Fyctia

Lorsque Jenna retrouve Marjo, celle-ci s’excuse :

— Je suis vraiment désolée pour la soirée mais je suis claquée.

— Pas de souci, assure Jenna. Vu l’ambiance, ce n’est pas plus mal que je ne vois pas Kimberly ce soir…

Tout en parlant, les deux copines montent les escaliers menant à la soupente où vit Marjo.

— Ouch… il fait super chaud, soupire la brune. J’aurais dû te demander d’ouvrir les vélux avant de partir ce matin. Sinon, pourquoi tu dis que ce n’est pas plus mal que tu ne vois pas Kimberly ?

Échaudée par l’unique fois où elle a fait part de ses doutes à ses amies, Jenna se contente de lui rapporter « la bonne blague » faite par Kimberly concernant son collègue. Marjo secoue la tête tout en leur servant des verres de thé glacé.

— En même temps, il fallait s’attendre à ce qu’elle ait des soupçons après votre petite escapade en amoureux chez les parents de Kristian ! Franchement, vous auriez pu vous « abstiendre », déclare-t-elle d’un ton définitif. Surtout quand on voit que la situation entre vous ne bouge pas. À mon avis, elle se rend bien compte que tu tournes autour de Kris. Quand on a parlé de toi la dernière fois, elle m’a demandé si tu avais déjà trompé Phil.

Ravie de l’apprendre ! Merci de m’avoir prévenue avant que je me retrouve face à elle !

— Et tu lui as dit quoi ?

— Qu’à ma connaissance non. J’ai fait celle qui ne savait rien. Mais franchement, il serait plus que temps que Kris et toi arrêtiez cette relation qui ne mène à rien. Bref, tu sais ce que j’en pense. Bref. Une salade avec tomates et mozza, ça te va ?

— Parfait, se borne à assurer Jenna, ne se donnant pas la peine de relever l’affirmation précédente de Marjo.

— Sers nous un Soho, ordonne Marjo en lui désignant les verres.

Jenna obéit et elles bavardent de choses et d’autres, principalement du travail de Marjo. Celle-ci observe :

— Tu ne m’as pratiquement rien dit de ta journée avec Kristian, ça s’est mal passé ?

— Non, non. On a passé un excellent moment tous les deux. C’est juste que c’était bizarre quand Kimberly était là.

À quoi bon t’en parler de toute manière ? Il est clair que tu es passée du côté « princesse » de la Force. Je n’ai aucune envie de supporter tes remarques dégradantes et de te donner une autre occasion de dénigrer ma relation avec Kristian afin de défendre les intérêts de ta nouvelle copine.

Marjo n’insiste pas. À la place :

— Sinon, tu ne m’as pas dit comment Phil a réagi quand tu lui as raconté que tu es allée chez les parents de Kris.

— Euh… j’ai omis de lui mentionner ce détail… déjà qu’il a du mal avec le concept que Kris et moi on se voient aussi souvent, je n’allais pas en rajouter en lui racontant qu’on est allé passer l’après-midi chez ses parents pour l’anniversaire de sa sœur. J’ai dans l’idée que ce ne serait pas hyper bien passé et puis… on ne souffre pas de ce qu’on ignore.

— Je vois… Tu sais, à mon avis, Phil se doute fortement qu’il est cocu. On en a parlé avec Diana et on pense que s’il reste avec toi c’est surtout par résignation parce qu’il sait bien qu’avec son physique et son caractère de merde, il aura du mal à en trouver une autre.

Jenna avale sa bouchée de tomate-mozza avec difficultés. Les mots de Marjo la blessent profondément et elle prend sur elle pour ne pas répliquer. Une épine de plus dans son estime de soi déjà largement compromise.

— Ravie que tu me fasses profiter de votre analyse, marmonne-t-elle avant de se lever. J’arrive, j’ai besoin de faire pipi.

La pseudo pause toilettes permet à Jenna de reprendre son calme. Laisse-la dire, s’ordonne-t-elle. Ne lui fais pas le plaisir de lui montrer que ça te touche.

— Sinon, Lucas il sera là samedi ? demande Jenna en rejoignant Marjo dans la pièce principale.

— Non, il passe le week-end en Normandie avec des amis… je me disais qu’on pourrait se faire une petite après-midi shopping. Ça te tente ?

— Je suis toujours partante pour faire les boutiques, assure Jenna.

Le repas terminé, elles passent le reste de la soirée à faire des psychos-tests à l’initiative de Jenna qui n’a pas la moindre envie de subir un autre des avis éclairés de Marjo.

***

Le lendemain, après avoir déposé son dossier de candidature à Nanterre, Jenna file à l’Institut de Criminologie pour retirer une demande. Le dossier est à rendre pour la fin du mois de septembre, ce qui lui laisse du temps pour le finaliser.

Dans le métro, elle examine les pré-requis. Ce n’est pas gagné ça…

En attendant l’heure de rejoindre Kristian, Jenna s’offre une petite virée à Saint-Germain des Prés, son quartier favori de Paris. Sourire aux lèvres, elle flâne entre les cafés littéraires historiques avant de s’offrir un sandwich léger qu’elle déguste sur un banc. Son plaisir est juste gâché par un dragueur impénitent qui semble ne pas vouloir la lâcher. Avalant à la hâte les dernières bouchées de son jambon-beurre, Jenna se lève et époussette les miettes sur sa jupe longue avant de rejoindre la bouche de métro la plus proche, ignorant résolument les appels du lourdaud. Ils font vraiment chier ces connards de mecs ! Sérieux qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas dans « je suis prise » ?

***

Durant son trajet, Diana appelle Jenna.

— Alors tout se passe bien ?

— Avec Kristian, oui. Je suis plus mitigée en ce qui concerne Kimberly…

— J’en déduis que, comme d’habitude, tu as fait ce qu’il voulait que tu fasses… Bref, il se passe quoi avec l’autre ?

Jenna lui résume brièvement leurs échanges de la veille et Diana plussoie :

— Ouch, en effet vous avez plutôt intérêt à faire gaffe et à vous tenir à carreaux tous les deux. À votre place, j’éviterais un rapprochement cet après-midi, parce que moi si j’étais Kimberly je quitterais plus tôt pour vous surprendre.

Après cela, elles parlent un peu de Marjo. Jenna avoue :

— En fait, c’est bien parce qu’elle a insisté pour que je reste ce week-end et que je n’ai pas envie de me disputer avec elle parce que perso, là je n’ai qu’une envie : envoyer un texto à Tom et lui dire que, finalement, je viens à la fête des fraises.

— Ah ouais, quand même… siffle Diana. Ça se passe mal à ce point-là ?

— Oui et non… enfin, je te raconterai plus tard, là j’arrive à la station de chez Kris. Passe un bon week !

— On va essayer… aller bisous.