Fyctia
Chapitre 3-2
Ils prirent donc le chemin du retour. Arrivé devant chez elle, le jeune homme se gara, descendit du véhicule pour ouvrir la portière à sa passagère et la laissa mettre pied à terre. Pendant qu'elle se dirigeait vers sa porte, il se pencha vers la banquette arrière, attrapa un bouquet de roses, la rattrapa, et le lui tendit.
— Tenez ma chérie. Je n'ai pas eu le temps de vous l'offrir tout à l'heure. Elles sont encore fraîches, mais ne tardez pas à les mettre dans un vase avant qu'elles ne se fanent.
— Mais… C'est trop Philippe. Il ne fallait pas !
— Mais si, voyons ! Rien n'est de trop pour vous. Puis-je espérer que vous m'offriez un café avant de vous quitter ?
— Encore une fois, je suis désolée, Philippe. Comme je vous l'ai dit, je suis éreintée. Je n'ai qu'une envie, c'est de me glisser dans mon lit et fermer les yeux.
— Je vois, tant pis, je n'insiste pas.
— C'est gentil, Philippe. Je vous remercie pour cette soirée et vous souhaite une bonne nuit, fit Anaïs en glissant la clé dans sa porte.
— Bonne nuit à vous, ma chérie, faites de beaux rêves.
La jeune femme entra, referma derrière elle au nez de son prétendant et monta les marches de son appartement en courant. Une fois chez elle, son premier geste fut de jeter les fleurs dans la poubelle, puis elle s'écroula sur sa banquette.
— Pfff… Mais quelle plaie ce mec ! lâcha-t-elle.
Elle s'autorisa alors à fermer les paupières quelques secondes, afin de se vider l'esprit. Ce fut quelques secondes de trop. Elle s'endormit assise sur le sofa. Aussitôt, le même rêve érotique que celui qu'elle avait fait le matin en rentrant de son périple en forêt l'assaillit. Son bel inconnu l'enlaçait, leurs corps nus s'épousant parfaitement, puis elle s'apprêtait à se donner à lui fiévreusement sur un lit de feuilles mortes. C'est à ce moment qu'elle se réveilla, le corps en feu et frustrée de ne pas connaître la suite, même en songe. Jetant un œil sur la pendule du salon, elle s'aperçut qu'il était deux heures du matin. Elle se força alors à se lever et à se diriger vers son lit, où seulement elle glissa dans un sommeil réparateur.
***
Lorsqu'elle ouvrit les yeux vers huit heures, la première image qui s'imposa à son esprit fut celle de son bel inconnu. Comme c'était dimanche, elle s'octroya une grasse matinée pour réfléchir à la question. Qui était-il ? Que faisait-il en permanence dans la forêt ? Était-ce un bûcheron ? Ils étaient nombreux dans la région. Mais dans ce cas pourquoi prétendre que le terrain lui appartenait, s'il exploitait juste le bois ? Et pourquoi refusait-il de lui donner son identité ? À moins qu'il s'agisse bel et bien de ce criminel en fuite. Cela expliquerait tout. Dans ce cas, devait-elle le dénoncer aux autorités ? Dans son for intérieur, elle savait que c'était la meilleure décision à prendre. Mais elle n'arrivait pas à s'y résoudre. Les sentiments qu'elle éprouvait lui dictaient qu'elle devait lui faire confiance. Elle sursauta à cette pensée. Des sentiments ? Quels sentiments ? D'accord, il l'attirait physiquement. D'accord, elle s'était peut-être leurrée en se disant qu'elle n'avait pas de besoins physiologiques : après tout, elle était humaine. Mais elle était bien certaine qu'elle ne se laisserait plus aller à éprouver quoi que ce soit envers un homme. De toute manière, l'amour n'était qu'une invention littéraire. Elle en avait eu la preuve il y a bien des années. Alors elle ne serait peut-être pas célibataire toute sa vie. Peut-être qu'un jour elle aurait la chance de voir ses rêves de mariage se réaliser, mais en tous les cas, ce n'était pas avec un sauvage que ça arriverait. Même s'il n'avait pas eu l'air si sauvage que ça lorsqu'il était passé lui déposer ses clichés. Les clichés ! Il fallait absolument qu'elle s'occupe de les développer ! Il lui avait dit qu'il repasserait bientôt chercher les négatifs. Et s'il venait aujourd'hui ? Elle se leva d'un bond, s'enveloppa dans son peignoir et fit réchauffer une tasse de café au micro-ondes. Elle expédia son petit déjeuner rapidement, et au lieu d'enfiler un vieux jogging comme elle le faisait tous les week-ends, elle passa une heure à se préparer. Douche, brushing, maquillage, jupe courte blanche, chemisier rose légèrement transparent, sandales à talons. S'il venait, elle voulait être prête à jouer les séductrices. Elle saurait bien lui tirer les vers du nez et découvrir qui il était. Enfin elle descendit dans son laboratoire, et commença à s'occuper des négatifs qu'il lui avait déposés.
Cela lui prit un peu plus de deux heures. Lorsqu'elle arriva à la dernière prise de vue, donc la plus ancienne dans l'ordre chronologique, elle sentit son sang se glacer. Sur la photo posait un couple en train de s'embrasser. Son Apollon inconnu, en costume - dieu qu'il était beau ! – devant un manoir, tenait dans ses bras une magnifique jeune femme, blonde, très sophistiquée. L'abattement s'empara d'Anaïs, et elle dut se faire violence pour empêcher les larmes de lui monter aux yeux. Elle se força tout de même à terminer son travail. Mais au lieu d'effectuer des développements classiques, elle lança des impressions à partir des numérisations qu'elle avait réalisées. Ainsi, le temps de séchage était bien plus court. Après quelques minutes, elle put donc ranger les tirages dans une pochette, les glisser dans un tiroir et sortir de son laboratoire. Enfin, elle remonta dans son logement et s'écroula à nouveau sur sa banquette. Quelle imbécile ! Elle avait encore failli se faire avoir par les beaux yeux d'un séducteur ! Un séducteur ? Même pas ! Il n'avait rien tenté de son côté. C'était elle qui avait bâti des châteaux en Espagne ! Elle ne pouvait donc s'en prendre qu'à elle-même. Restait donc à savoir comment le chasser maintenant de son esprit. Le meilleur moyen, c'était de le dénoncer à la police. Une fois qu'il serait de retour derrière les barreaux, elle finirait bien par l'oublier. Mais était-ce vraiment la solution ? Elle se donna jusqu'au lendemain pour y réfléchir.
Comme il était près de midi, elle grignota une salade sans saveur, puis s'installa devant la télévision, assise confortablement dans son fauteuil, une énorme boîte de chocolats sur les genoux. Lorsqu'elle commença à zapper sur les différentes chaînes, elle s'aperçut qu'elle n'avait le choix qu'entre des matches de foot, des émissions pour enfant ou des comédies romantiques. Se résignant à la dernière solution, elle passa ainsi l'après-midi à pleurer devant des histoires d'amour qu'elle ne connaîtrait jamais.
10 commentaires
MARY POMME
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Il y a 10 mois
SBel
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Il y a 10 mois
lea.morel
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Il y a un an
Diane Of Seas
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Il y a un an
Pépita17
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Il y a un an
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chiara.frmt
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Emeline Guezel
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Il y a un an