Fyctia
Rien ne va plus P2
Dès que Phil part au travail le lendemain, Jenna envoie un message à Kristian.
La matinée se passe sans réponse de Kristian, ce qui plonge Jenna dans les affres de l’angoisse.
Alors qu’elle s’attèle à la préparation de la sauce cocktail accompagnant la salade de pâtes qu’elle a prévu pour le déjeuner, son téléphone sonne enfin.
C’est Diana.
— Marjo m’a appelée hier soir… je te préviens tout de suite, elle a super mal pris ton texto lui annonçant que tu venais quand même.
Jenna met le haut-parleur et répond tout en mélangeant ketchup et mayonnaise.
— Oui bah tant pis pour elle ! Elle ne fait aucun effort de son côté donc je ne vois pas pourquoi je devrais me plier en quatre pour la voir.
— Jen, je t’assure qu’elle avait vraiment l’air mal et déçue.
Jenna soupire tout en dosant le whisky, ingrédient essentiel de la sauce.
— OK… bon là j’attends que Kris me confirme, vu qu’il ne m’a toujours pas répondu. Mais si je descends, je proposerai à Marjo qu’on se retrouve pour boire un café avant que je reprenne mon train. Par contre, si elle ne peut pas, j’arrête les frais, prévient Jenna.
***
Kristian lui téléphone vers quatorze heures. Soulagée, Jenna se rue sur le téléphone.
— Salut la miss ! Désolé pour hier, j’étais vraiment en plein rush au boulot et elle m’avait pris la tête dès le réveil. Comment elle va ? Tu as toujours mal aux dents ?
— Non, je n’ai plus mal, sourit Jenna. Par contre, c’est laborieux avec les fils.
— Ah ? Si tu as besoin d’une rééducation de la mâchoire, je suis tout à fait prêt à t’aider !
— C’est trop gentil, ton abnégation me va droit au cœur, pouffe Jenna.
— Ah bah je ne peux pas te laisser comme ça !
Jenna rit de nouveau.
— Sinon tu as préparé ta petite valise ? reprend Kristian. J’espère que tu as prévu des sous-vêtements alléchants…
— Ce que tu peux être obsédé !
— Non, gourmand… j’ai hyper envie de toi. Je t’imagine déjà nue devant moi avec juste ton porte-jarretelles et tes bas… Rien que d’y penser, je bande comme un fou.
— Euh… mitige Jenna. Vu que je pars de chez Phil, il serait de bon ton que j’évite la lingerie coquine.
— Ah. Tu es encore chez lui. Je pensais que tu étais à ton appart.
— Bah non, vu qu’on ne s’est pratiquement pas vus depuis quinze jours, entre mon CDD et mon opération, je passe la semaine chez lui.
— Oui, c’est logique… Il n’a rien dit sur le fait que tu viennes me voir ?
— Non t’inquiète, le rassure Jenna. Et de ton côté ?
— Oh bah…je lui dirai demain matin…
— Raaaa Kris !
— C’est bon, je t’assure, elle est calmée. Elle est toute contente de nos vacances là.
Jenna peste entre ses dents, agacée par son insouciance.
— Tu devrais faire plus attention...
— Mais non, je la connais ! Je gère, ne t’en fais pas.
Tu gères, tu gères, c’est vite dit… doute Jenna.
— Sinon, demain je compte sur toi pour te mettre sur mon cas d’entrée parce que j’ai un gros besoin d’affection, explique Kristian.
Jenna rit malgré elle et ils badinent un bon moment avant de se quitter, s’avouant tous les deux impatients de se retrouver.
Après cette conversation qui l’a mise de bonne humeur, Jenna envoie un message à Marjo.
***
Lorsqu’il rentre du travail, Phil est d’humeur coquine.
— Pourquoi tu n’essaierais pas les bas blancs qu’on a acheté la dernière fois ? suggère-t-il à Jenna.
Même si elle n’en a aucune envie, Jenna feint l’enthousiasme afin de tuer dans l’œuf d’éventuels soupçons…
***
Le lendemain matin, Philippe traînasse tant et si bien que Jenna arrive à la gare trois minutes avant le départ de son train.
— J’attends un peu au cas où tu le louperais, lance Phil tandis qu’elle jaillit de la voiture après un smack rapide et se précipite vers la gare.
Heureusement pour Jenna, le train est au départ quai un et elle monte dans un wagon quelques secondes avant la fermeture des portes. Ouf !
Une fois installée, elle compose un message à l’intention de Phil pour lui dire qu’elle a réussi à avoir son train.
***
Durant le voyage, Jenna tue le temps en écrivant dans son journal. En dépit de son pull et de sa jupe longue vert pastel symbolisant l’espoir, Jenna est stressée. Cela fait un moment que Kristian et elle ne sont pas vus et elle rumine en boucle les mêmes interrogations.
Pourquoi a-t-il autant insisté pour que je vienne ? Et s’il voulait me voir pour mettre un terme à notre relation ? De toute manière, je ne comprends pas pourquoi il continue à m’appeler alors qu’il est avec l’autre ! Il n’arrête pas de se plaindre de Kimberly et de leur petite vie étriquée, mais c’est bien lui qui l’a choisie, non ? En plus il dit ouvertement qu’il a des sentiments pour elle.
S’il l’aime tant que ça, pourquoi il ne me laisse pas tranquille ? Qu’est-ce que je suis exactement pour lui ?
Raaa ce n’est pas possible, les autres ont raison… il faut qu’on parle, sinon il va finir par me rendre complètement folle !
La voix désincarnée de la SNCF annonçant l’arrivée en gare la sort de sa fièvre rédactionnelle et elle referme son journal d’un mouvement sec.
***
Il est dix heures tapantes lorsque Jenna sonne à la porte de Kristian. Lorsqu’il lui ouvre, il affiche son éternel sourire radieux et est séduisant en diable. Le cœur de Jenna loupe un battement lorsque ses yeux croisent ceux de Kristian et elle sourit, heureuse de le revoir. Son parfum, toujours le même, flatte les narines de Jenna tandis qu’il se penche pour lui faire les quatre bises traditionnelles et elle se rappelle avec un pincement au cœur des remarques perfides de Marjo et Diana sur le fait qu’ils ne s’embrassent jamais pour se saluer, même lorsqu’ils ne sont que tous les deux. On est loin du « on va se sauter dessus dès ton arrivée » dont il parlait hier… songe-t-elle, désemparée.
— Ça va ? s’inquiète Kristian devant sa mine brusquement assombrie.
— Oui, oui, assure Jenna à la hâte. Juste un peu fatiguée, je n’ai pas beaucoup dormi la nuit dernière.
— Ah bah, il faut arrêter de faire des folies de ton corps ! lance Kristian avec une pointe d’acidité. Moi, je suis en pleine forme !
— Tu es toujours en pleine forme, sourit Jenna.
— Ce n’est pas faux… Café, la miss ?
Jenna opine tout en s’asseyant sur son siège habituel. Tandis que Kristian s’active dans la cuisine afin de servir les tasses, elle pose son regard sur le monceau de bibelots qui encombre la pièce. Comment veux-tu que je parle de notre relation à Kristian alors que l’autre est partout ? dialogue-t-elle avec elle-même.
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