Fyctia

Pour tuer le temps en attendant Phil, Jenna téléphone à Elsa. Celle-ci est ravie d’avoir de ses nouvelles et elles bavardent avec enthousiasme.

Anticipant la curiosité de Jenna, Elsa la renseigne :

— J’ai rencontré Kimberly. Je l’ai trouvé très sympa. Assez discrète, c’est vrai qu’elle ne dit pas grand-chose, mais gentille.

Encore une qui s’est faite embobiner par ses airs gentillets, songe Jenna. À moins qu’elles n’aient raison et que je psychote total… Note que Chouchou pense la même chose que moi, qu’elle sait et qu’elle fait mine de rien. Mais il faut admettre que Chouchou n’est pas une référence non plus. Enfin on verra si je me trompe.

— Oui, elle est très sympa, affirme-t-elle, renonçant à s’épancher sur ses doutes.

Elle n’a aucune envie de se faire traiter de jalouse furieuse une fois de plus, la première fois lui a servi de leçon. Désormais, elle garde son opinion sur Kimberly pour elle.

— Sinon Marjo m’a dit qu’elle sera en vacances en août, continue Elsa. Ça serait sympa qu’on se fasse une chouille, ça fait super longtemps qu’on ne s’est pas retrouvées tous ensemble.

Encore faut-il que Marjo ne nous fasse pas faux bond au dernier moment… parce que pour peu que Vivi ou Juju l’invite, c’est mort.

— Oui, il faut qu’on s’organise ça, assure Jenna.

Elles évoquent ensuite le mariage à venir d’Elsa. Celle-ci est ravie : elle a déjà bloqué la salle. Toutefois…

— Il y a encore plein de choses à prévoir, le DJ, le traiteur et il faut que je trouve ma robe.

Ah la robe ! Le plus important ! songe Jenna.

Lorsqu’elle termine sa discussion avec Elsa, Jenna s’avise que cela fait déjà trois quart d’heures qu’elle poireaute… Agacée, elle consulte ses textos. Bien sûr, aucun message, ça serait trop demander que de me tenir au courant ou au moins de me donner une heure approximative ?

Après un soupir, Jenna s’allume une nouvelle cigarette. Et vu son retard, s’il arrive maintenant, il ferait mieux de ne pas me balancer une de ses fichues réflexions !

Les inquiétudes de Jenna sont superflues, elle attend encore Phil durant quinze bonnes minutes.

— Pfff, j’ai mal à la tête et en plus je n’ai plus d’Efferalgan, lui lance-t-il en guise d’excuses.

Tu n’avais pas besoin de boire autant… grince Jenna en déposant son sac de voyage dans le coffre.

***

De retour chez Phil, ils se racontent leurs week-ends respectifs tout en mangeant avant de se coucher vers vingt et une heures après avoir fêté comme il se doit leurs retrouvailles.

***

Le départ de Phil pour ses vacances entre potes étant prévu pour le samedi suivant, Jenna passe la semaine chez lui. Pendant qu’il est au travail, elle s’ennuie ferme. Hormis marcher, il n’y a strictement rien à faire dans la ville où il vit et Jenna s’offre de longues balades afin de tuer le temps entre deux romans. Durant ses promenades, Jen gamberge. Elle pense énormément à Kristian et consulte son téléphone avec un désarroi grandissant à mesure que les jours passent et qu’il ne l’appelle pas.

Au moins, comme ça, je suis fixée… songe-t-elle le mercredi matin en voyant sa messagerie vide. Il n’en a strictement rien à faire de moi.

— Tu en fais une tête, remarque Phil qui est sur le point de partir travailler. Il y a quelque chose qui ne va pas ?

— Non, non, ment Jenna en se forçant à sourire. Je pensais juste à mes dossiers de candidature pour la fac.

— Ah… oui, c’est vrai, il y a ça… relève Phil sans enthousiasme. Tu comptes aller les déposer quand ?

— Probablement la semaine prochaine.

Après un soupir, Phil plaque un smack sur ses lèvres.

— J’y vais, sinon je vais être en retard. Au fait, je ne rentre pas ce midi, je déjeune avec des collègues. Et j’ai une réunion à cinq heures donc je finirai tard.

Super… encore une longue journée à me faire chier. Enfin, ce n’est pas mieux quand il est là.

Après avoir fait le ménage, Jenna s’installe dans le canapé pour regarder la télévision. Une légère pluie d’été tombe à l’extérieur, ne lui donnant guère envie de mettre le nez dehors. Avec un soupir, elle attrape son fidèle journal et s’y épanche. Le sujet de ses réflexions ? Kristian, comme toujours… Elle convient que Diana et Thomas ont sans doute raison lorsqu’ils avancent qu’elle est trop à sa disposition et qu’elle doit le laisser venir à elle. Tout en écrivant, elle jette un œil sur son téléphone et son cœur se serre de nouveau devant l’écran désespérément vide. N’ayant rien de mieux à faire, elle remonte le fil de leur histoire et s’attarde sur le retour de Kristian trois ans plus tôt. Ce soir-là, il a prétendu qu’il voulait qu’ils réessaient sérieusement. Bien entendu, Jenna n’y a pas cru un seul instant mais s’il était sincère ? Peut-être qu’elle a laissé passer sa chance et qu’il ne mentait pas en prétendant que s’il l’avait ignorée avant c’était parce qu’il craignait « d’attraper » des sentiments pour elle, ce qui aurait tout compliqué attendu qu’il était avec Kimberly. Encore. Toujours cette foutue Kimberly, peste Jenna. Je ne suis même pas sûre qu’il n’était réellement plus avec elle quand il est revenu… Le stylo suspendu dans l’air, elle lance un autre coup d’œil à son téléphone. Elle grille d’envie de l’appeler, ne serait-ce que pour entendre sa voix mais se retient. Diana a raison : s’il ne l’appelle pas, c’est qu’elle ne lui manque pas et donc qu’il ne tient pas du tout à elle. Sauf s’il attend que je lui demande s’il a eu son concours… non, c’est ridicule, il n’en a rien à faire que je l’appelle ou non ! se dénigre Jenna, de plus en plus déprimée.

Son téléphone sonne à cet instant, la faisant sursauter. Pendant une fraction de seconde, l’espoir la submerge avant de disparaître aussi vite qu’il est arrivé. C’est Marjo.

— Salut ! Alors quoi de neuf ? l’interroge joyeusement sa copine.

— Bof. Pas grand-chose.

Ce n’est pas le cas de Marjo qui babille gaiement pendant une dizaine de minutes sur Lucas — qu’elle revoit — et son travail.