Fyctia

Phil ayant pris la peine de l’informer qu’il a eu sa correspondance à Paris et se trouve dans le TGV pour Montpellier, Jenna débarque du train le cœur léger et file chez Kristian. Elle arrive à destination à dix heures tapantes et sonne avec entrain. Kristian lui ouvre et l’enveloppe d’un regard appréciateur.

— J’adore ta tenue, la complimente-t-il en l’embrassant sur la joue. C’est classe et sexy à la fois. Très jolie.

— Merci, tu n’es pas mal non plus, badine Jenna en remarquant qu’il porte le pull reçu pour son dernier anniversaire.

Sur cette entrée en matière, ils s’installent devant une tasse de café et échangent des nouvelles. Kristian ne sait toujours pas où il sera envoyé à la prochaine rentrée et il stresse :

— L’idéal serait que je reste en région parisienne mais j’ai un mauvais pressentiment… Je ne suis pas prioritaire dans les vœux : je ne suis pas marié et je n’ai pas d’enfants.

— Qu’est-ce que Kimberly va faire s’ils t’envoient à l’autre bout de la France ? Elle compte te suivre ? s’oblige à demander Jenna.

— Non, en tout cas, ça n’est pas dans mes projets. Après tout ce n’est que pour quelques mois et elle a un CDI ici. En plus, je serai en internat donc ça serait con qu’elle lâche l’appart et qu’elle déménage aussi.

Si seulement ça pouvait être l’occasion qu’elle rencontre quelqu’un d’autre… souhaite Jenna.

Le café terminé et plusieurs cigarettes fumées, ils passent à l’apéro. Ils sont à leur second verre lorsque la porte d’entrée s’ouvre avec un grincement. Et c’est parti pour le calvaire Sainte-Nunuche… se résigne Jenna en se levant et en affichant un sourire qu’elle est loin de ressentir. Kimberly pénètre dans la pièce, vêtue d’un pantalon informe et d’un cardigan qui ne l’est pas moins. Elle gratifie « mon amour » d’un smack puis se tourne vers Jenna pour lui faire la bise. Ce faisant, son regard glisse sans bienveillance sur sa tenue :

— Toujours aussi élégante, Jen, remarque-t-elle avec une pointe d’hostilité.

Contrairement à toi… Marjo a raison, tu t’habilles comme une femme de quarante ans.

— Merci. Quand je ne bosse pas, j’en profite pour me mettre en jupe, vu qu’au centre, je suis toujours en train de sauter au-dessus des fils des casques ou quatre pattes pour ramasser des trucs, répond Jenna d’un ton ingénu, accompagnant ses paroles de son inaltérable sourire.

Sa répartie fait rire Kristian et il plaisante :

— C’est sûr que si tu te mets à quatre pattes habillée comme ça, ça risque de donner des idées à ton patron.

Le regard de Kimberly se durcit brièvement :

— Mon amour, sers-moi quelque chose au lieu de dire des bêtises.

— Raaa, si on ne peut plus plaisanter… sourit Kristian tout en obtempérant.

— Tu es venue faire le tour des facs, d’après ce que Kristian m’a dit, reprend Kimberly.

— En effet, confirme Jenna. Je veux voir s’il y aura de nouvelles spécialisations à la rentrée. Sinon et toi ? Le boulot, ça va ?

Il va de soi que tout va très bien. Kimberly a de merveilleux collègues et sa patronne est adorable… Sainte-Nunuche dans toute sa splendeur. Je suis sûre qu’elle pète des paillettes. Elle réprime un rire à cette pensée et continue à sourire d’un air affable. Pendant le repas, la conversation vient sur les rêves, Jenna raconte qu’elle en fait des bizarres, ce que renchérit Kimberly.

— Moi, je ne rêve pas, il n’y a que du noir, affirme Kristian.

Jenna s’en amuse :

— À mon avis, c’est juste que tu ne te souviens pas de tes rêves. Mais si tu ne vois vraiment que du noir, tu devrais consulter un spécialiste parce que ce n’est pas normal.

— Tu pourrais prendre Jenna comme psy, suggère Kimberly à Kristian.

Ce n’est pas possible, elle est vraiment bête à ce point-là ou c’est juste un style qu’elle se donne ? s’interroge Jenna tout en riant. La conversation roule ensuite sur le mariage d’Elsa.

— C’est dommage que vous ne puissiez pas venir, fait mine de déplorer Jenna.

— Oui, c’était enfin l’occasion de rencontrer tout le monde, s’agace Kimberly. Et moi, contrairement à certains, j’adore les mariages…

— Ah bah, je ne peux pas, je ne peux pas… ce sera pour le prochain !

Kimberly se tourne vers Jenna :

— Ce sera peut-être toi avec Phil…

— Mmm, je ne suis pas très fan du mariage non plus. Mais si un jour je me laisse convaincre et que j’épouse Phil, je te prendrai comme témoin et tu n’auras pas d’autre choix que celui de venir, plaisante Jenna à l’intention de Kristian.

— Ah bah oui là… admet Kristian après une légère grimace.

— Mon amour, il ne te reste pas une semaine de vacances à prendre ? se rappelle Kimberly. Pourquoi tu ne poses pas des jours pour qu’on puisse aller au mariage d’Elsa ?

— Je préférerais me les faire payer quand je partirai… histoire d’avoir de quoi voir venir en cas de coup dur.

— Raa ce n’est pas pour un jour ou deux, insiste Kimberly.

— Je verrai si je peux, assure Kristian. Mais comme je te l’ai dit, c’est tendu en termes d’effectifs vu la période.

Autant dire tout de suite que tu ne viendras pas, s’amuse Jenna qui n’est pas dupe. Je suis certaine que tu ne vas même pas essayer mais tu diras à Sainte-Nunuche que tu as tout tenté. Et comme elle est aussi naïve qu’une oie blanche, elle va tout avaler sans sourciller. Enfin… façon de parler parce que je doute qu’elle avale autre chose que tes bobards. Elle est bien trop "pure et innocente" pour ça.

Le repas touche à sa fin et après un yaourt en guise de dessert, Kimberly se lève afin de retourner au travail.

— Tu vas à la fac vers quelle heure ? demande-t-elle à Jenna.

— Oh, je vais me bouger pour quinze heures, assure Jenna qui n’a aucune intention de partir.

— Ah, on ne se reverra pas alors, bon bah à la prochaine.

Si ça ne dépendait que de moi, il n’y en aurait pas, peste Jenna tout en lui faisant la bise.

Kimberly partie, Kristian et Jenna s’offrent un petit digestif.

— J’ai de l’eau de vie de poire, propose Kristian.

La conversation roule sur leurs amis communs et ils évoquent la dernière soirée passée chez Jenna.

— Oh moi, je n’ai pas passé une mauvaise soirée, affirme Kristian.

— Eh bien, tu n’es pas difficile ! Sérieusement, reconnais qu’entre Chouchou qui a fait son show et Diana qui n’a pas loupé une occasion d’en rajouter, c’était tout pourri. En tout cas, on ne m’y reprendra plus. C’est la dernière fois que je propose à Chouchou de venir pour lui remonter le moral.

— Raaa, ne dis pas ça la miss, tu ne le penses pas.

— Je t’assure que si ! J’en ai marre qu’à chaque fois que Chouchou vient ça se termine en prise de tête et qu’il finisse par dormir chez moi.

— Non mais si ça pose tant de problèmes, à l’avenir si la situation se représente, tu n’auras qu’à dormir avec Diana et je dormirai avec Chouchou, je m’en fous.