Fyctia

Phil est occupé à laver la partie chambre lorsque Jenna, son nettoyage terminé, rejoint le canapé et attrape son livre de cuisine.

— Je vais tenter un poulet basquaise pour demain, explique-t-elle tout en commençant sa liste de courses. Cela n’a pas l’air trop compliqué. Et un gâteau au chocolat pour le dessert.

— Au fait, j’ai vu avec mes parents, on ira prendre le café chez eux pour qu’ils se rencontrent, déclare Phil depuis sa serpillière.

— Euh… tu es sûr que c’est une bonne idée ? doute Jenna.

— Bah oui pourquoi pas ? Bon, tes parents sont un peu spéciaux, mais il n’y a pas de raison que ça se passe mal.

C’est surtout qu’ils n’ont rien en commun avec les tiens…

— Si tu le dis…

— Raaa ça fait plus de cinq ans qu’on est ensemble, il est temps qu’ils fassent connaissance !

L’argument se tient et Jenna ne trouve rien à lui opposer même si elle n’est guère emballée par la perspective.

***

Le ménage fait et le sol sec, ils partent faire les courses. Dans les rayons de la grande surface, ils rencontrent Pat et Jeff. Ravis de l’occasion, ils vont boire un verre ensemble après être passés en caisse. Les deux inséparables vivent désormais en colocation et semblent bien partis pour devenir des célibataires endurcis. Comme le professe Jeff :

— Les filles c’est trop casse-couille. Au moins, avec Pat, on ne se prend pas la tête !

— En plus, comme ça on peut passer toutes nos soirées à jouer à FIFA, renchérit Pat.

Phil et Jen échangent un regard et elle glousse :

— Alors dans ce cas… si vous pouvez jouer à la console non-stop, les femmes s’inclinent !

Cette petite pause terminée, Phil et Jenna repartent chez lui. Après avoir rangé les courses, Phil s’installe devant la télé pendant que Jenna se lance dans la confection de son gâteau. Elle a à peine commencé que Mike gratte à la porte. Putain, il n’a pas d’autre ami celui-là ? songe Jenna tandis que Phil lui ouvre la porte.

— Ah… tu es là, grimace Mike en l’apercevant.

— Comme tu vois. Excuse-moi, je te dis bonjour de loin, je suis en pleine pâtisserie, lance Jenna afin d’éviter d’avoir à lui faire la bise.

Phil tend une bière à Mike et ils s’installent tous les deux dans le canapé tandis que Jenna poursuit son gâteau. Une fois celui-ci au four, elle prend son temps pour faire la vaisselle et nettoyer le plan de travail. Mike, le nez en l’air, renifle.

— Mmmm ça sent bon ça ! J’adore le gâteau au chocolat…

— Désolée mais c’est pour demain, le coupe Jenna d’un ton sec. Personne n’y touche.

— Les parents de Jen viennent manger, explique Phil.

Mike s’attarde aussi longtemps qu’il le peut puis se lève à regret.

— Bon bah… je vais aller manger… vous faites quoi ce soir ?

— On a prévu de se coucher tôt, devance Jenna. Pascal et les Bretons sont restés jusqu’à quatre heures du mat et je suis claquée à cause de mes dents de sagesse.

Phil, lui aussi fatigué, ne la contredit pas. Et, effectivement, ils se couchent vers vingt-trois heures après un bref câlin.

***

Le déjeuner avec les parents de Jenna est une réussite même si la mère de Jen y va de son petit commentaire :

— C’est dommage que tu n’aies pas mis assez d’épices, du coup ton poulet basquaise est fade.

— Oh ? Moi, je trouve ça bon, remarque son père.

— Je n’ai pas dit que ce n’était pas bon mais fade ! En fait, tu aurais dû…

Jenna soupire tandis que sa mère lui détaille en long, large et travers sa recette du poulet basquaise, mettant l’accent sur ce qui manque et la manière dont elle aurait dû procéder.

— Bon, après tout le monde sait que je ne suis pas la reine des fourneaux ! s’agace Jenna au bout de dix minutes.

— Oui mais ça s’apprend, rétorque sa mère.

— Sinon, tes dents ça va mieux ? demande son père afin de changer de sujet.

— Non. Je revois le dentiste demain, j’espère qu’il n’y a pas de problème.

Le gâteau au chocolat — un peu trop sucré « enfin Jenna, tu n’as quand même pas mis tout ça de sucre !? Pour faire un bon gâteau, il faut… » — terminé, ils prennent la route pour aller chez les parents de Phil.

***

Les présentations se passent relativement bien même s’il est vite évident que les deux familles n’ont absolument rien en commun… Le père de Phil évoque son amour pour la chasse alors que la mère de Jenna milite pour la protection des animaux. Le père de Jenna choisit cette occasion pour faire profiter tout le monde de ses opinions politiques très à gauche et la mère de Phil professe fièrement être encore moins douée pour la cuisine que Jenna.

— Moi, je trouve qu’elle cuisine bien ! lance-t-elle en riant à la mère de Jenna.

— C’est dingue que vous puissiez prendre votre retraite dans deux ans ! lâche le père de Phil à l’intention de celui de Jenna.

— Daniel a commencé l’usine à quatorze ans, déclare la mère de Jen. Il a assez donné.

— Et vous, vous n’avez jamais travaillé ? s’étonne la mère de Phil. Alors là, moi je n’aurais pas pu. Même avec trois enfants, c’était hors de question que je passe ma journée enfermée à la maison.

— Ah bah… chacun son choix, riposte la mère de Jenna. Sinon, vous lisez quoi en ce moment ?

Oups… songe Jenna avec désarroi. Dans sa famille, le sujet est un grand classique attendu que ce sont tous de grands lecteurs mais ce n’est pas le cas des parents de Phil qui semblent totalement désarçonnés par la question.

— Euh… chez nous, on n’est pas trop bouquin, intervient Phil.

Ses parents s’esclaffent.

— Ce n’est pas faux, on préfère regarder la télé mais maintenant on sait pourquoi Jenna passe son temps le nez fourré dans les livres, rebondit son père.

La mère de Jenna ouvre la bouche et la referme aussi sec. Le chien de la famille qui — ironie du sort se prénomme Molly ce qui a toujours amusé Jenna— choisit cet instant pour débouler dans le salon, se ruant sur les parents de Jenna pour les renifler.

— Rien de tel qu’un bon chien ! C’est fidèle, affectueux, ça c’est une bonne bête ! vante le père de Phil en tapotant la tête de Molly. Et puis, c’est utile.

La mère de Jenna fait la moue.

— Je n’ai rien contre les chiens, mais je préfère les chats, c’est plus indépendant.

— Raaa non ! Rien de plus sournois qu’un chat ! rétorque le père de Phil.

La mère de Jenna ouvre la bouche pour riposter mais Jen lui fait les gros yeux.

— Chacun ses goûts… lâche-t-elle finalement.