Fyctia

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demande Diana à Jenna, la porte à peine refermée sur elles.

Le cœur en berne, Jenna lâche :

— Hein ?! Tu l’as entendu comme moi, non ? « Il n’y a rien à attendre. » Genre, il m’a carrément dit devant tout le monde de laisser tomber : quoi qu’il arrive, je ne serai jamais sa copine. En clair, ce n’est même pas la peine d’espérer. Je te jure, je suis dégoûtée là, si je m’écoutais je me roulerais sous ma couette pour pleurer et je n’en sortirais plus.

— Euh… je ne suis pas du tout d’accord avec ton interprétation. Moi, j’ai trouvé ce qu’il a dit super positif. Il a reconnu ouvertement qu’il a des sentiments pour toi, ce n’est pas rien !

— Tu parles, c’était juste de l’enrobage pour atténuer la suite : que je n’ai rien à attendre !

— Honnêtement Jen, je ne pense pas que c’est ce qu’il a voulu faire passer comme message, affirme Diana tout en fouillant dans sa penderie.

— Bien sûr que si, c’est clair qu’il a voulu mettre les choses au point pour être sûr que je ne m’imagine pas des trucs, s’agace Jenna. Que veux-tu que ce soit d’autre ?

— Il n’a pas dit « elle n’a rien à attendre » mais « il n’y a rien à attendre », analyse Diana. Vu ce qu’il a dit juste avant au sujet des femmes mariées qui ne tombent jamais amoureuses, pour moi il ne parlait pas de toi mais de lui.

— Pfff, c’est gentil d’essayer de me remonter le moral, mais ton interprétation ne tient pas la route. Kris sait très bien que je suis amoureuse de lui. En vrai, je crois qu’à part Phil, personne ne l’ignore, ricane Jenna.

Diana toussote :

— Tu es sûre qu’il le sait ? Parce que perso, je commence à avoir des doutes.

— Raaa je t’en prie, ça devient ridicule ! Bien sûr qu’il le sait. C’est justement pour ça qu’il a dit ce qu’il a dit. En clair, il m’aime bien, genre comme un chaton ou un petit chien mais ça s’arrête là. Je n’ai « rien à attendre ». Fin de la discussion, game over, échec et mat pour Jenna. And the winneuse is… Kimberly !

— Moi, ce que je dis c’est que tu n’en sais rien, affirme patiemment Diana. Si ça se trouve, il n’attend qu’un mot de ta part pour se bouger.

— Mais oui… et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu… Bref, c’est gentil d’essayer de me remonter le moral mais plus vite je me ferai à l’idée, mieux ce sera pour moi. Allez maintenant que tu es changée, on y retourne.

— Pfff, à ta place, je lui dirais ce que je ressens vraiment et j’attendrais de voir comment il réagit au lieu de me faire des films.

— Plus facile à dire qu’à faire, marmonne Jenna en ouvrant la porte de son appartement.

***

Durant leur absence, Magali est parvenue à convaincre Adélaïde de sortir.

— On attend juste que Paul m’appelle pour décoller, déclare Magali.

— OK, ça me laisse le temps de faire une retouche maquillage, annonce Jenna en filant s’enfermer dans la salle d’eau.

Là, elle appuie ses mains contre la porcelaine blanche du lavabo et prend une profonde inspiration. Quels que soient les efforts de Diana pour la convaincre, elle trouve son interprétation capillotractée. Quant à sa suggestion selon laquelle Kristian ignore ses sentiments pour lui, c’est encore plus ridicule. Son cœur se serre mais elle se force à se reprendre. Peu importe demain ou le jour d’après… pour l’instant, Kristian est là alors ne gâche pas le peu de temps que tu as avec lui en te rendant malade pour une chose que tu as toujours su, s’ordonne-t-elle. Forte de cette résolution, Jenna se recoiffe à la hâte et remet un peu de rose sur ses lèvres.

Lorsqu’elle rejoint ses amis dans la pièce principale, Kristian lui adresse un long regard, faisant frissonner les papillons. D’un pas chaloupé, elle s’approche de lui. Leurs yeux se nouent et il sourit alors qu’elle se plante devant lui.

— Tu veux quelque chose, la miss ?

— Un bisou ? quémande-t-elle.

Kristian referme son bras autour de sa taille et se penche sur ses lèvres.

— Même plusieurs, autant que tu veux, murmure-t-il avant de l’embrasser longuement.

Pressée contre lui, Jenna oublie totalement le reste des invités. La voix amusée de Diana lui parvient vaguement.

— Bon bah ça, c’est fait… maintenant tout le monde est au courant.

Ah oui… Magali et Adélaïde… Bah, Kristian et Jenna n’ont jamais été très discrets de toute façon et puis sans doute que Paul a mis Magali au parfum.

Leur baiser terminé, Kristian et Jenna se sourient.

— On va aller se défouler sur la piste, se réjouit-il.

Jouant machinalement avec les boutons de la chemise de Kristian, Jenna lui fait remarquer :

— Tu devrais retirer le tee-shirt que tu as sous ta chemise. Noir sous blanc, ça va faire moche avec les spots.

— Ah oui pas faux, reconnaît Kristian avant de filer à son tour dans la salle de bain.

Lorsqu’il revient, il passe son bras autour de la taille de Jenna et lui vole un smack.

— On est partis ? demande-t-il ensuite.

***

Une fois sur le parking, ils prennent trois voitures. Adélaïde n’est pas certaine de rester jusqu’au bout et préfère garder son autonomie de déplacement. Magali doit passer prendre Paul à son travail. Kristian propose d’emmener le reste de la troupe. Diana et Thomas s’installent à l’arrière, laissant Jenna monter devant.

Dans la voiture, l’ambiance est joyeuse. À l’arrière, Diana et Thomas babillent joyeusement. Kristian pose négligemment sa main sur la cuisse de Jenna et elle se tourne vers lui lorsqu’ils s’arrêtent au feu rouge.

— Bisou ? réclame-t-elle en riant.

Kristian sourit et se penche vers elle. Leurs bouches se rejoignent pour un baiser et un petit soupir leur échappe lorsque le feu passe au vert. Quelques mètres plus loin, Kristian est de nouveau forcé de s’arrêter et ils reprennent où ils s’étaient arrêtés. Les doigts de Jenna glissent sur la nuque de Kristian, se crispant à mesure qu’ils approfondissent leur baiser.

— Kris ! C’est vert ! les rappelle Thomas à l’ordre.

— Oui, j’ai vu, s’agace Kristian avec une parfaite mauvaise foi en démarrant à la hâte.

Les dieux de la circulation doivent être avec eux car…

— Oups, encore un feu rouge, s’amuse Jenna.

— Bon bah il faut bien s’occuper, fait mine de se résigner Kristian en l’attirant à lui pour l’embrasser.

— OK… lâche Diana. S’ils se roulent des pelles à tous les feux, on n’est pas arrivés.

— J’aurais dû prendre ma voiture, glousse Thomas. Enfin, vu que je suis plein comme un boudin, pas sûr que ça aurait été une bonne idée.

Après deux ou trois feux rouges supplémentaires, ils arrivent à destination et se garent sur le parking. Les doigts de Kristian et Jenna s’entrelacent alors qu’ils avancent tous les quatre vers l’entrée de la boîte.