Fyctia

Kristian et Jenna sont tellement exténués qu’ils dorment d’une traite jusqu’à quatorze heures. Souriant, Kristian s’étire longuement.

— J’ai hyper bien dormi, se félicite-t-il.

— Moi aussi, bâille Jenna.

Kristian l’embrasse légèrement dans le cou.

— On a passé une super nuit.

— Mmm oui, c’était pas mal… le taquine Jenna.

Kristian prend l’air offusqué tandis qu’elle avance la main pour attraper ses cigarettes. Après avoir fumé, Jenna se lève d’un mouvement souple. Pendant qu’elle prépare le café, Kristian s’occupe de replier le canapé-lit et ouvre les volets. Le temps est maussade et Jenna soupire.

— Ce que je peux en avoir ras-le-bol qu’il fasse gris et moche !

— Tout le contraire de moi !

Jenna éclate de rire.

— Donc tu te considères beau et lumineux ? Ça va tes chevilles ?

Kristian fait mine de se pencher sur ces dernières.

— Ouais, ça va…

— Tu es impossible, rit Jenna. Bon, je vais prendre une petite douche, fais comme chez toi.

***

Lorsque Jenna sort de la salle de bain, vêtue d’un pull et d’une jupe longue, Kristian est confortablement installé devant un café et regarde Les feux de l’amour. Amusée, elle lui demande :

— Il se passe quoi ?

— Sharon s’est disputée avec Nicholas et je crois que Victor veut remettre ça avec Ashley, la renseigne Kristian.

En dépit de ses efforts pour se retenir, Jenna éclate de rire.

— Ah oui, je vois que tu es à fond dedans…

— Ahaha, très drôle la miss !

Jenna se sert un café puis ouvre le frigo.

— Une tartiflette, ça te tente ?

— Ouais ! J’ai trop faim !

— Surprenant… rit Jenna. De toute façon, tu es un estomac sur pattes.

— Je te rappelle que je me suis beaucoup donné cette nuit, j’ai besoin de reprendre des forces.

— Tsss file prendre ta douche au lieu de dire des bêtises !

Kristian obéit et Jenna sourit en l’entendant chantonner dans la salle de bain. Elle finit de disposer les pommes de terre dans le plat à gratin lorsque le portable de Kristian sonne.

— Kris, téléphone ! lui crie-t-elle.

— Ouais, laisse sonner, je rappellerai après.

Jenna termine sa préparation quand Kristian sort de la salle de bain, vêtu d’un pull noir et embaumant le parfum.

— On mange dans combien de temps ? J’ai trop la dalle.

— Bah le temps que ça cuise, répond Jenna. Donc d’ici une grosse demi-heure. Tu veux grignoter un truc en attendant ?

— Non, c’est bon la miss, je vais attendre, assure Kristian en attrapant son portable.

Une grimace lui échappe lorsqu’il le consulte et il se tourne vers Jenna.

— Désolé, c’est Kimberly. Il faut que je la rappelle sinon elle va me faire la misère.

Putain, elle ne peut pas nous foutre la paix cinq minutes, grince Jenna tout en affirmant :

— Pas de soucis.

Pendant que Kristian téléphone, Jenna s’active à la vaisselle afin de lui laisser un peu d’intimité. Toutefois, des bribes de conversation lui parviennent. Kristian semble tendu.

— Non, répète-t-il plusieurs fois.

Un silence puis :

— Non, je ne suis pas encore parti.

Jenna déglutit.

— Non, s’agace Kristian. Je suis chez Jen, elle m’a invité à manger. Donc pas avant dix-huit heures.

Un nouveau silence puis :

— Pas plus de cent soixante. Bisous, à ce soir.

Son appel terminé, Kristian repose son portable sur la table avec un soupir et s’allume une cigarette.

— Tout va bien ? lui demande Jenna depuis la cuisine.

— Oui… elle n’était juste pas contente que je rentre trop tard pour aller la chercher à son boulot. Bah, elle marchera, énonce Kristian d’un ton nonchalant.

Durant le repas, ils bavardent de leurs connaissances communes. Comme souvent, Hélène revient sur le tapis.

— Elle m’a bien pris pour un con, celle-là. Elle n’arrêtait pas de me dire qu’elle m’aimait tout en se tapant Alan dès que j’avais le dos tourné.

Jenna toussote en l’entendant émettre un tel reproche.

— Quoi ?

— Non, non, rien, s’amuse-t-elle. Un lardon qui est mal passé.

Ils reprennent leur conversation et, au bout d’un moment, Jenna soupire :

— Tu sais, je pense qu’elle était vraiment amoureuse de toi. Le truc, c’est qu’elle ne te faisait pas confiance. En fait, ce qui a été déterminant c’est que tu ne lui proposes pas de rencontrer tes parents alors qu’elle vivait à trente kilomètres de chez eux. À partir de là, elle s’est imaginée que tu étais toujours avec Kimberly. Ce qui n’était sans doute pas faux te connaissant.

— Raaa ! s’agace Kristian. Ce qu’elle a pu me gonfler avec ça ! Bien sûr que non, je n’étais plus avec Kimberly, même si elle aurait bien voulu. Mais perso, je ne présente pas n’importe quelle gonzesse à mes parents. Si je ramène une fille dans ma famille, c’est parce qu’elle compte vraiment pour moi et que j’ai des sentiments pour elle. Et ce n’était pas le cas d’Hélène à ce moment-là. On n’était ensemble que depuis trois mois, c’était beaucoup trop tôt pour que je sois amoureux d’elle. Et de toute façon, j’ai eu raison de la laisser où elle était vu ce qui s’est passé après. Je peux reprendre de la tartiflette ?

Levant les yeux au ciel devant sa gloutonnerie, Jenna lui fait signe de se resservir. Le repas terminé, Kristian laisse échapper un petit soupir satisfait et ils débarrassent la table tous les deux en badinant. Jenna prépare le café pendant que Kristian, visiblement guère pressé de partir, s’occupe des tasses.

Vautrés sur le canapé, ils bavardent en suivant la télévision d’un œil distrait lorsque le portable de Kristian sonne.

— C’est le boulot, explique-t-il avant de prendre l’appel.

Au bout de quelques secondes, Kristian assure :

— Oui, oui, je peux prendre ce soir. Par contre, je serai peut-être un peu en retard, je ne suis pas chez moi, là.

Sa conversation terminée, il soupire.

— Bon bah… je vais devoir y aller…

Son manque d’enthousiasme est flagrant et le cœur de Jenna se serre tandis qu’elle s’oblige à lui sourire.

— Oui, je me doute.

Ils échangent un regard et Kristian lâche :

— On essaie de se voir bientôt. Et on s’appelle.

Comme toujours, il la remercie pour tout avant de partir. Ils échangent leur dernier petit regard rituel, Jenna à sa fenêtre, telle Raiponce attendant que son prince vienne la délivrer de sa prison, et Kristian depuis le parking. Le cœur gonflé de chagrin, Jenna pousse un profond soupir puis va frapper à la porte de Diana. Sans Kristian, son studio lui semble vide et elle n’a aucune envie de rester seule