée par le poids de l’homme enragé, elle le voit à peine saisir la seringue qu’elle a laissé échapper.
Il enlève le capuchon. Laura se débat et le frappe, mais l’homme saisit sa main droite et la serre fort. Elle hurle de douleur.
Profitant de cet instant de faiblesse, l’homme lui plante l’aiguille dans la poitrine. une souffrance sans pareille transperce Laura.
— Arrête ! hurle-t-elle. Non !
Son agresseur lui injecte le contenu de la seringue. Instantanément, Laura est projetée dans le monde des rêves.
Autour d’elle, tout se tord. Tout s’enroule, se déforme et se reforme. Les sons se transforment, tantôt graves, tantôt aigus. Le sol dur devient moelleux. La douleur qui la transperçait devient du plaisir. Le froid, de la chaleur.
— Et maintenant, à mon tour de me faire plaisir…
Laura entend la braguette de l’homme s’ouvrir. Son regard est fixé au plafond. Elle ne peut ni bouger les yeux, ni même esquisser le moindre geste. Fermer les paupières est impossible.
Ses pensées deviennent floues. Tout est psychédélique. Elle ne réalise même pas ce qui va lui arriver. Tout ce qu’elle voit devient vert. Puis rouge. Puis bleu. Puis rose, jaune, orange, violet…
Ses sens perçoivent tout de travers : le chaud, le froid, les sons, le dur, le mou, la douleur, le plaisir… Sans pouvoir lutter, Laura s’abandonne aux fausses sensations qu’elle ressent.
0 commentaire