Fyctia

De retour chez elle, Jenna ne perd pas de temps : il lui reste un peu plus de deux heures avant l’arrivée de Kristian pour faire les courses, ranger l’appartement, confectionner un gratin de pâtes vite fait et — le plus important — se préparer ! Elle ne chôme pas et après avoir effectuées ses corvées, elle s’autorise une douche rapide avant de revêtir sa lingerie en dentelle noire qu’elle complète avec des bas assortis, un top ajusté noir et une mini-jupe patchwork avec des empiècements dans des dégradés de rouge et de noir.

Pas trop mal, s’autorise-t-elle à se complimenter en s’observant dans le miroir. Bon, j’ai une sale tête mais le miracle du maquillage a ses limites. Si tu n’es pas terrible de base, même le meilleur ravalement de façade ne pourra pas te transformer en canon. Je vais juste remettre un peu mes cheveux devant pour cacher ma mocheté.

Une fois sûre qu’elle est à son maximum en termes de camouflage, Jenna prépare le café et s’octroie une petite cigarette. Il est onze heures et quart et elle se réjouit de ne plus avoir trop à attendre tout en consultant aussi régulièrement qu’inutilement son portable au cas où Kristian aurait du retard ou pire se décommanderait.

Ses inquiétudes sont superflues. Au moment précis où sonne la demie de onze heures, l’interphone émet un son strident. Dans le ventre de Jenna, les papillons s’offrent un triple salto. C’est lui.

***

Lorsque Jenna ouvre la porte après avoir lissé sa jupette et fait bouffer ses cheveux, son traître de cœur loupe comme toujours un battement. Affichant son habituel sourire hâbleur, Kristian lui adresse un regard pétillant.

— Coucou la miss ! Tu as vu ? Je suis à l’heure !

Jenna hoche la tête tout en le détaillant avec avidité. Sa chemisette blanche met en valeur son teint un peu mat et surmonte un jean bleu classique qui lui va comme un gant et moule flatteusement ses fesses.

— C’est bon ? Tu as fini de te rincer l’œil ? s’amuse Kristian.

Les joues de Jenna rosissent sous l’effet de l’embarras et elle détourne le visage tout en marmonnant :

— Ce n’est pas du tout ce que je faisais… tu veux un petit café ?

Kristian accepte tout en défaisant son sac en familier des lieux.

— Tu es toute seule ? reprend-il.

— Oui, sauf si j’ai caché quelqu’un dans le placard, rétorque Jenna en disposant des tasses. Désolée de te décevoir.

— Raaa tout de suite ! Ça m’étonne, c’est tout. D’habitude, il y a toujours au moins Diana avec toi.

De plus en plus stressée à la pensée qu’il ait changé d’avis sur leur relation et redoutant de se ridiculiser en ayant revêtu de la lingerie fine pour rien, Jenna répond sur la défensive.

— Eh bien pas aujourd’hui ! Elle est encore chez ses parents donc elle n’arrivera qu’en fin d’après-midi au mieux, comme Chouchou.

Le sourire de Kristian s’élargit à cette annonce.

— Donc, on est tranquille tous les deux et on va pouvoir prendre notre temps. C’est bon ça ! se réjouit-il sans réserve.

Les papillons reprennent un peu de leur superbe à sa réaction et Jenna se détend.

— Sinon quoi de neuf ?

— Oh bah, ceci cela, la vie, plaisante Kristian avant de développer. Kimberly m’étouffe de plus en plus, elle est toujours à fond avec le mariage et le bébé et elle me pète vraiment les couilles. Je suis bien content d’être ici et de pouvoir prendre l’air pendant deux jours !

Mais pourquoi tu restes avec cette sangsue dans ce cas ?

— Et Phil, ça va ? l’interroge Kristian.

— Oui. Il espère qu’il aura son concours, comme ça il pourra postuler ailleurs. Son frère part s’installer dans le sud et j’ai l’impression que ça lui donne envie. Il aime bien la mer et il aimerait s’en rapprocher. Enfin pour l’instant, rien n’est fait, on verra bien le moment venu. Il faut déjà qu’il ait son concours et qu’il soit retenu sur un poste de titulaire.

Le sourire de Kristian s’efface.

— Mais toi, s’il part tu comptes le suivre ?

Jenna hausse les épaules.

— Je ne sais pas, ça dépendra aussi de ce que je fais à la rentrée.

La mine de Kristian s’allonge et il baisse les yeux, évitant le regard de Jenna.

— Je croyais que tu venais à Paris ! D’ailleurs, tu en es où de tes dossiers de candidatures ? demande-t-il d’un ton détaché tout en s’allumant une cigarette.

— Euh… il faut que je m’en occupe, reconnaît Jenna qui a une fâcheuse tendance à la procrastination pour tout ce qui est administratif.

Kristian prend une inspiration.

— OK la miss, c’est toi que ça regarde.

Décontenancée par sa réaction, Jenna se mord la lèvre tandis que Kristian fixe son mug pingouin.

— C’est juste que j’attends de recevoir les dossiers… explique Jenna d’une petite voix pour briser le silence inconfortable qui s’installe. Et j’ai une copine qui m’a parlé de l’institut de criminologie de Paris pour devenir profiler. Je t’avoue que ça me botterait bien mais je ne sais pas trop si ça pourrait le faire. Il faut que je les contacte.

— Profiler ? Ça te plairait ?

— Trop ! J’adore les romans policiers ! Enfin, tu me connais… j’ai du mal à garder les pieds sur Terre, admet-elle. Phil trouve l’idée ridicule mais je t’avoue que j’adorerais traquer des tueurs en série.

Jenna ponctue sa déclaration d’un petit rire et le sourire de Kristian revient.

— Et pourquoi pas la miss ? Si c’est ça qui t’intéresse, tu devrais le tenter.

Ce qu’il est chou quand il veut…

— Oui enfin, soyons réalistes. Je n’ai quasi aucune chance d’être prise. Ce sont des pointures qui font ce genre de trucs.

— Et alors ? Tu n’es pas plus bête qu’eux !

Le cœur de Jenna se réchauffe devant ce mensonge éhonté mais mignon.

— C’est gentil mais on verra.

Leurs yeux se nouent et il se sourient.

— Peu importe ce que tu fais, tant que ça te plaît, c’est le principal la miss. Mais n’hésite pas à tenter ta chance, lui rappelle Kristian. Qui ne tente rien…

— N’a rien, complète Jenna avec une grimace tout en baissant le visage.

— Quand on veut vraiment quelque chose, on fait tout pour l’avoir, confirme Kristian en cherchant son regard.

Sauf quand c’est foutu d’avance… Par ailleurs, ça montre bien que tu n’en as rien à faire de moi. Si tu me voulais vraiment, pourquoi tu ne tentes pas ? Pourquoi tu ne fais pas un pas vers moi ?

Dans le ventre de Jenna, les papillons sont en plein deuil. Grimaçant, elle termine son café.

— Un petit Rata pour l’apéro ? propose-t-elle.

— Avec un poker pour pimenter… requiert Kristian.