Fyctia

Le lendemain, Jenna va en cours puis se recouche : elle n’a que quelques heures de repos à grapiller avant de reprendre le train pour rentrer chez ses parents.

Une demi-heure après, des coups retentissent à sa porte.

« Salut ! Bah, tu dormais ? »

Jenna réprime un bâillement et met l’eau à chauffer pour le thé. Pour être franche, elle n’a pas tellement envie de voir Marjo. La manière dont la brune s’est frottée contre Kristian la veille est encore imprimée dans sa rétine. Bien sûr, Marjo est sa meilleure amie et elle a confiance en elle… Dans une certaine proportion.

« Citron ou menthe ? propose-t-elle

— Citron. J’ai vu Maurice et Gus tout à l’heure…

— Ah. Et ? » interroge Jenna avec un temps de retard.

Les yeux de Marjo pétillent.

« Je ne sais pas si tu t’en es rendue compte mais, hier, Maurice a passé son temps à essayer de te draguer. »

Jenna fronce les sourcils. Maurice a tenté un truc ? Non, ça ne lui dit rien. Bon, certes, il y a bien eu ce moment, en fin de soirée, où il a trouvé amusant de la porter dans ses bras pour lui faire passer le seuil de la cité U, mais c’était juste une blague. Devant le manque de réaction de Jen, Marjo lève les yeux au ciel.

« Maurice m’a raconté que le mec avec lequel tu as dansé hier soir— tu sais, celui qui connait Kristian— est venu le voir pour lui conseiller de lâcher l’affaire. Il lui a dit que ça faisait plus d’une heure qu’il essayait de sortir avec toi mais que c’était mission impossible, vu que tu es focalisée sur ton ex.

— N’importe quoi ! s’indigne Jenna. C’est juste qu’il ne me plaisait pas, les dragueurs de bas étage, j’ai eu ma dose, merci.

— C’est cela, oui… Et Maurice ?

— Il est gentil, mais sans plus. »

Marjo marque un temps de silence, le temps de s’allumer une cigarette, puis :

« N’empêche que tu as passé la soirée à mater Kristian.

— Pas de ma faute s’il s’est assis en face de moi.

— Lui non plus ne t’a pas lâchée des yeux…

— Sauf quand il dansait La Javanaise, rétorque Jenna, acide.

— Mais qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? s’exaspère Marjo. Je ne pouvais quand même pas l’envoyer chier ! »

Mentalement, Jenna énumère tout ce qu’elle pourrait répondre à cela : te frotter un peu moins à lui, le regarder sans l’aguicher, prétexter que tu as un copain…

« Beh là, » finit-elle par lâcher.

Elle trop fatiguée pour se disputer avec Marjo, détourne le sujet :

« Et toi, qu’est-ce que tu comptes faire avec Ludo ? Et Gus ? Et, euh Machin, que tu as emballé hier ?

— Fred ou peut-être Éric, je sais plus, s’amuse Marjo. Non, mais lui, c’était que pour la soirée. Gus c’était un accident. Par contre, Ludo me doit des explications et il a plutôt intérêt à se pointer lundi.

— Pfff, tu sais ce que j’en pense… Moi, à ta place, je redonnerais une chance à Gus. Au moins, lui, il a des sentiments pour toi, même s’il prétend le contraire.

— Mouais, bof… »

On a connu Marjo plus à fond…

*

Il y a des travaux de rafraichissement dans la cité U. Gus et Jenna sont priés de se trouver un autre endroit où dormir. Diana se propose, Marjo suit les deux autres. Les voilà tous les trois installés chez la brune. Bon, ils seront un peu serrés dans les 20 m2 de Diana, mais ça ne dérange aucun d’entre eux. A aucun moment il n’est évoqué la possibilité que Marjo dorme chez elle, pour une fois, ou que Gus squatte chez un de ses potes.

Marjo aux fourneaux, Diana à l’apéro, ils passent une agréable soirée, s’échangent des confidences, et jouent à la belote.

« Oh la bordelle, elle coupe sur maitre, se navre Gus.

— J’apprends seulement les règles, j’te signale ! lui renvoie Jenna dont il est le partenaire. Donc, désolée, si je fais des conneries. »

Marjo et Diana pouffent tandis que Jenna consulte son pense-bête :

« Euh, le 9 c’est combien de points, déjà ?

— Ne mets pas ton 9 alors que le valet n’est pas tombé ! s’exaspère Gus.

— Ah… Mais, si j’ai que ça ?

— Je suis maitre ! explose Gus.

— Roo ça va, hein… »

2 h du mat

Extinction des feux.

Marjo et Diana ont cours à 8h00 le lendemain, tandis que Jenna et Gus ne commencent pas avant 14h00.

Jenna, Gus et Marjo se sont entassés dans le convertible de Diana. Moins de 2 minutes s’écoulent… Puis, des bruits de succion résonnent dans la pièce.

« Et c’est reparti pour un tour ! » s’exclame Jenna avant de rabattre la couette sur sa tête tandis que Diana explose de rire.

La nuit est courte. Gus et Marjo sont visiblement très en forme. Un peu moins lorsque le réveil de Diana sonne à 7h00.

« On rentre à midi, je vous laisse les clefs », propose Diana.

Gus pousse un grognement, Jenna baille un remerciement.

Ils se rendorment jusqu’à 11h30.

*

Les travaux sont terminés, Jenna réintègre sa chambre. En rentrant de la fac, elle a la surprise de recevoir la visite de Sophie, flanquée de Biquet.

Génial…

« Je passe le concours de la police, cet apre’m », explique Sophie.

La police ? Avec les activités de Biquet ? Elle rêve éveillée, là !

« T’as pas cours je crois, tu veux bien rester avec Biquet ? »

Jenna se décompose, a du mal à cacher son manque d’enthousiasme.

« Euh, j’avais prévu de prendre une douche. »

Non, mais ce n’est pas possible ! Elle ne pouvait pas trouver une autre excuse ?

Biquet s’installe chez Jenna qui prend tout son temps sous la douche. Finalement, elle le rejoint.

« Tu sais qu’avec Sophie on a fait un pari ? » lui lance-t-il.

Jenna n’en a strictement rien à battre, mais fait mine de s’intéresser par politesse. Et par amitié pour Sophie.

« On a parié que tu coucherais avec moi si Sophie était d’accord. »

Jenna s’immobilise net : elle a du mal entendre, a encore de la mousse dans les oreilles. Il ne peut pas avoir dit un truc pareil.

« Pardon ?

— Non, mais tu vois, Sophie, elle est pas trop ok pour les autres filles, mais toi ça irait, franchement, elle est pour. »

Jenna compte mentalement jusqu’à 10. Juste histoire de se calmer. Puis…

« Non, mais ça va pas la tête ! T’es taré ou quoi ? Même si tu ne sortais pas avec Sophie, tu pourrais être le dernier mec sur Terre que jamais je ne ferais quoi que ce soit avec toi ! »

Compter jusqu’à 10, ça marche moyen… Jenna est tellement énervée qu’elle en tremble.

Biquet fait mine de s’esclaffer :

« Le prends pas comme ça, c’était une blague. »

Comme dirait Gus : beh là…

« Ça se voit que t’es une fille bien, tente de se rattraper Biquet. Contrairement à Marjo qui est une vraie salope. Si je lui avais dit la même chose, j’suis sûr qu’elle se serait jetée sur moi.

— J’en doute fortement ! »

Jenna est à deux doigts de le foutre dehors, tant pis pour Sophie.

« Ce que j’veux dire, c’est que c’est quelqu’un comme toi qu’il faut à Gus. Et puis, ça se voit qu’il n’y a pas que de l’amitié entre vous. Sans Marjo… »

Non mais, c’est une caméra cachée, songe Jenna. Qu’est-ce qu’ils ont tous à fantasmer sur Gus et elle ?

Le retour de Sophie la dispense se répondre. La grande blonde est en larmes : le concours s’est mal passé.

« Viens ma biquette, on va chez toi, je vais te donner du poppers… »

Jenna est tellement estomaquée qu’elle en reste sans voix.