Fyctia
Chapitre 98
Vendredi 1er janvier 2016
4h30. « Les gens sont bientôt tous partis. J'ai eu ma larme. Tu me manques «
05h17. « Je me couche, mon Darling »
12h28. « Tu verrais le chantier chez Solofo! Il va falloir tout ranger aujourd'hui. Je vais m'y mettre sous peu. As-tu passé une bonne soirée ? «
12h49. Message de Rose
« Et bonne année !!!
Je suis rentrée chez moi à 11h30 ! N'importe quoi, bref, en arrivant, pas vraiment de réaction de la part de François. Il attendait sans vraiment attendre, ce qui m'a mise hors de moi. Je n’ai pas parlé de Jonas pour préserver sa fierté mais voilà c'est fini, c'est dit. Tant pis pour la symbolique du 1er. OUF… C'est enclenché. J'en suis heureuse et avant ton départ ! Je ne peux plus m'arrêter maintenant. Merci pour cette belle soirée, c’était super. Tu me diras tes dispos pour être visible… »
19h20. « Eh ben... Quel silence !… J'entends vrombir les réacteurs. Que cette année qui nous sépare soit les prémices de vraies retrouvailles… Ça va être dur. Demain. Les prochains jours…
Samedi soir je suis invitée chez Nathalie. Dimanche je serai à 19h30 chez Lionel et Boris... Peut-être que nous pourrons nous y voir une dernière fois? Je suis avec toi. Par la pensée. Par le cœur. Par l'esprit. Le corps se fait la malle alors demain... demain... demain… Bisous. Bonne soirée »
21h41. « Solofo et Tom arrivent dimanche matin. Il ne me reste plus qu'une nuit avant de retrouver ma chambre de jeune fille. J'espère que tu voudras bien m'accompagner demain soir avec mes valises. Sinon, ce n'est pas grave. Je me débrouillerai. Il va bien falloir que j'apprenne à le faire. Sans toi... sans toi dans mes bras. Punaise... »
Jeudi 4 février 2016
Je pars pour la clinique dans une demi-heure. Je ressens une sorte de stress.
Le stress relatif à une obligation d'horaire à respecter et de rendez-vous dont je me passerais bien. Du coup, j'ai pris un autre Xanax. Nous reviendrons dans l'après-midi. Cela décale ma journée habituelle et je vois combien je suis facilement déstabilisée par un changement de programme. Parce que je n'anticipe plus trop par rapport à avant. Je vis au jour le jour. Et ce n'est qu'hier soir, en remplissant le questionnaire de santé, que je me suis aperçue qu'il me fallait des copies de CMU, de carte d'identité et de justificatif de domicile… Non, je n'anticipe plus, je laisse venir. Je ne cherche plus à forcer le cours des choses, je suis enfin dans l'accomplissement d'un quotidien qui me plaît.
Régis arrivera en Espagne dans deux heures environ. J'espère qu'il aura été prudent sur la route. Il préparait hier soir son gros véhicule. C'est donc qu'il devait partir en bande familiale… Je n'en prends pas ombrage, je retiens qu'il m'a dit qu'il essaierait de me joindre de là-bas.
« Mon Régis,
Tu as dû arriver.
Moi je viens de rentrer de Baie-Mahault où j'ai pu voir un peu la clinique, rencontré l'anesthésiste et fait ma préadmission. Mes règles sont arrivées et j'ai le moral qui en a pris un petit coup.
J'ai repensé à mon hospitalisation à l'hôpital militaire de Tana il y a longtemps, il y a 20 ans... même genre de dispensaire un peu chic mais un peu brousse aussi... un mélange des genres.
Alors, en rentrant chez moi sous une pluie d'enfer qui vient tout juste de se calmer, j'ai ressenti une vague d'émotion qui me tire des larmes.
Justine avait préparé le déjeuner et m'invitait à le partager avec eux... J'ai décliné. Je n'ai pas faim. J'ai envie d'être seule. Première fois que je traverse un moment tel que celui-là.
Il faut dire que l'anesthésiste me disait que j'étais devenue dépendante au Xanax... que ma prise quotidienne était énorme.
Ben oui... c'est ma maladie. Il est psychiatre, l'anesthésiste ? Il voulait me dire quoi avec cette constatation que je vis comme un handicap et qui fait que, même si on ne refuse pas un déjeuner offert si gentiment, je préfère me planquer dans une tanière pour fumer un joint ? Écouter de la musique et te rejoindre parce que j'aimerais tellement pleurer dans tes bras... mais de joie cette fois. Tu me manques tellement en fait...
Allez... Je vais me reprendre. Ce n'est pas le bout du monde. J'en ai vu d'autres, comme hospitalisations.
Je t'embrasse mais alors je prends tout mon temps pour le faire et savourer chaque moment. Chaque sensation. »
16h30. Chez moi. Je me sens mieux. Je sais qu'il faut, sans complaisance, se pardonner ses errances.
Je n'aurai pas de nouvelles de Régis ce soir. Cela ne me peine pas. Je sais qu'il se ressource. Je sais combien il aimerait me faire découvrir l'ambiance de son village en Espagne.
Avant même que nous soyons amants, il m'avait montré une vidéo de l'environnement de sa maison. Il voulait partager l'atmosphère avec moi. Des montagnes et des cieux qui ressemblent à la maison de mes parents dans le Vercors.
Plus d'un pont nous relie, lui et moi.
J'allais dire, « à midi », mais en fait, il était seize heures quand je déjeunais, il m'est arrivé brusquement de penser : « Et si Régis était mort dans un accident ? » Et c'est la suite qui est plus troublante. Je me disais : « Alors notre histoire serait achevée. » Je ne me le disais pas comme si cela me procurait du soulagement ! Je me rendais compte que c'est à vie que je le veux dans ma vie.
Nathalie répondait à un mail que je lui ai adressé. Elle me disait avoir mis un terme à la relation épistolaire qu'elle entretenait avec son ex-amant. Elle voudrait me montrer le chemin, me raconter la fin de l'histoire… Mais c'est son chemin à elle, et ce n'est pas ma fin. Un Régis ne s'oublie pas parce qu'on le décréterait.
Cela me fait penser au premier de l'an 2015. Nous étions Nathalie, Zoé et moi aux Ambassadeurs. Régis est arrivé, avec Muriel, avec sa famille. Zoé m'a fait tout un sketch pour que nous partions de là. Elle ne voulait pas que je « m'abaisse » à subir un tel affront alors que moi, je passais un bon moment. J'avais pu embrasser Régis sur la bouche pour nous souhaiter une belle année à tous les deux, ensemble…
Passons. Même s'il y aurait matière à s'interroger sur le comportement intrusif, comment dit-on dans le langage militaire déjà, une ingérence dans mes affaires privées…?
Ce 31 décembre 2015, exactement un an plus tard, nous avons passé le réveillon de chaque fuseau horaire en commençant par l'Asie… Il y avait Lionel et Boris, mes anciens voisins, Arthur aussi et Natacha.
Mais pas de réveillon à l'heure française. Régis devait rejoindre Muriel. Hélas !
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