Fyctia
Chapitre 7
Le reste de la semaine, je suis retourné sur les lieux. J’ai rapidement compris que les courses les plus intéressantes se déroulent les week-ends. C’est là que le vrai jeu commence, avec un max de cash à gagner... ou à perdre.
Je n’ai pas revu Timothée. En revanche, j’ai croisé Enaé deux fois au café. Caël m’a demandé de garder un œil sur elle. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être qu’il a peur qu’elle fasse une bêtise, ou alors c’est pour une autre raison qu’il n’a pas jugé utile de partager. Peu importe, j’ai respecté sa demande. Ça n’a pas été bien compliqué de savoir quand elle venait et à quelle heure elle avait l’habitude de s’y rendre.
Mais lui mentir... c’était une autre histoire. Je m’en suis rendu compte lorsqu’elle m’a confié que Timothée était passé la voir à son travail. Qu’est-ce qu’il cherche ? Pourquoi lui dire des choses qui la tourmentent sans jamais lui donner de vraies explications ? Il va finir par la perdre. Définitivement.
Pour une fois, je suis là avant elle. D’ailleurs, ce n’est pas un jour où elle vient d’habitude. J’ai commandé un café noir, la seule chose que je parviens à boire dans ce bas monde. L’amertume intense me fait toujours l’effet d’un électrochoc. Je me perds un instant dans mes pensées, jusqu’à ce qu’un bruit de chaise qu’on tire sur le sol me ramène à la réalité. Je m’apprêtais à râler, mais je relève les yeux et vois Enaé. Je fronce les sourcils.
— Je t’en prie, fais comme chez toi.
— Qu’est-ce que tu fais ici ?
— Comme toi, j’apprécie les bonnes choses, dis-je en désignant mon café. Et toi ?
— C’est mon moment confidence, je crois.
Un instant, je reste perplexe. Puis je percute. C’est vrai, chaque fois qu’on se retrouve ici, c’est souvent pour qu’elle se confie. Je me redresse légèrement, la regardant avec attention. Enaé... A toujours été d'une beauté frappante. Ses yeux ambrés, profonds, semblent sonder chaque recoin de l’âme. Ses cheveux noirs, tombant en cascade le long de son corps, amplifient cette aura qui m’a toujours à la fois fasciné et agacé.
— Je dois sortir mon calepin ? je la taquine.
— Hilarant.
— Il est revenu te voir ?
— Non. Mais je suppose que tu dois être au courant de ce qu’il me cache, pas vrai ? Vous êtes frères. Vous ne vous entendez pas, mais il a dû te dire quelque chose.
Je reste silencieux, déstabilisé. Oui, je sais. Bien sûr que je sais. Mais je ne peux rien lui dire. Je ne veux pas être celui qui brise son cœur. Je ne veux pas non plus trahir mon frère, même si, honnêtement, je lui en veux de m’avoir mis dans cette situation. J’ouvre la bouche pour répondre, mais elle me coupe avant que je puisse prononcer un mot.
— J’en étais sûre ! Et dire que je te faisais confiance ! Tu le sais depuis le début, pas vrai ?
Sa colère me frappe de plein fouet. Je reste figé, incapable de prononcer quoi que ce soit. Chaque mot qu’elle dit me rappelle que j’ai échoué. Je ne peux que l’écouter, impuissant.
— C’est propre aux Davis de trahir, hein ? Je vous jure, je ne vous ferai plus jamais confiance. La seule qui ne m’aurait pas trahie, c’est Maureen !
Elle se lève et quitte le café en furie. Moi, je reste là, cloué à ma chaise, le souffle court. Je suis encore sous le choc. Maureen... Ce prénom, que je n’ai pas entendu depuis des années, résonne dans ma tête comme une gifle. Elle avait raison. Maureen n’aurait jamais laissé les choses tourner ainsi.
Je me frotte le visage et termine mon café d’un trait. L’amertume me brûle la gorge, mais pas autant que la culpabilité. Mon frère a tout gâché, encore une fois. Je laisse un pourboire sur la table et sors à mon tour.
Dehors, le froid mordant m’accueille. Je remonte le col de ma veste et souffle, regardant la buée s’échapper de mes lèvres. Les mains dans les poches, je marche jusqu’à ma voiture.
Une fois à l’intérieur, je reste immobile. Mes doigts sur le volant, je ressasse les mots d’Enaé. Elle ne me faisait déjà pas entièrement confiance... et maintenant ? J’ai peur qu’elle ne me pardonne jamais.
Après un moment, je démarre enfin et conduis sans but précis. Mes pensées tournent en boucle. Ce n’est qu’en me garant que je réalise où je suis : devant le cimetière. Mon cœur se serre douloureusement.
Cela fait quatre ans que Maureen nous a quittés. Et quatre ans que la famille Davis s’effondre. Mes parents ont fini par divorcer. Timothée s’est enterré dans le travail, et moi... j’ai fait pareil.
Je reste là, immobile, fixant les grilles du cimetière. Le poids de l’absence de ma sœur et de ce que nous sommes devenus est presque insupportable.
3 commentaires
Lily_D
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Il y a 3 mois
Clem_BOOKs
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Il y a 3 mois
K.C Sankr
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Il y a 3 mois