Fyctia

La soirée est un véritable supplice pour Jenna… même si la conversation reste sur des sujets anodins tels que le cinéma, la musique et les soirées les moins débridées passées à la grande époque de la fac, il est vite évident que Kristian ne s’adresse qu’à Kimberly. Il ne la lâche pas des yeux, une attitude qui rappelle douloureusement à Jenna celle qu’il a avec elle lorsqu’il vient la voir. Quant à Kimberly, elle est tout sourire et se rengorge, sa main posée sur le bras de Kristian dans un geste possessif. Autant dire que lorsque Marjo donne le signal du départ vers minuit, Jen ne se fait pas prier pour attraper ses affaires.

Pendant que Marjo et Kimberly se font la bise, Kristian se penche vers Jenna.

— Tu m’appelles quand tu rentres de vacances, lui glisse-t-il à l’oreille, sa main effleurant brièvement sa taille.

Jenna hoche la tête et ajoute :

— Merci pour tout.

Un petit sourire se forme sur les lèvres de Kristian à sa réponse et il salue Marjo.

— Rentrez bien les filles.

— Oui, oui, à demain Kimberly !

***

Marjo se tourne vers Jenna dès qu’elles sont à l’extérieur de l’immeuble :

— Qu’est-ce qui t’a pris de lui proposer de venir faire les boutiques avec nous ?

— C’est Kris qui m’a demandé de l’inviter, il avait peur qu’elle reste toute seule, vu qu’il bosse.

— Ah… et comme toujours, tu te plies en six pour lui faire plaisir. Tu aurais pu m’en parler avant.

— Je ne vois pas pourquoi, rétorque Jenna. Après tout, c’est ta copine non ? S’il y en a une de nous deux qui doit avoir du mal avec le concept de la traîner avec nous, c’est plutôt moi.

— Certes… lui accorde Marjo tout en s’engouffrant dans la rame de métro. Même si je trouve ça un peu malsain de vous voir faire les magasins ensemble… tu as intérêt à faire gaffe à ce que tu dis.

— Ne m’en parle pas, j’en ai mal au crâne d’avance… au passage, Kris m’a demandé si on pouvait l’encourager à acheter des trucs un peu plus classes.

Un sourire échappe à Marjo.

— Tu m’étonnes… sans vouloir être méchante, elle s’habille comme une bobonne de quarante ans mariée et mère et trois enfants.

— Sans vouloir être méchante ? relève Jenna en riant. Que veux-tu, elle se fringue en accord avec ce qu’elle rêve d’être. Sa seule aspiration est de se faire mettre la bague au doigt par Kristian et qu’il l’engrosse dans la foulée.

— Ça, c’est dit, s’esclaffe Marjo. Ce que tu peux être mauvaise parfois !

— Non, réaliste.

Arrivées chez Marjo, elles s’offrent une petite tasse de thé avant de prendre un repos bien mérité.

***

Après une grasse matinée et un copieux petit-déjeuner durant lequel Marjo et Jenna parlent de choses et d’autres, elles prennent le métro afin de retrouver Kimberly.

— Pffff, je sens que ça va être galère, soupire Marjo.

— Mais non ! Je suis quelqu’un de civilisé, je te rappelle ! Et il est hors de question de mettre Kristian dans la merde.

— Pourtant, il ne l’aurait pas volé…

Jenna hausse les épaules tout en observant les panneaux d’affichage du métro.

— Ça arrive souvent qu’il y ait des accidents ? Genre quelqu’un qui glisse du quai pile au moment où le métro arrive ? interroge-t-elle Marjo.

— Jen !

— Quoi ? Je demande ça pour parler, c’est tout, se défend Jenna après avoir mis quelques secondes à comprendre les raisons de la réaction de Marjo. Il y a toujours plein de monde qui s’agglutine sur le quai et qui te pousse. Hier à Saint-Germain, c’était blindé et ça m’a stressée.

— Tu dis ça parce que tu n’as pas l’habitude, répond Marjo. Allez, il arrive, on y va.

***

Lorsqu’elles arrivent, Kimberly est déjà là et les attend sagement.

Allez, c’est parti, appelons ça l’expiation… songe Jenna avec un soupir.

Les trois filles, également souriantes, se saluent avant de s’offrir une balade au soleil. Pour l’occasion, Jenna arbore une petite jupette colorée, Marjo a passé une jupe longue et fluide et Kimberly porte son jean coutumier. Prudente, Jenna reste un peu en retrait et laisse Marjo prendre les rênes de la conversation. Plus volubile que d’ordinaire, Kimberly parle allégrement de ses projets avec Kristian.

— J’espère qu’il va bientôt se décider pour le mariage. J’ai déjà des tonnes d’idées pour la robe. Vous viendrez, bien sûr !

Sérieux, j’aurais dû opter pour la sodomie à la place d’une après-midi shopping avec elle, ça m’aurait sans doute fait moins mal au cul, songe ironiquement Jenna tandis que Kimberly babille sur sa relation idéale avec Kristian. Elle pouffe à cette pensée s’attirant un regard insistant de Marjo.

— On se fait une ou deux boutiques ? propose Marjo.

Une fois dans les magasins, Jenna se rue vers les robes d’été qui ont sa préférence. Elle en sélectionne une noire courte à l’encolure en dentelle.

— Tu crois que ça lui plairait ? demande-t-elle à Marjo.

L’identité du « lui » ne fait aucun doute pour son amie et elle confirme. Jenna se tourne vers Kimberly.

— Tu en penses quoi ?

— C’est court… personnellement je n’oserais jamais la porter.

C’est bien ça le problème…

— Bah si on n’en profite pas maintenant, on ne le fera jamais, professe Jenna. Ce n’est pas quand on aura quarante ans qu’on commencera à mettre ce genre de truc.

Ouvertement dubitative, Kimberly examine le rayonnage des tee-shirts.

— Je préfère mettre des choses plus passe-partout, je n’ai pas envie de me faire draguer, j’ai déjà tout ce qu’il faut à la maison, explique-t-elle.

— Sans doute, mais ça fait du bien de se sentir un peu jolie, rétorque Jenna. Et puis mon petit cœur aime bien que je mette des robes.

— Tiens, j’aime bien ça ! intervient Marjo en brandissant une robe longue à l’imprimé écossais.

— Ah oui, super jolie ! reconnaît Jenna. Tu devrais l’essayer.

Sitôt dit, sitôt fait ! Marjo se précipite en cabine, suivie par Jenna.

— Mmmm non, on dirait un rôti ficelé, commente Marjo en écartant le rideau.

— Tu veux que j’aille te chercher la taille du dessus ? propose Jenna.

Marjo se rembrunit.

— C’est une taille unique… le bas ça irait encore mais le buste, ça ne passe pas.

— C’est con, elle est super jolie, soupire Jenna tout en regardant l’effet de la petite robe noire qu’elle a sélectionnée. Tu en penses quoi ?

— Elle te va bien.

Jenna jette un œil sur le prix et fait mentalement ses comptes.

— Je crois que je vais craquer… note que j’aime bien aussi la longue écossaise. Ça te dérange si je l’essaye pour voir ce que ça donne ?

— Non. Je te la passe de suite.

Avec sa maigre poitrine, Jenna n’a aucun problème de taille et Marjo soupire.

— Elle te va super bien… tu devrais la prendre. En plus, elle n’est même pas à vingt euros.

Ainsi encouragée, Jenna n’est pas longue à repartir avec le tout. Marjo craque pour une tunique et un pantalon fluide tandis que Kimberly s’offre un tee-shirt basique. Désolée, Kris… on a fait ce qu’on pouvait, rit intérieurement Jenna.