Fyctia

Lorsque Jenna part pour le travail vers seize heures trente, la voiture de Pascal est toujours là et elle ricane en passant devant. Heureusement qu’il devait faire l’aller-retour. Enfin si ça se trouve, c’est d’autres allers-retours qu’il fait… punaise, j’aurais dû fermer mes volets avant de partir !

Les deux heures de travail de Jenna passent à toute vitesse, les enfants réclament son attention et elle laisse échapper un soupir de soulagement lorsqu’elle rend le dernier à ses parents. Après avoir échangé quelques mots avec LSD, Jenna rentre chez elle et note au passage que la voiture de Pascal est partie. Putain, j’espère que ça ne s’est pas trop mal fini, sinon je vais passer une soirée d’enfer.

***

Jenna n’a même pas le temps de déverrouiller sa porte que Diana est sur elle.

— Ah quand même ! lui lance-t-elle. Tu étais où ?

— Au travail, grince Jenna.

Tu sais, ce truc que je dois faire pour avoir de quoi acheter à bouffer… ajoute-t-elle mentalement tandis que Diana s’engouffre dans l’appartement à sa suite.

— Ah oui, en plus tu me l’avais dit, se souvient Diana. Désolée, c’est juste que ça fait plus d’une heure que j’essaie de venir te voir.

Après avoir pris une discrète inspiration, Jenna demande :

— Comment ça s’est passé ? Pascal ne l’a pas trop mal pris ?

Diana cache son visage derrière ses cheveux et bafouille :

— Euh… bah en fait, il est arrivé, on a mangé et puis de fil en aiguille, on a couché ensemble.

Tu m’en diras tant…

— C’est original comme technique de rupture, ironise Jenna. Je crois que même Marjo ne l’a jamais utilisée celle-là.

Diana rougit de plus belle.

— Hem, du coup, c’était un peu délicat de le larguer après ça…

— C’est certain que les signaux sont légèrement contradictoires… Donc pour résumer, vous êtes toujours ensemble.

— Oui, pour l’instant mais je lui ai dit que ça ne pouvait plus durer comme ça et que j’en ai marre de toujours passer après son taff et ses potes. Du coup, je lui ai fixé un ultimatum : soit il se rend plus disponible pour moi, soit c’est fini entre nous. Je lui laisse jusqu’à samedi pour y réfléchir et me donner sa réponse.

— Ouch, c’est raide, commente Jenna.

— Puisqu’il dit qu’il m’aime, il est temps qu’il le prouve. Tu n’as pas un truc à boire ? J’ai besoin de me remettre de mes émotions.

Jenna, qui a toujours de quoi prendre l’apéro, les sert tandis que Diana poursuit son récit. Au bout d’un moment, elle soupire :

— En vrai je suis dégoûtée, Pascal n’a pas l’air de vouloir m’accorder une vraie place dans sa vie. Mais sérieux, j’en ai marre de passer après son taff. Je lui ai dit que je voulais qu’il vienne au moins deux fois par semaine et qu’il soit avec moi quand on fait des soirées. Tu en penses quoi ? Tu crois qu’il va faire des efforts ?

— Je te le souhaite, si c’est vraiment ce que tu veux, élude Jenna qui en doute.

— Je ne sais pas… d’un côté, j’en ai marre de lui, mais d’un autre je n’ai pas envie d’être célibataire à nouveau. Enfin, s’il refuse de m’accorder plus de temps, c’est bien qu’il me ment depuis le début et qu’il ne m’aime pas vraiment. Je t’assure, si ce n’est pas possible pour lui, c’est bien qu’il me prend pour une conne et n’est avec moi que pour tirer son coup.

La conversation continue sur ce registre durant plusieurs heures… Diana oscille entre « je vais le quitter » et « j’espère qu’il va faire des efforts ». Lorsqu’elle rentre chez elle, il est plus de deux heures du matin et Jenna a mal au crâne. Punaise, quelle prise de tête, je crois qu’elle est encore pire que moi ! songe-t-elle en se glissant sous les draps.

***

La nuit de Jenna est agitée, elle fait de nombreux mauvais rêves mettant en scène Kristian et lorsqu’elle se lève vers dix heures elle se sent aussi fatiguée que quand elle s’est couchée.

Prenant garde à ne pas faire trop de bruit, Jen se prépare un petit café puis s’installe confortablement. Comme toujours, ses pensées la ramènent vers Kristian. Diana n’a pas tort quand elle dit que je me montre trop complaisante avec lui… c’est vrai que je ne lui demande jamais rien. Je suis trop passive dans cette relation. Il suffit de voir tous les projets qu’on fait et qu’on ne réalise jamais… Il est temps que je me montre un peu plus exigeante. Puisqu’on est un couple adultère, autant se comporter comme tel quand on se voit. Et la prochaine fois qu’il vient, finies les soirées à la con avec Magali, Paul ou je ne sais qui, décide-t-elle.

Le fil de ses réflexions est interrompu par la visite de Diana qui frappe à la porte. Celle-ci n’a pas meilleure mine que Jenna.

— Je n’ai pas dormi de la nuit, annonce-t-elle. Je suis sûre que samedi, Pascal va me dire que c’est fini. Putain, je suis dégoûtée.

— Tu n’en sais rien, lui rappelle Jenna. Et là j’avoue que j’ai du mal à te suivre, ça fait des semaines que tu me dis que tu veux arrêter avec lui et maintenant tu te lamentes à la perspective qu’il te quitte. Il faudrait savoir ce que tu veux.

— Raaaa, c’est facile de dire ça pour toi. Tu as deux mecs et même si Kristian te largue tu auras toujours Phil ! Tu ne sais pas ce que c’est que de galérer pour avoir un copain.

Allez hop, c’est gratuit, gronde Jenna en serrant les dents.

Un appel d’Elsa les interrompt et Jenna s’empresse de décrocher.

— Salut Elsa, ça va ?

— Oui ! répond-elle surexcitée. Je viens d’avoir les résultats d’admission du CAPET et cette année je l’ai eu !

— C’est génial ! Félicitations Elsa ! Je suis trop contente pour toi.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’impatiente Diana.

Jenna lui répond tandis qu’Elsa lui explique que maintenant qu’elle intègre l’éducation nationale, Éric et elle vont pouvoir concrétiser leurs projets, à commencer par acheter une maison.

— C’est vraiment super pour toi, répète Jenna.

— Merci, je tenais vraiment à vous l’annoncer en premier vu qu’à chaque fois que j’ai eu besoin d’être logée pour passer le concours, vous m’avez aidée.

Elles bavardent encore quelques minutes puis se quittent sur la promesse de se rappeler bientôt.

Note de l'autrice : je profite qu'il me reste un peu de place pour vous souhaitez à tous et à toutes un très bon réveillon ! Profitez bien.