Fyctia

Jenna retrouve Phil sans enthousiasme le jeudi… la perspective de « passer à la casserole » selon l’expression consacrée, ne lui procure aucun frémissement anticipé d’excitation et lorsque vient le moment de se coucher, elle traîne les pieds. Les manœuvres d’approche dûment expédiées, Jenna se laisse faire passivement tout en souhaitant que ça aille vite.

***

Le passage de Jenna chez Philippe a duré le temps d’un éclair. Dès le lendemain, elle prend le train pour retourner chez elle afin d’être à l’heure au travail le samedi. Elle a peine posé son sac de voyage sur le lino que Diana tambourine à sa porte.

— Oui ! J’arrive ! s’agace Jenna tout en déverrouillant la porte.

Diana se précipite à l’intérieur :

— Salut ! Tu n’imagines pas à quel point je suis contente que tu sois rentrée ! J’ai passé ma semaine à bosser sur mon mémoire et je n’en peux plus ! Bon OK, j’ai fait la fête chez Hester mardi et j’ai vu Vanessa, mais ce n’est pas pareil. Au fait, c’était bien chez tes parents ?

Jenna lui assure que oui tout en défaisant ses bagages.

— Sinon quoi de neuf ? Tu as eu des nouvelles des gens ? interroge-t-elle Diana.

— Ah… justement, j’allais t’en parler. J’ai téléphoné à Marjo lundi soir…

— Et ?

Diana inspire puis lâche d’une voix pincée :

— On ne peut pas dire que cela se soit super bien passé… Elle a été encore plus froide qu’un glacier et j’ai clairement senti que mon appel la faisait chier.

— Je ne comprends pas… vous vous êtes disputées ?

— Non mais Chouchou a passé le week-end avec elle et visiblement, il s’est plaint de l’accueil qu’on lui a réservé. Ah et Marjo m’a reproché qu’on ne se soit pas occupées de son cadeau d’anniversaire et elle a dit qu’elle allait lui acheter un truc et qu’elle nous dirait combien on lui doit.

Bouche ouverte, Jenna fixe Diana :

— Hein ?! Mais…

— Non, elle ne nous demande pas si on veut mettre. On est obligées de participer, confirme Diana.

— Elle n’est pas vite gênée ! Si elle veut tant que ça offrir un truc à Chouchou, elle n’a qu’à lui faire un cadeau personnel !

— Ah bah, je te laisserai lui dire… perso je m’en suis pris plein la gueule parce qu’on a soi-disant été désagréables avec son Chouchou donc c’est ton tour.

Les deux copines passent le reste de la soirée à commenter l’incident diplomatique. Jenna conclut :

— Il commence à me gonfler avec ses pleurnicheries le Chouchou !

Jenna travaillant le lendemain, elles se quittent vers vingt-deux heures.

***

C’est le jour de l’anniversaire de Kristian et après sa matinée de travail, Jenna lui téléphone. Les sonneries s’égrènent et elle soupire lorsqu’elle bascule sur la messagerie.

— Joyeux anniversaire le plus beau ! Je te souhaite plein de sexe et de petites pipes pour tes vingt-huit ans ! Je t’embrasse partout où tu veux, termine Jenna.

Lorsqu’elle retrouve Diana pour le déjeuner, celle-ci s’émeut d’avoir zappé le jour de Kristian.

— Je vais lui envoyer un texto, décide-t-elle. Un truc un peu salace, tiens…

Il faut admettre que Diana est créative, Jenna se tord de rire en le lisant :

• Il y a vingt-huit ans naquit un très joli bébé qui devient de plus en plus beau et un bel étalon dont rêvent toutes les femmes. Bon anniversaire et de nombreuses chevauchées.

Quelques secondes plus tard, Jenna reçoit un message de Kristian :

• Merci beaucoup. Te rappelle lundi car finalement je ne travaille pas.

— Oh merde, la boulette ! s’exclame Jenna.

Dans ses petits souliers, Diana rougit :

— Ouch… du coup mon message était peut-être un peu limite… j’espère qu’elle ne l’a pas intercepté sinon Kristian va m’en vouloir.

— Ne t’en fais pas, la rassure Jenna. Kris est un malin. Dans le pire des cas, il dira que c’est une blague entre vous et je confirmerai la prochaine fois que j’irai chez eux.

— C’est fou ce que vous êtes doués pour ça… Sinon Pascal vient ce soir, Phil et toi vous venez prendre l’apéro avec nous ?

— Oui si tu veux, sourit Jenna. Bon, ce n’est pas tout ça mais j’ai des cassettes de chants grégoriens à passer et des parties de UNO à jouer. À toute !

***

Par pitié que quelqu’un appuie sur le bouton stop ! songe Jenna quelques heures plus tard tandis que Pascal leur narre une anecdote interminable où il a réussi à sauver une situation désespérée alors qu’aucun de ses collègues, pourtant plus expérimentés que lui, ne savait quoi faire.

— Et je ne parle même pas de la psy ! ajoute Pascal. Franchement, ceux-là ils sont vraiment payés à ne rien faire.

Jenna ouvre la bouche pour répliquer mais il ne lui en laisse pas le temps :

— C’est comme la semaine dernière, j’étais avec deux gamins…

— Quelqu’un veut un autre verre ? intervient Diana. Moi oui.

— On va peut-être y aller… commence Phil.

— Roooo il est encore tôt, le coupe Diana qui n’a visiblement aucune envie de se retrouver seule spectatrice du « Pascal Show ».

Solidaire, Jenna accepte de prendre un autre verre et Phil suit le mouvement, avant d’interroger leur hôtesse :

— Sinon, et toi Diana, ta soutenance ? Tu as une nouvelle date ?

Surprise de cet intérêt, Diana repose son verre :

— Euh… pas encore. Mais ça ne saurait tarder.

— Au bout de quatre ans, il serait temps, ironise Pascal.

Les yeux étincelants de rage contenue, Diana se tourne vers lui :

— Ce n’est tout de même pas de ma faute si ma directrice de mémoire a eu une péritonite et s’est retrouvée à l’hosto deux jours avant ma soutenance !

— Non, concède Pascal. Mais tu ferais mieux de laisser tomber toutes ces conneries de préparation au concours et de chercher un vrai travail.

— Passer le CAPES, ce n’est pas rien, le contredit Phil. Si Diana l’obtient, elle sera fonctionnaire et aura la sécurité de l’emploi. Je trouve que tu as raison de bien te préparer.

Hein ? Il prend le parti de Di ? Non mais je rêve là, j’ai du mal entendre ! Ah bah tu m’étonnes qu’elle l’aime bien !

— Pffff, rétorque Pascal.

— Tu dis ça parce que tu n’as pas fait la fac, le tance Phil. Perso, je serais super content si Jenna se bougeait un peu plus et faisait une prépa concours aussi.

Et voilà, ça me retombe encore sur le coin de la gueule alors que je n’ai rien dit !

— Je fais un DU et je bosse pour étoffer mon dossier de demande de DESS ! se défend-elle.

— Je sais ma chérie, répond Phil. Mais j’aimerais que tu penses à un plan B au cas où ça ne marcherait pas.

— Il n’a pas tort, observe Diana.

Sale traîtresse !

— Sinon, Pascal tu disais quoi déjà au sujet des deux gamins de la semaine dernière ? l’interroge Jenna d’une voix sucrée.

Bien fait, ça vous apprendra à vous liguer contre moi ! ricane-t-elle tandis que Pascal reprend son histoire au grand dam de Diana et Philippe.