Fyctia
Chapitre 17 : NATHAN
CHAPITRE 17 : « Un ange en train de réfléchir… mais le démon est plus rapide »
NATHAN
Dimanche, le 22 février
19 heures :
Plus de peur que de mal, mais quand même une belle entorse. Je sors du freezer une nouvelle poche de glaçons et l’applique sur la cheville de ma mère, comme un bon fils bien élevé que je suis. En même temps, je ne suis pas contre un peu d’aide, soit un retour rapide du frangin parti nous chercher des pizzas. Je textote rapidement : « Sans fromage pour moi ! » ; « Et sans anchois ! » ; « Et sans thon ». Excédé, Hugo me répond : « C’est bon, je te prends une part de pâte recouverte de pâte, conna*d ! »
Je me marre doucement, découvre d’anciens messages que je n’ai pas encore eu le temps de lire, je souris en constatant que Miss Pimbêche a tout de même fini par me répondre… elle en a mis, du temps, pour me dire si elle préfère le chocolat chaud et blablabla… Et en effet, j’avais raison : « Bien deviné, je préfère un gros mug de chocolat chaud avec un nuage de crème ! »
J’échafaude quelques plans dans ma tête : l’emmener boire un chocolat dans un salon de thé de bonne qualité, je ferai une entorse sur la diététique pour une fois… et là, je lui tendrai la pince à cheveux que j’ai achetée. Pour ne pas avoir l’air trop crétin, je vais la rayer avant et même l’abîmer légèrement. Si elle semble neuve, ça aura l’air bizarre…
J’ouvre vite fait le texto suivant, avant l’arrivée du frangin. Miss « Botte de foin » est en forme, à ce que je vois, et pipelette comme une fille, normal ! Je lis : « Gardez l’objet que j’ai perdu au mariage, je m’en fiche. Et buvez le chocolat chaud sans moi, mieux : étouffez-vous avec ! Sale type ! Coralie ». Je ne sais pas si c’est une mauvaise blague ou si cette fille est folle.
On dirait un ange et un démon tout à la fois : il ne s’est pas passé 24 heures entre ces deux messages, qu’est-ce qui a pu la rendre hystérique comme ça ? Tout ça n’a aucun sens, à moins qu’elle ne veuille plaisanter ? Drôle d’humour à vrai dire, mais je tente quand même, sur la base du malentendu de l’autre jour, sait-on jamais : « Vous avez raison, le sale type malotru a mangé tout le quinoa et s’apprête à boire tout le chocolat chaud sans vous ! Nathan, votre mauvais serviteur. PS : si vous changez d’avis, appelez-moi ! »
La réponse ne se fait pas attendre : « Je vous laisse en très bonne compagnie. Sale type ! » Décidément, elle insiste avec « sale type », je réponds : « Je suis en train de m’occuper de la cheville blessée de ma mère, si vous voulez tout savoir ». Un temps passe, sans doute un ange en train de réfléchir, mais le démon est plus rapide : « Allez au diable, vous et vos mensonges ! »
Bon, je ne comprends toujours pas quelle mouche a piqué cette fille, ni ce que j’ai pu dire pour mériter ça, mais le diable m’invite bel et bien en enfer. D’ailleurs en parlant du diable, Hugo arrive justement avec les pizzas, et m’impose l’insoutenable odeur du chorizo fumant sur la pâte garnie d’une demie-tonne de fromage que mon frère tire avec ses doigts, créant de longs fils peu ragoûtants.
Ma mère, la jambe surélevée, fait tomber le sac de glace et gémit :
— Pourquoi tu m’as pris ananas-jambon-champignons ? Tu sais que j’ai horreur de ça, le mélange sucré-salé !
Elle fait la moue, ôte trois tranches d’ananas de sa part de pizza et enfourne malgré tout le morceau prédécoupé. Faut dire qu’une entorse à la cheville, ça creuse !
Quand j’ouvre mon carton, le frangin est carrément hilare : je n’ai QUE de la pâte : épaisse, très cuite, badigeonnée d’herbes et d’huile d’olive. Je fais un effort surhumain pour ne pas lui balancer toute la pizza à la tête. Et je confirme : je suis bel et bien en enfer, merci Coralie !
Quelques minutes plus tard, j’ai trouvé ce qu’il me faut et me fais rapidement griller des poivrons coupés en lamelles, tout en jetant au frangin un regard noir, histoire qu’il capte bien l’expression : « Tu ne perds rien pour attendre ! ». J’ajoute une poignée de champignons ainsi qu’une tranche de fromage végétal, pose la mixture sur la pâte désormais refroidie, mais tant pis, c’est mieux que rien. Hugo ne peut pas s’empêcher de commenter :
— Tu ne vas jamais y arriver, vieux…
Je lève la tête, croque dans la pâte molle de ma pizza :
— Arriver à quoi ? Ma pizza est mangeable et ne pue pas le chorizo, je te signale.
— À trouver une nana, mec.
Mon sang ne fait qu’un tour, je lance sèchement :
— De quoi je me mêle ? Ferme ton clapet !
— Les filles normales ne veulent pas bouffer de l’herbe à longueur de temps, frangin. J’dis ça, j’dis rien, hein.
— Parce que tes merguez puantes en barbecue comme un gros beauf dès le début du printemps, c’est mieux, tu crois ?
Le coin de la bouche de mon frère se soulève en un début de moquerie que je connais par cœur et que je ne supporte plus.
— Bah… les filles normales préfèrent le barbecue du beauf à l’austérité du lapin végan… mais ne perdons pas espoir : ton régime diététique attirera peut-être une anorexique, avec un peu de chance pas trop moche…
J’explose et susurrant, l’œil mauvais :
— Je crois que quand on change de copine toutes les semaines, on peut la boucler, non ?
— Oui, mais moi, c’est volontaire, mec…
Là, je fais un effort surhumain pour ne pas coller le frangin au mur et je quitte la pièce, malgré les protestations de maman qui vrillent mes oreilles :
— Mais arrêtez de vous chamailler comme ça, les garçons ! Ça n’a pas de sens… à votre âge, en plus !
Je soupire. Ce que maman refuse d’admettre, c’est que Hugo sera toujours aussi casse-pied : même le jour où il sera centenaire, il aura une remarque désobligeante émettre, ou bien une vanne pourrie à me jeter en peine tête en rigolant bêtement, appuyé sur sa canne, le crâne chauve et la bouche édentée…
Heureusement qu’un gentil message de Colette arrive pour me réconforter : « J’ai parlé de votre programme de cootchingue à ma fille… pour le moment, ça ne l’emballe pas trop mais je sais que je vais réussir à la convaincre. Bonne soirée, charmant jeune homme ! » Colette me fait rire, elle n’arrive pas à prononcer correctement le mot « coaching », encore moins à l’orthographier. Mais c’est ainsi, nul n’est parfait !
Je regarde la grosse bougie à la violette que j’ai achetée dans la boutique de Colette, et j’ai presque envie de l’allumer : au moins, ça amènera un brin de douceur dans ce monde chaque jour un peu plus dingue que la veille…
42 commentaires
MarineGautierAuteur
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Il y a 2 ans
Coeur fondant
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Il y a 2 ans
SOLANE
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Il y a 2 ans
Cécile G
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Ana_K_Anderson
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Gottesmann Pascal
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SOLANE
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Il y a 2 ans