Fyctia
Neige, verglas et tatouage P2
Jenna explose de rire à leur plaisanterie habituelle :
— Ce que tu peux être un nain de jardin quand tu t’y mets ! Tu n’arrêteras jamais avec cette bêtise ?
— Jamais, confirme Greg. Après tout, l’espoir fait vivre !
— Et l’attente fait mourir, souligne Jenna.
— C’est pour ça que tu devrais te bouger et prendre les choses en main. Même si j’imagine que tu les as déjà bien palpées voire plus, plaisante Greg avant de reprendre son sérieux : Mets Lopez au pied du mur et vois ce qui se passe. C’est un coureur mais il ne s’est jamais autant accroché à une fille et crois-moi, j’en ai vu défiler ! Généralement, il couche deux ou trois fois avec elles et passe à une autre. S’il reste avec toi, c’est qu’il y a plus que du cul entre vous.
— Ou que je suis exceptionnellement douée, ironise Jenna, riant jaune.
— Néhein arrête, là j’ai des regrets…
— Grégory ! Tu vas être papa je te rappelle !
— Raaaa je plaisante… enfin, tu m’appelles quand tu veux, s’esclaffe Greg. Plus sérieusement : Jen, si c’est Lopez que tu veux — même si je ne comprends pas ce que tu lui trouves — fonce et dis le lui. Si ça se trouve, il n’attend que ça.
— Pfff tu parles, il m’a dit texto qu’il était incapable de quitter Kimberly.
— Nébeh, en même temps, il dit beaucoup de conneries… Je pensais que tu t’en étais rendue compte.
Jenna rit de bon cœur à ce jugement non dénué de vérité avant de d’objecter :
— Tu oublies Hélène… il est resté des mois avec elle. Cela casse ta théorie des filles éphémères.
— Nehein, tu veux dire « ersatz Jenna » ? On sait tous pourquoi il est sorti avec elle ! Elle essaie de te ressembler, elle t’imite, mais elle ne te vaut pas. Elle trop fausse et artificielle. Pour t’expliquer, Hélène c’est comme une sous marque ou un médicament générique.
— Greg… rougit Jenna. Je sais ce qu’est un ersatz, j’ai fait de l’allemand aussi. Mais franchement, je pense que tu te trompes. Il était sincère avec elle et il se tenait à carreau quand ils étaient ensemble.
— Parce que son seul but en sortant avec elle était de se rapprocher de toi et de te montrer qu’il avait changé.
— Tu n’en sais rien…
— Néhein, en fait… Euh… désolé, je n’en dirai pas plus. Solidarité entre couilles, justifie Greg. En tout cas, je vous souhaite de ne pas laisser passer votre chance. Maintenant que je suis avec Alice, je peux te dire qu’il y a une différence entre les filles d’une nuit, les filles d’une vie et les filles nostalgie. Même si c’est dur de dire adieu à un amour de jeunesse, il suffit parfois d’un signe.
— Mmmmm… répond Jenna, peu convaincue.
La voix d’Alice s’élève en arrière-plan et Jenna sourit en entendant Greg bafouiller qu’il arrive.
— Arrête de t’inquiéter de ma vie et va t’occuper de ta femme et de ton futur bébé, conseille-t-elle. Je suis vraiment heureuse pour Alice et toi.
— Merci. N’hésite pas à m’appeler… en tant que futur amant, il est normal que je sois là pour toi !
Jenna glousse et ils échangent des promesses de garder le contact avant de se quitter.
Dix minutes après Greg, c’est au tour de Marjo de téléphoner à Jenna. Fidèle à sa promesse, Jenna répand la bonne nouvelle de Greg.
— Ah. OK. Et donc, il t’a demandé de nous le dire. Genre, il s’en fout tellement de nous que ça lui arracherait la gueule de nous faire un texto pour nous dire qu’il lui a mis un guignol dans le tiroir ? Sympa.
— Raaa il ne pensait pas à mal ! Et puis je te rappelle qu’hormis Chouchou et moi, aucun de vous n’est venu à son mariage même s’il vous avait invités donc ça se comprend qu’il ne vous appelle pas.
— Pffff on dira ça. En vrai, Alice est gentille et sans doute jolie dans son genre, mais je n’ai jamais trop compris ce qu’il lui trouvait. Enfin, c’est une fille d’agriculteur et, comme il a toujours prédit, il s’est marié avec une fille qui a des terres, persifle Marjo.
Jenna lève les yeux au ciel.
— Tant qu’il est heureux, c’est tout ce qui compte. Sinon, ton Nouvel-An raclette avec Sylvie ?
— On n’est pas sorties mais c’était super sympa !
— Génial.
Après cela, leur discussion se meurt rapidement et Jenna raccroche avec un soupir.
***
Jenna travaille et retrouve Phil. Ils vont au resto. Pendant le repas, elle lui fait part de la grande nouvelle de Greg. Celui-ci commente avec une pointe d’acidité :
— Bah oui, c’est la suite logique. Ils sont ensemble depuis quelques années, ils vivent tous les deux, ils sont mariés donc rien d’étonnant.
— Ce n’est pas si évident, argue Jenna. Regarde : Kris et Kimberly sont ensemble depuis plus longtemps et pourtant ils ne procréent pas. Même si elle en rêve.
Phil se crispe un peu plus.
— Ah bah si Kristian n’est pas pressé d’avoir des enfants, personne ne doit l’être.
— Je dis juste que ce n’est pas parce que deux personnes sont en couple depuis des années qu’ils doivent forcément avoir un bébé. Comme on dit avec Kris, il faut déjà construire sa vie avant.
— C’est sûr que si vous vous remontez l’un l’autre… peste Phil de plus en plus électrique à chaque mention de Kristian.
À la lumière de sa réaction, Jenna change prudemment de sujet et ils passent une fin de repas agréable.
De retour chez Jenna, ils sacrifient au rituel câlin avant de se coucher.
***
Le samedi, Phil dépose Jenna au travail pour huit heures et va se recoucher. Ils se retrouvent pour déjeuner avant de se séparer : Phil doit rentrer chez lui pour sa grande soirée de rentrée réunissant les absents de la Saint-Sylvestre, à commencer par les Bretons et Ben quant à Jenna, elle travaille tout le week-end.
Lorsque Jenna quitte le centre le soir peu après six heures, une désagréable surprise l’attend : il a neigé tout l’après-midi et un épais manteau blanc recouvre la ville. Serrant frileusement son manteau autour d’elle, Jenna peste entre ses dents et se traîne jusqu’à l’arrêt de bus le plus proche. Là, c’est une nouvelle déconvenue…
— En raison des intempéries neige et verglas, toutes nos lignes sont suspendues, lit-elle avec consternation. Putain de merde !
Comme cela ne suffisait pas à son malheur, la neige recommence à tomber. Jenna enfonce son béret en laine sur son crâne avant d’entreprendre la longue marche menant à son appartement. Sa progression rendue difficile par la neige, elle met trois bons quarts d’heure pour rentrer chez elle. Je hais cette saloperie de neige, se répète-t-elle tout en avançant.
Spoiler alert : cela restera une constante tout au long de son existence… Quand d’autres se réjouiront de voir tomber la neige parce que « ça fait Noël », Jenna pestera contre ce qu’elle appelle « la merde blanche ».
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