Fyctia

Munie de son précieux paquet de cigarettes, Jenna envoie un petit texto à Marjo pour lui dire qu’elle a rencontré « Houdini ». La réaction de la brune ne se fait pas attendre et, moins de deux secondes plus tard, le portable de Jenna sonne. Après lui avoir raconté son entrevue avec le DJ qui ne lui a guère fait bonne impression, Jenna s’épanche sur sa conversation avec Pascal. Lorsqu’elle en vient à son attitude en boîte, Marjo réagit :

— Attends, il te drague ou quoi ?

Sa remarque augmente le malaise diffus que Jenna éprouve depuis le samedi soir.

— Je n’espère pas, Phil est quand même son pote. J’ai plus l’impression qu’il se rapproche de moi pour me mettre en confiance et remuer la merde. Ce n’est pas la première fois qu’il insinue que je ne suis pas aussi à fond sur Phil que je le devrais.

— Certes. À ta place, je ferais gaffe à ce que je dis devant lui. Phil a déjà assez de doutes comme ça, si tu veux mon avis. Et évite de raconter ça à Diana, sinon elle va se faire des idées et on va en entendre parler en boucle pendant des semaines.

Jenna reconnaît le bien-fondé de l’argument puis lui résume leur conversation au sujet de Diana.

— Elle va être super déçue quand tu vas lui dire, soupire Marjo. Franchement, je ne voudrais pas être à ta place.

— Ne m’en parle pas. Je n’ai pas du tout hâte de la voir.

Elles bavardent encore quelques minutes avant de promettre de se faire une soirée le jeudi. Comme Philippe passe son concours la semaine suivante, Jenna a prévu de retourner chez ses parents afin de le laisser réviser tranquillement, raison pour laquelle il lui a demandé de prolonger son séjour cette semaine.

Moins de dix minutes après Marjo, c’est Diana qui l’appelle. Résignée, Jenna décroche. Souhaitant reculer l’échéance inévitable, elle se montre évasive sur son week-end et encourage Diana à lui raconter le sien.

— Florian était complètement bourré et m’a évitée quasiment toute la soirée, se plaint Diana.

Merde, songe Jenna même si la chose était prévisible attendu que Diana n’a pas répondu à son dernier texto et ne s’est pas donné la peine de le voir la semaine précédente. Cherchant à noyer le poisson, Jenna débat longuement sur le sujet mais le couperet tombe :

— Tu as pu parler avec Pascal ?

La voix de Diana vibre d’impatience mal contenue et le cœur de Jenna se serre. Avec moultes précautions, elle lui résume sa conversation avec Pascal, consciente d’étouffer dans l’œuf les espoirs de son amie.

— Alors, il ne veut pas qu’on réessaie… comprend Diana avec une déception perceptible.

— Je suis désolée, Di. Il a peur que ça ne fonctionne pas entre vous et que vous vous fassiez encore plus de mal.

Diana garde le silence quelques instants puis :

— Bon c’est tout, c’est la vie et comme tu le dis tout le temps, elle est moche.

— Tu es sûre que ça va ? s’inquiète Jenna.

— Mais oui, t’inquiète, je vais m’en remettre. Ce n’est pas comme si Pascal était le seul homme sur Terre, assure Diana.

En dépit de cette affirmation, il est évident qu’elle est dépitée et Jenna grimace. Elle sait ce que c’est d’être folle d’un homme qui ne partage pas les mêmes sentiments. C’est douloureux.

— Je vais devoir te laisser, j’ai rendez-vous avec ma directrice de mémoire dans vingt minutes, enchaîne Diana. On se rappelle, bisous.

Jenna regarde son téléphone silencieux et soupire. Raaa foutu Pascal !

***

Jenna consacre la journée du lendemain à faire le ménage et à préparer le repas. Phil a invité ses parents à dîner et comme toujours dans ce type d’occasions, il se montre aussi nerveux qu’imbuvable. Rentré du travail, il critique tout ce que Jenna a prévu.

— Des tartines italiennes et un hachis parmentier… pfff, tu ne t’es pas foulée. Tu n’as même pas fait de dessert.

Habituée à son comportement, Jenna ne répond pas et continue à dresser la table avec placidité. Il me gonfle…

En dépit des réserves de Phil, le repas est réussi et les parents — la « famille royale » comme les appelle secrètement Jenna — satisfaits.

Après leur départ, Phil et Jenna passent au lit pour leur routine sexuelle habituelle avant de s’endormir.

***

Vers trois heures trente du matin, Jenna est réveillée en sursaut. Agenouillé devant la cuvette des toilettes, Philippe vomit tripes et boyaux sans grande discrétion.

— Je suis sûr que c’est parce que la viande de ton hachis n’était pas assez cuite, l’accuse Philippe une fois ses vomissements calmés.

L’hypothèse est certes plausible, toutefois il est le seul convive à avoir été malade…

***

Après cette nuit agitée, Philippe va travailler à reculons pendant que Jenna s’occupe du ménage après les festivités de la veille et les débordements nocturnes de Philippe.

Diana l’appelle en fin de matinée. Elle lui annonce avoir pris de bonnes résolutions comme refaire entièrement sa garde-robe et aller régulièrement chez l’esthéticienne, afin de mettre toutes les chances de son côté pour rencontrer le futur homme de sa vie. Jenna l’encourage dans cette voie même si elle n’est pas certaine que cette avalanche de décisions n’ait rien à voir avec Pascal comme le prétend Diana. Au bout d’une dizaine de minutes de bavardages, Diana lâche d’un ton faussement léger :

— Tu sais, j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit sur Pascal.

Bah voyons… que je suis étonnée !

— Peut-être qu’il a dit ça parce qu’il sait que j’ai un copain et il a réagi par fierté ? suggère Diana d’un ton rempli d’espoir.

— C’est possible, concède Jenna même si elle n’y croit guère.

À ce stade, elle estime que Diana devrait lâcher l’affaire mais s’abstient de le lui dire. Après tout, si l’une de ses amies lui affirmait qu’elle doit renoncer à Kristian, non seulement elle ne l’écouterait pas mais en plus, elle le prendrait mal. S’armant de patience, Jenna passe l’heure suivante à décortiquer chaque mot prononcé par Pascal avec Diana.

— Il faudrait qu’on se revoie et qu’on discute de vive voix, décide Diana. Je sais qu’il ne se passera sans doute rien, mais j’ai besoin d’être sûre que c’est définitivement mort avec lui pour pouvoir m’investir dans une nouvelle relation. Hormis Matthieu, Pascal est le seul mec que j’ai aimé. Vu ton histoire avec Kristian, tu peux comprendre que j’ai envie de voir si une seconde chance est possible.

L’argument fait mouche et Jenna admet qu’elle comprend les motivations de Diana :

— Quand on a vraiment aimé quelqu’un, c’est difficile de faire une croix définitive sur lui.

— Voilà ! Donc s’il te plaît aide moi, je te demande juste que tu nous mettes dans la même pièce, rien de plus.

— OK, je vais voir si je peux goupiller une soirée qui vous donnera l’occasion de vous revoir. Dans le pire des cas, ce sera pour mon anniversaire.

Celui est dans trois mois et Jenna souhaite secrètement que ce brutal retour de flamme plus ou moins partagé se sera éteint d’ici là.