Fyctia

En dépit des protestations de Kristian, ils arrosent son anniversaire et lui offrent un cadeau.

— Raaa j’avais dit à Jen que je ne voulais rien ! proteste-t-il.

Celle-ci hausse les épaules.

— Et nous, on avait envie de marquer le coup. Vingt-sept ans, ça se fête.

— Mon vrai cadeau je l’ai eu en début d’après-midi, glisse-t-il à Jenna lorsqu’il lui fait la bise pour la remercier.

La discussion reprend et une fois de plus, Thomas remet le sujet de Droopy sur le tapis. Agacée, Jenna lui adresse un regard noir.

— Droopy, il avait changé dans les derniers temps… lâche-t-il.

Une légère tension s’installe et ils échangent des regards. Se sentant de trop, Ludo toussote et annonce son départ. Aucun ne tente de le retenir et, une fois la porte refermée sur lui, Kristian sert une nouvelle tournée à tout le monde. Thomas contemple son verre pendant quelques secondes puis lâche :

— Jen, je sais que tu n’aimes pas parler de ce que Droopy t’a fait mais moi j’ai besoin de crever l’abcès.

Jenna se raidit brièvement et avale sa salive, hochant légèrement la tête.

— Ça va… j’ai digéré.

— Je m’en veux pour ce qu’il s’est passé, déclare Thomas tout à trac. Si ce matin-là j’étais monté boire le café comme d’habitude, rien ne serait arrivé.

Stupéfaite, Jenna le fixe.

— Hein ? Mais enfin Tom ce n’est pas de ta faute ! Jamais il ne me viendrait à l’idée de te tenir pour responsable de ce que ce connard m’a fait.

Un soupir triste échappe à Thomas :

— Si. Je m’en veux d’autant plus que je sentais bien qu’il y avait quelque chose de pas normal ce soir-là. Droopy était agressif avec toi et hyper amer. Mais je te jure que je n’aurais jamais pensé qu’il irait jusque là… si j’avais su… se fustige-t-il.

— Ce n’était pas de ta faute, répète Jenna, le cœur serré. Ce n’est pas toi qui as dit à Droopy de rentrer chez moi et de me sauter dessus pendant mon sommeil. Tu ne pouvais pas savoir qu’il ferait ça.

Elle ne soupçonnait pas que Thomas puisse se sentir coupable ainsi et s’en veut de lui avoir fait porter involontairement ce poids par son refus d’en parler.

— Personne ne pouvait deviner que Droopy était capable de se comporter ainsi, assure Marjo. La situation a dérapé petit à petit même si ça s’est accéléré vers la fin.

— Accéléré ? relève Kristian.

— Plus le temps passait, plus il était amer et frustré, confirme Thomas. Il pétait les plombs dès qu’un autre mec s’approchait de Jen. Je redoutais un clash mais je pensais qu’en fait, ils finiraient par se disputer, pas que Droopy essaierait de…

Thomas s’interrompt, mal à l’aise et se sert un autre verre. Soucieux, Kristian se tourne vers Jenna.

— Pourquoi personne ne m’a dit que c’était à ce point ?

— Je te l’ai dit, rétorque Jenna. Je t’ai dit qu’il était de plus en plus pénible, que c’était de pire en pire et que je ne le supportais plus, mais tu ne m’as pas crue ou écoutée.

— Non, se défend Kristian. Si toi ou quelqu’un d’autre m’avait dit qu’il allait s’en prendre à toi, j’aurais fait quelque chose pour empêcher ça, surtout sachant que Droopy est amoureux de toi.

— Était, le corrige Jenna.

— Il l’est encore, affirme Kristian.

— Si tu le dis, rétorque Jenna sans le regarder. Bref, peu importe. Le seul coupable dans l’histoire, c’est Droopy. Aucun d’entre nous ne l’a vu venir, surtout pas moi. Et après, je m’étonne de ne pas avoir eu mon diplôme de psy, ironise-t-elle.

— Je ne suis même pas certaine qu’il réalise lui-même la gravité de son acte, rebondit Diana.

Marjo saisit la perche au vol et se tourne vers Kristian.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit là-dessus quand tu l’as vu ?

Il serre brièvement les poings, le visage tendu.

— Rien. On s’est retrouvés au café en bas de son appart et il s’est arrangé pour que ses potes soient constamment avec nous. Je voulais le choper entre quatre yeux pour lui dire ma façon de penser mais il ne m’en a pas laissé l’occasion. J’ai attendu ce moment toute la soirée… j’espérais qu’il me propose d’aller boire un sky chez lui mais il s’est bien gardé de le faire. Il y avait toujours au moins un de copains avec nous alors au bout d’un moment j’en ai eu marre et je suis rentré.

Jenna tressaille, surprise par cet aveu. Elle n’imaginait pas que Kristian ait eu de telles intentions en allant voir Droopy.

— Comme quoi, il est moins con qu’on ne le croit, commente Marjo. Il se doutait bien que tu ne voulais pas le voir pour tailler une entrecôte.

Avant que qui ce soit ait eu le temps de la corriger, Thomas rebondit :

— En parlant de ça, je voudrais éclaircir un truc. L’année dernière, Droopy m’a dit que tu lui avais taillé une pipe et que c’était pour ça qu’il t’en voulait de le prendre de haut. C’est vrai ou pas ?

Aussi choquée que furieuse, Jenna rétorque avec vigueur :

— Hein ?! Tu plaisantes, j’espère ? En aucun cas je n’ai fait quoi que ce soit de sexuel avec Droopy ! Jamais ! martèle-t-elle. Le max qu’il se soit passé entre nous, c’est un roulage de pelle. Et encore, c’était à cause d’un « ville pays prénom » et uniquement parce que je ne voulais pas lui péter un râteau devant tout le monde ! Si j’avais su…

— Mais… à un moment, il t’intéressait, non ? lui lance Kristian.

— Absolument pas ! Je lui ai dit et répété que je ne le voyais que comme un ami et que cela ne changerait jamais. Il ne m’attirait pas ! Certes, j’ai parfois testé mon pouvoir de séduction sur lui et sans doute que j’ai pu l’encourager au début parce que j’étais flattée qu’on me courre après, reconnaît-elle, mais j’ai vite mis le holà quand j’ai compris qu’il s’enflammait.

— De toute manière, il a toujours été obsédé par Jen, soupire Thomas. Souvenez-vous de la fois où il s’est pété la main en tapant dans un mur parce qu’il ne supportait pas qu’on sorte ensemble.

— Ouais… tous les indices d’un pet au casque étaient là, ironise Jenna. Je suis vraiment douée en psycho, il n’y a pas à dire.

— Plus ça allait, plus ça empirait, grince Diana. Au Nouvel-An, il m’a tripoté en se faisant passer pour Pascal.

— Et il s’est montré menaçant avec moi, mais je ne l’ai pas pris au sérieux, regrette Jenna. Il m’a dit qu’il en avait marre de me voir avec Kris ou Tom… Et qu’il avait été assez patient et que maintenant c’était son tour.