Fyctia

Jenna retient à grand-peine un hoquet de surprise en découvrant une jolie trentenaire brune et élégante. Eh bien mon Dahu… il ne s’ennuie pas le vieux cochon. La mère d’Elise paraît aussi stupéfaite qu’elle, puis se reprend.

— Ah, tu dois être la nouvelle, Vanessa, c’est ça ?

— Non, Jenna.

— Mince je me suis trompée… Je suis Sophie, la maman d’Elise. On sera sans doute amenées à se croiser, je donne des cours d’anglais ici, explique-t-elle. Elise, dépêche-toi de mettre ton manteau, je suis pressée.

— Mais Jenna a dit que je devais ranger le jeu…

Sophie se tourne vers Jenna.

— Tu peux t’en occuper ? Je n’ai pas vu le temps passer pendant mon shopping et je suis très très en retard.

Comme si j’avais le choix, grince Jenna en confirmant d’un signe de tête.

— Super, merci Jenna. Allez Elise, tu fais un bisou et on y va !

Elise obtempère et se tourne vers sa mère :

— On s’est bien amusées avec Jenna.

— Tant mieux, répond Sophie d’un ton indifférent. Allez, tu me raconteras tout ça dans la voiture… Jenna, je te laisse fermer, bonne soirée.

Sur ces mots mère et fille s’éloignent d’un pas pressé et Jenna cligne des yeux, interloquée. Non mais c’était quoi ce plan ?

***

Hormis sa matinée de travail du dimanche, Jenna passe le reste du week-end en compagnie de Diana. Celle-ci file de nouveau le parfait amour avec Pascal et n’a que son prénom à la bouche.

Phil téléphone à Jenna en fin de journée : sa pendaison de crémaillère s’est bien passée même s’il a très très mal au crâne et que Gwen s’est retrouvée sans compagnie féminine, Isabel et Candice ayant déclaré forfait. Après quelques minutes de bavardages, ils promettent de se rappeler dans la semaine pour caler leurs prochaines retrouvailles.

***

Jenna repart chez ses parents le mardi après son travail. Elle profite du trajet de train pour téléphoner à Christine afin de lui donner ses horaires du lendemain et de faire le point sur les progrès de leurs jeunes clients. Après avoir bavardé quelques minutes et assuré à Christine que tout allait bien, Jenna aborde le sujet qui la taraude :

— Par contre, j’ai été un peu surprise samedi après-midi…

— Ah ! la coupe immédiatement Christine. Laisse-moi deviner, LSD t’a fait le coup de la nounou ! Il t’a laissé la petite peste sur les bras sans te donner le choix et bien sûr Sophie est venue la chercher des plombes après le départ de Michel.

— Euh… oui. Par contre LSD ?! s’étonne Jenna.

— Louis-Sébastien Dahu, rit Christine. LSD quoi !

Jenna s’esclaffe à son tour.

— Sérieux, ses parents avaient le sens de l’humour.

— Hmmm à mon avis, le LSD a été inventé après sa naissance, persifle Christine. Bref, désolée j’aurais dû te prévenir pour Elise. En fait, comme elle passe son temps à faire du shopping avec ses copines et qu’il va à son club de golf ou je ne sais où, bah ils la laissent régulièrement au centre. Ça leur coûte moins cher que d’engager une baby-sitter vu ce qu’il nous paye.

— OK… je comprends mieux…

— Ça a été avec elle ? s’inquiète Christine. Je t’avoue que j’ai du mal, elle sait que son père est le directeur et ne se prive pas de le rappeler à tout bout de champ.

— Oui, j’ai vu, elle m’a pété une durite à cause d’un jeu de l’oie et j’ai dû la recadrer.

— Quelle peste… commente Christine qui a de toute évidence une sacrée dent contre la gamine.

***

Jenna profite de son séjour chez ses parents pour lire et se reposer. Phil l’appelle le lendemain de son arrivée et à la stupeur de Jenna, il offre de venir la rejoindre pour le week-end.

— Euh… OK… bredouille-t-elle.

— J’arriverai pour dix-sept heures vendredi, j’ai posé mon après-midi, précise-t-il.

Son appel terminé, Jenna rejoint ses parents dans le salon.

— Changement de programme, annonce-t-elle. Phil vient pour le week-end donc je reste ici.

— Pfffff, soupire sa mère. Euh… je veux dire, il arrive quand ? Parce que là, je dois faire mes menus et du coup on va devoir aller aux courses.

— Après-demain, en fin d’après-midi, répond Jenna.

La mère de Jenna retient un nouveau soupir puis :

— Bon, je vais faire un spaghetti bolognaise pour le vendredi, des steaks-frites et de la salade pour le samedi midi, des endives au jambon pour le soir — ah non c’est vrai, il n’aime pas les endives…

— Non mais Maman ne te casse pas la nénette, intervient Jenna. Il mangera ce qu’il y a !

— Ah bah si, je n’ai pas envie de l’entendre encore critiquer, peste sa mère. Daniel, une idée ?

— Hein ?! réagit le père de Jenna en relevant le nez de son livre.

— Non, bien sûr ! s’agace sa mère. Une quiche lorraine avec une salade de tomates, ça ira ça ?

— Euh oui… bredouille Jenna, dans ses petits souliers.

— Et une pintade aux pommes et au cidre avec du riz pour le dimanche midi. Ça j’ai déjà fait et il a bien aimé.

— Moi, je n’aime pas trop le sucré salé, proteste le père de Jenna.

— Tu n’auras qu’à manger tes pommes à part, rétorque sa moitié. Pour le dessert, je vais faire un gâteau au chocolat, des flans à la banane, des pruneaux au vin de Cahors et… tiens une tarte aux pommes ! J’en ai un sac plein à la cave. Voilà, c’est plié. Ah non, mince il manque les entrées.

— Maman, ce n’est pas obligé… je t’assure, tu te prends trop la tête. De toute façon, quoi que tu fasses, il ne sera jamais content, ironise Jenna.

— Oui, tu as raison, je vais plutôt faire des gros plateaux apéros avec des chips bien gras comme il aime, décide sa mère. Et je mettrai des tomates cerises et des dés de fromage pour nous.

— Tu pourrais faire des toasts avec des œufs de lump, suggère le père de Jenna.

— Raaa non, il n’aime pas ça !

— Mais nous oui, relève Jenna.

— On verra… sinon quoi d’autre ? réfléchit la mère de Jenna.

Sybil miaule bruyamment à cet instant et elle soupire :

— Ah oui… il y a ça aussi. Bon bah vous me ferez penser à allumer le chauffage dans le grenier vendredi midi.

— Non mais c’est bon là, s’énerve Jenna. Je ne vois pas pourquoi tu relègues systématiquement les chats au grenier quand monsieur Phil daigne venir !

— Pour l’entendre geindre qu’il y a des poils de chats dans son assiette ? Non merci ! Je préfère encore payer le chauffage ! En même temps, quelle idée de venir en plein hiver alors qu’on ne l’a pas vu de tout l’été… enfin, c’est Philippe, il ne faut pas chercher à comprendre. Bon on se prend un apéro avant que la ligue anti alcoolique soit là ? Même s’il ferait mieux de se regarder avant de critiquer les autres !

— Rooo Maman, tente mollement Jenna.

— Quoi ? Ce n’est pas l’un de nous qui était tellement bourré qu’il a explosé son dessert sur le carrelage. Des soufflés minute qui m’avaient pris un temps fou, peste-t-elle, toujours pas remise de l’incident.

— C’est bien pour ça que je te dis de ne pas te mettre la rate au court-bouillon pour lui !

— Tu as raison. Tu auras beau donner de la confiture à un cochon, ça restera un cochon ! professe la mère de Jenna tout en servant l’apéritif.

— On va passer un bon week-end, conclut son père.

— Oh toi, n’en rajoute pas ! s’agace sa femme.