Fyctia

Après un silence embarrassant, Marjo avoue :

— Disons que même si je suis loin de ressentir pour Tom ce que tu éprouves pour Kristian, je comprends mieux ta réaction quand tu as appris qu’il s’installait avec Kimberly… Je n’avais pas mesuré à quel point ça t’a fait mal…

Et ça m’en fait encore, crois-moi…

— C’est la vie… soupire Jenna.

— … et elle est moche, complète Marjo. Bref, c’est tout, c’est comme ça. Sinon, pour changer de sujet et tant que j’y pense : Diana est super remontée contre toi à cause de la soirée de samedi.

— Hein ?! s’ébahit Jenna.

— Je ne t’ai rien dit, précise Marjo, mais elle a mal pris que tu t’isoles avec Gwen.

— Pfff… sérieux ? Gwen était super mal et elle avait besoin de parler ! C’est ma copine aussi et elle a été là pour moi quand j’avais besoin, se sent forcée de se défendre Jenna.

— Oui, mais vu leurs relations tendues, Diana est furax que tu parles plus à Gwen qu’à elle… ou à nous. Elle se sent délaissée et mise de côté.

Jenna soupire.

— Non mais sérieux, elle était avec Pascal, je ne l’ai pas « abandonnée » comme elle dit… En plus, j’ai plus écouté que parlé.

— Je sais, la fortifie Marjo. Mais elle t’en veut… Donc fais gaffe. D’autant qu’elle apprécie moyennement vos conversations boulot psycho avec Pascal… Elle pense qu’il est intéressé par toi.

—N’importe quoi ! s’insurge Jenna. Pascal et moi on a des affinités et on est proches, c’est vrai mais ce n’est que de l’amitié.

— Amicale ?

— En aucun cas. Je ne vois que par Kris. Et Pascal est amoureux de Diana, il le dit lui-même.

— Ouais... on sait. Juste, fais attention à ce que tu fais ma chérie, la prévient Marjo. Tu connais Diana, quand elle s’est mise une idée en tête… Bref, je vais devoir te laisser, je dois me remettre à mes révisions. En plus j’entame les exams avec ce putain d’excecel.

— Ouch… je te dis merde alors ! Bisous.

Contrariée par les avertissements de Marjo, Jenna repose son téléphone sur la table. Sérieux, quoi que je fasse, ça ne va jamais, s’agace-t-elle. Si ça gêne tant que ça Diana que je parle avec Pascal pourquoi elle ne me le dit pas directement au lieu d’aller chouiner sur l’épaule de Marjo ? Pfff, j’en ai vraiment ras la couenne qu'on me prenne la tête pour des conneries !

***

Ainsi mise en garde par Marjo, Jenna est emplie d’appréhension lorsque Diana la rejoint le soir.

— J’ai eu Marjo, annonce-t-elle en guise de préambule. On s’est expliquées au sujet de Chouchou et je pense qu’elle a compris ma position.

— Ah, c’est cool ! approuve Jenna. Et sinon, ça s’est bien passé dimanche avec les parents de Pascal ?

— Hmmm oui… mais j’avoue que j’ai trouvé le déjeuner un peu long et que j’étais soulagée quand l’heure de mon train est arrivée.

Avec l’impression de marcher sur des œufs, Jenna rebondit :

— Ah ?

Diana soupire et s’allume une cigarette :

— En vrai, je ne suis pas sûre que ça dure encore longtemps avec lui. J’en ai un peu marre qu’il ne parle que de son boulot. À croire qu’il n’y a que ça qui l’intéresse ! En plus, moi je n’y connais rien dans le social et samedi soir il y a eu plusieurs fois où je me suis sentie larguée en vous écoutant parler des cas qu’il traite.

Ouille, Marjo a raison, je dois faire gaffe, songe Jenna en percevant une pointe d’agressivité dans la voix de Diana.

— Je suis désolée, Pascal est le seul avec qui je peux un peu parler psycho, alors du coup parfois on se laisse un peu emporter par la conversation.

— Oui, j’ai bien compris que vous avez souvent des grandes discussions… bref. Toujours est-il que j’apprécierais qu’il s’intéresse un peu plus à ce que je fais. Et je commence à en avoir assez qu’on passe systématiquement toutes nos soirées avec ses potes à lui, en particulier les Bretons. Yann est sympa mais elle… pfff ! Je ne peux pas la voir en peinture. Sans parler de sa comédie de samedi pour qu’on s’intéresse à elle, on aurait cru Chouchou, voilà quoi !

Jenna soupire :

— Sans rentrer dans les détails, Gwen était vraiment mal pour des tonnes de raisons, ce qui arrive à tout le monde.

— Si tu le dis… en tout cas, je ne pensais pas que vous étiez aussi proches.

— C’est ma copine et on a des choses en commun, répond Jenna.

— Mmmm, Pascal et moi on la trouve hyper fausse mais c’est toi qui vois.

Après cela, Diana reprend la liste de ses griefs envers Pascal :

— On ne se voit pas assez, il n’est jamais disponible et, quand on se voit, c’est rarement tous les deux. En fait, le seul moment où on se retrouve seuls c’est pour coucher ensemble. Enfin… une fois les interminables préliminaires passés.

En même temps, à chaque fois qu’il vient, tu lui dis de te rejoindre chez moi… songe Jenna.

— Tu en as parlé avec lui ?

— Pfff à ce stade, je ne suis même plus sûre que ce soit la peine de le faire… Qu’est-ce que tu en penses ? Tu crois que je devrais le larguer ?

— Que je préfère ne pas m’en mêler, je n’ai pas envie de te donner un avis radical et que ça se retourne contre moi.

— D’accord… sympa !

— Di, c’est compliqué pour moi, se justifie Jenna. Tu es mon amie mais Pascal aussi et je n’ai pas envie de me retrouver prise entre deux feux. Je comprends que tu aies besoin de parler de votre relation et je suis toute disposée à t’écouter, mais je ne te donnerai pas de conseils parce que je ne serai pas objective.

— Certes… accorde Diana.

Ce point fixé, elles reprennent leur conversation et passent une bonne soirée.

***

L’anniversaire de Marjo se rapprochant, Diana et Jenna ont décidé de partir à la chasse au cadeau le mercredi matin. Ponctuelle, Jenna frappe à la porte de Diana à neuf heures pétantes. Son sourire s’efface en la découvrant encore en pyjama.

— Tu n’es pas prête ?!

— Désolée, j’ai des nausées et du coup je suis hyper à la bourre…

— Oh… mince ! Tu veux que j’y aille sans toi ?

— Non, non, ça va aller… Laisse-moi juste un petit peu de temps pour me préparer, on n’est pas à la minute de toute façon.

Oui enfin moi, j’ai encore mes courses et le ménage à faire… surtout que Phil et les Bretons viennent ce soir.

Réprimant un soupir las, Jenna enlève son manteau et se sert un café pendant que Diana se traîne jusqu’à la douche. Une bonne quarantaine de minutes plus tard, Diana est enfin lavée, habillée et maquillée. Jenna se lève dans l’intention d’y aller mais Diana se dirige vers son évier :

— Je fais juste ma vaisselle, comme ça je serai tranquille pour ce soir…

— OK… grince Jenna dont l’agacement redouble.