Fyctia

Jenna accorde le point à Marjo puis évoque la menace qui plane sur elle.

— Hmmmm… lâche Marjo d’un ton dubitatif. Je ne voudrais pas me montrer mauvaise langue mais je trouve ça un peu louche que Diana te parle de ça juste après que tu lui aies raconté que tu as passé une super soirée avec Gwen.

Jenna se trouble.

— C’est-à-dire ?

— Bah, j’ai un peu parlé avec Vivi de toutes les histoires qu’il y a en ce moment dans la bande et il faut admettre qu’elles ont toutes un numérateur commun : Diana.

— Dénominateur, corrige machinalement Jenna. Après, admet que Chouchou a poussé le bouchon un peu loin.

— Certes… mais avoue que Diana a remis une pièce au fur et à mesure de la soirée. C’est pour ça que je trouve chelou qu’elle te balance ça maintenant alors que Gwen est au courant depuis des mois pour Kris et toi. Sauf si tu as fait quelque chose qui a mis Gwen en colère contre toi …

— Pas à ma connaissance en tout cas, répond Jenna après quelques secondes de réflexion. Mais je ne vois pas quel intérêt Diana aurait à mentir là-dessus.

— Pour t’éloigner de Gwen, subodore Marjo. Ou alors, Pascal est réellement au courant mais je trouve ça très capillotracté qu’il l’ait appris par les Bretons alors que tu m’as dit toi-même plusieurs fois qu’il ne les appréciait pas. Surtout sachant que Diana passe son temps à ragoter sur les gens. À ta place, je me méfierais et je ne prendrais pas pour argent comptant tout ce qu’elle te dit. Et tu devrais éviter de trop parler de vos plans avec Kristian devant elle.

— Trop tard, elle sait déjà qu’on a prévu de se voir début juin, se trouble Jenna.

— Ah… et Gwen ?

— Je ne le lui ai pas dit, on a parlé d’Erwan.

— Donc, si vous vous faites gauler — ce que je ne te souhaite pas — tu sauras d’où vient la fuite, en déduit Marjo.

— Super rassurant, tu me remontes vachement le moral là…

— Tout ce que je dis, c’est que la prudence est la mère de la faïence. D’autant que Diana est assez remontée contre toi à cause de Pascal. La dernière fois que je l’ai eue au téléphone, elle m’a confié qu’elle avait de plus en plus de mal avec votre complicité. Franchement, tu devrais faire gaffe. Tu connais Diana aussi bien que moi, quand elle part dans ses délires, elle peut aller très loin.

Jenna déglutit.

— Enfin… de là à me balancer pour Kristian ! Tu ne penses pas sérieusement qu’elle me ferait un truc aussi dégueulasse ?!

— Non. En tout cas, pas de manière préméditée, mais sous le coup de la colère je n’en suis pas aussi sûre. Après, ça n’engage que moi, d’autant que j’aime bien Diana mais on ne peut nier que quand il y a des histoires, elle est dans le coup dans 98% des cas. Souviens-toi de tous les problèmes qu’elle a eu en Italie ou avec les gens de son bled. À chaque fois, elle se présente comme la victime innocente, mais je t’avoue que je commence à avoir des doutes. Je serais curieuse d’avoir le son de carillon des autres. Raison pour laquelle j’évite de trop lui en raconter sur ma vie.

De plus en plus perplexe devant cette avalanche d’avertissements, Jenna l’interroge :

— Il s’est passé un truc que j’ignore entre vous ?

— Non. Mais Vivi m’a raconté certaines choses que Diana lui a dites à notre sujet quand elles étaient super copines et ça n’était pas joli joli…

— Après c’était à l’époque où ne lui parlait plus trop à cause de Lydia, remarque Jenna, donc on peut comprendre qu’elle l’ait eue mauvaise…

— Mouais… des fois je me dis que Lydia n’avait pas tort sur tout, marmonne Marjo. Bref, tout ça pour dire que tu devrais faire attention avec Diana. Je ne l’accuse de rien mais mieux vaut prévenir que soigner.

Après cette dernière sentence, Marjo change de sujet et elles bavardent encore une vingtaine de minutes avant de se quitter sur un « merde pour ton entretien de demain » lancé d’un ton convainquant par Jenna.

Troublée par les nombreux rebondissements de la journée, Jenna met beaucoup de temps à trouver le sommeil, ruminant des pensées empruntes de doutes et d’angoisses.

***

Le lendemain, Jenna repart aux aurores chez ses parents sans avoir revu Diana. Elle y reste deux jours durant lesquels elle se pose beaucoup de questions… Est-ce que Pascal et les Bretons attendent réellement dans l’ombre d’avoir une occasion de la choper ? Ou est-ce une invention de Diana ? Jenna grimace. Elle n’a aucune envie d’accuser Diana de quoi que ce soit sans preuves — surtout après ce qui s’est passé en deuxième année — mais il faut admettre que le discours de Marjo a éveillé ses doutes. Après de longues heures à se prendre la tête le soir dans son lit, elle jette l’éponge. On verra bien, carpe diem !

***

Jenna fait un passage éclair par son studio le vendredi avant de reprendre le train pour aller chez Phil.

Diana lui rend visite. À l’instar des dernières semaines, elle affiche une mine maussade.

— Tout va bien ? lui demande Jenna avec la sensation de marcher sur des œufs.

— Bof… les résultats du CAPES me stressent. Sinon Pascal vient me voir demain, j’espère que ça se passera bien.

— Moi aussi… soupire Jenna à voix haute.

— Pourquoi tu dis ça ? Tu sais un truc que j’ignore ? Il va me larguer ?

Merde ! Pourquoi j’ai dit ça tout haut ?

— Non, je viens de passer la semaine chez mes parents donc je vois difficilement comment je pourrai être au courant de quoi que ce soit, réplique Jenna avec sécheresse. Bon, là-dessus j’y vais sinon je vais louper mon train. Passe un bon week-end.

— Mouais, on verra… tu rentres quand ?

— Mardi, sauf si j’ai un client de dernière minute au centre lundi soir.

***

Le week-end avec Philippe est très calme… les Bretons étant en Bretagne, ils passent leur samedi devant la télévision et vont passer le dimanche chez les parents de Phil où Guy et Clémentine sont également présents. Même si la conversation entre Guy et Phil est toujours aussi laborieuse, le déjeuner se passe bien.

Pendant que Phil est au travail le lundi, Jenna occupe son temps en surfant sur le net. Elle prend des nouvelles de Marjo. Son entretien avec la DRH s’est bien passé, elle est prolongée jusqu’au premier septembre et a bon espoir d’être embauchée en CDI.