Fyctia
35: Geneviève 3
Un instant, Samuel craint la réaction de Rebecca, certain de la voir fuir suite à son aveu concernant cet assaut qu’il a commis.
— C’est horrible ! s’exclame Rebecca. Je comprends maintenant pourquoi tu as perdu confiance en notre système judiciaire.
Surpris du support offert par la lieutenante, Samuel l’observe d’un regard hagard.
— D’apprendre que j’ai attaqué un homme ne t’inquiète pas ?
— Tu as toi-même dit que tu avais toutes les preuves pour le lier au meurtre de Sarah.
— Ce que j’ai fait est tout de même illégal. J’aurais dû le livrer à la justice.
— Pourquoi ne pas l’avoir fait alors ?
— Cette homme était impliqué dans la politique. Je craignais qu’il s’en tire sans conséquences.
— Il a pourtant été condamné, non ?
— Suite à des tests ADN effectués lors de son séjour à l’hôpital.
— Ton assaut a donc contribué à son arrestation. Cet homme mérite pleinement tout ce qui lui est arrivé. Ta seule erreur dans cette histoire, c’est de t’être fait prendre.
Sidéré d’entendre de telles paroles venant de la bouche d’une agente des forces de l’ordre, Samuel l’observe d’un regard rempli d’incompréhension. Plutôt que de voir la peur dans les yeux de sa compagne, il note l’admiration. Troublé, il ne trouve aucune explication logique à son comportement.
— Ta réaction me rassure beaucoup, commence Samuel, mais j’avoue que je ne la comprends pas.
— Je te promets de tout t’expliquer ce soir. Pour le moment, je m’occupe de mon amie. Tu peux rester dans la voiture pour éviter de devoir l’affronter.
— Non, je veux y aller avec toi. Tu t’es engagée à me présenter et je ne veux pas que tu aies à mentir en conséquence de mon passé. À toi de juger de la suite quand tu auras vu la réaction de ton amie à ma présence.
— C’est comme tu veux, mais je peux déjà te dire que son opinion ne changera rien pour moi. Je suis la seule responsable de mes actions.
— Tu ne crains donc pas celle que tu qualifies de « lionne prête à dévorer sa proie » ?
— Elle n’est pas la seule lionne et je t’assure que mes dents et mes griffes sont plus acérées que les siennes !
— L’idée de me retrouver coincé entre vous deux m’inquiète un peu, mais je suis toujours prêt à risquer ma peau quand la récompense en vaut la chandelle.
— Et c’est quoi la récompense ?
— Toi, dans mes bras, ce soir.
— Rien de plus ?
— Cela me suffirait, mais je suis prêt à réévaluer lorsque le moment sera venu.
— J’aurai effectivement quelques propositions à te faire.
Pris d’une soudaine bouffée de chaleur, Samuel s’empresse de sortir du véhicule et rejoint sa partenaire, résistant avec difficulté à l’envie de la prendre dans ses bras.
— Tu es prêt ? demande Rebecca, confiante.
— Je l’espère.
À peine entré dans le bâtiment, Samuel est envahi des souvenirs pénibles de son passé. Heureusement, la présence rassurante de l’inspectrice chasse rapidement les images troublantes de son esprit.
— Bonjour, lieutenant Besson ! lance la réceptionniste d’un ton jovial. Vous venez voir maître Vernay je suppose ?
— En effet. Je l’ai contactée un peu plus tôt et elle nous attend.
— Je vous annonce à l’instant.
Voyant Rebecca se diriger déjà vers l’ascenseur, Samuel se permet d’intervenir.
— Ne devrait-elle pas nous remettre des badges de visiteurs ?
— Je viens ici plusieurs fois par semaine et tout le monde sait que je suis l’amie de la propriétaire du cabinet. Cela apporte certains avantages.
— J’espère que ton association avec moi ne te les fera pas perdre…
— Si c’est le cas, alors tant pis. Ce que tu m’as appris sur Geneviève me déçoit beaucoup. J’aurais pensé qu’elle soit plus juste, même en tant qu’avocate de la couronne.
— Je suis désolé de te dire qu’elle ne l’a pas été avec moi.
— Je te jure qu’elle va devoir s’expliquer avec moi lorsque le moment sera venu. Pour l’instant, on monte, on lui donne le téléphone et les directives et ensuite on s’en va !
— Et pour le repas ?
— J’inventerai une raison pour quitter.
Faisant au mieux pour contrôler la colère qui monte en elle, Rebecca entre dans la cabine avec Samuel et elle sélectionne l’étage. Dès l’ouverture des portes, elle sort et s’avance vers l’assistante de Geneviève.
— Maître Vernay nous attend, lance-t-elle froidement, sans même s’arrêter devant la dame.
Mal à l’aise, Samuel suit l’inspectrice alors que celle-ci pénètre sans même s’annoncer dans le bureau de l’avocate.
Assise à son bureau, Geneviève sursaute lorsque la porte s’ouvre en trombe. Déjà prête à invectiver l’intrus osant l’interrompre aussi brusquement, elle se lève d’un bond. Reconnaissant Rebecca, elle retient toutefois ses insultes.
— Hey, Reb, qu’est-ce…
Dès qu’elle aperçoit l’homme derrière son amie, Geneviève sent ses jambes ramollir sous son corps. Impossible pour elle de ne pas le reconnaître et son visage sévère lui confirme que lui aussi se rappelle très bien d’elle.
Avec raison, il va sans dire.
Qui pourrait oublier le visage de la personne qui a tenté de détruire sa vie ?
Terriblement nerveuse, Geneviève s’efforce de conserver son calme alors qu’elle s’approche de ses invités. Incapable de maintenir le regard du jeune homme, elle cherche le réconfort dans celui de son amie. Malheureusement pour elle, celle-ci affiche un air glacial à son endroit, signe qu’elle semble déjà connaître le lien qui la relie au jeune homme. Prenant son courage à deux mains, l’avocate ancre son regard dans celui de celui qui fût autrefois son client.
— Bonjour monsieur Delorme, s’avance-t-elle sur une voix aussi neutre que possible.
— Bonjour, maître Vernay, répond Samuel avec froideur. À ce que je peux voir, votre carrière se porte à merveille, vous m’en voyez ravi.
S’attendant à recevoir des injures de la part de celui qu’elle se devait de défendre il y a quelques années, Geneviève reçoit sa dernière affirmation empreinte d’ironie comme un coup de couteau en plein cœur. Elle aurait préféré recevoir sa colère en plein visage plutôt que ce faux compliment. Cela aurait été bien plus facile à encaisser. Prise entre la froideur du jeune homme et le regard rempli de mépris de son amie, Geneviève craque émotionnellement. Alors que des larmes sincères tracent leurs chemins sur ses joues, elle retourne d’un pas lourd à son bureau pour s’asseoir, ses jambes menaçant de défaillir à tout moment.
— Écoutez, monsieur Delorme, vous êtes en droit de me détester pour ce que j’ai fait. Ne dissimulez pas votre colère derrière un mensonge inutile, je vous en conjure !
Peinant à contenir la déception qu’elle ressent envers son amie, Rebecca s’apprête à s’avancer pour exprimer son désarroi, mais la main de Samuel la bloque délicatement.
— Je n’ai pas menti, répond-t-il à l’endroit de l’avocate. J’ai commis des erreurs et j’en ai affronté les conséquences. Vous détester ne m’apporterait aucun réconfort, surtout après toutes ces années.
Surprise de voir son partenaire accepter aussi ouvertement la situation, Rebecca l’observe d’un regard rempli d’incompréhension.
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