Fyctia
Chapitre 2
Ma conversation avec Théodore remonte à deux jours, et pourtant, elle tourne encore en boucle dans ma tête. Malgré notre haine mutuelle, je ne pourrais pas mentir en disant que je n’avais pas été touché par le fait qu’il s’inquiète pour moi. Il faut aussi que je parle à Caëlium. Visiblement, mon frère n’ose pas me dire les choses clairement, et passer par son meilleur ami n’est peut-être pas la meilleure idée. Cependant, cela m’a permis de voir une autre facette de Théodore, une que je n’avais jamais connue, car elle ne m’avait jamais été réservée.
Mon histoire avec Timothée me rappelle celle qu’il a eue avec Carla. Quand elle l’a quitté, je me souviens l’avoir vu plus bas que terre. Caël avait bien cru qu’il allait perdre son meilleur ami. Je n’ai jamais su pourquoi ils s’étaient séparés. Je n’ai pas osé demander, et de toute façon, cela ne me regardait pas. Je me dis simplement qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas si différents...
Je marche dans les rues de la ville qui s’éveille à peine. Il est six heures du matin. Cela fait bien longtemps que je suis réveillée, je dors très peu, trop peu même. Néanmoins, il faut bien que je gagne ma vie. Je pénètre dans le magasin situé à l’angle. Je traverse les allées pour rejoindre la salle réservée aux employés et je badge. Ensuite, je vais dans les vestiaires pour me changer et déposer mes affaires personnelles. En un instant, je suis prête et je redescends. À peine ai-je franchi les portes que ma directrice m’interpelle.
— C’est la deuxième fois que tu arrives en retard cette semaine. Tout va bien ? me demande-t-elle.
— Je suis désolée… Oui, ça va, j’ai juste quelques insomnies, murmuré-je.
— D’accord. Je passe l’éponge pour cette fois, mais essaie de ne pas recommencer. J’aimerais éviter de me séparer d’un bon élément, me dit-elle avec un sourire compatissant.
J’ai toujours adoré cette femme. Elle a le cœur sur la main et fait preuve de beaucoup de compréhension. C’est tellement rare, les patrons humains de nos jours. Je souffle un peu, comme pour me donner du courage, et je me dirige vers le rayon des pâtes qui m’a été attribué pour la journée.
Je passe trois heures à faire de la mise en rayon. À cette heure, il y a peu de clients, et cela me convient ; je ne suis pas certaine d’avoir la force de leur faire face aujourd’hui. Cependant, lorsque j’entends le jingle des haut-parleurs, je devine déjà ce qui va être annoncé :
— Enoa pour la caisse trois. Enoa pour la caisse trois, merci.
« C’est Enaé, pétasse. » pensé-je, agacée.
Je soupire, attrape ma veste et me rends à la caisse. Heureusement, mon caisson m’attend déjà. Je m’installe, puis j’appuie sur le bouton pour signaler que ma caisse est ouverte. En quelques secondes, les premiers clients arrivent. Je les enchaîne toute la matinée. Avec les fêtes de fin d’année qui approchent, l’ambiance est tendue. Les gens sont plus impatients, plus agressifs et bien moins polis.
Alors que je scanne machinalement les articles, un client m’arrache à mes pensées :
— Ce produit n’était pas à ce prix ! s’écrie-t-il en posant un article devant moi.
Je relève les yeux, légèrement décontenancée.
— Pardon ?
— Il était affiché à quinze dollars, pas vingt !
Le ton du client est glacial et accusateur. Je sens mon malaise grandir, mais je m’efforce de rester calme.
— Je vais appeler mon collègue pour vérifier…
— Non ! Vous allez encore dire que le prix était mal affiché pour m’arnaquer !
Son attitude devient de plus en plus menaçante. Mon cœur s’emballe. Dois-je appeler la sécurité ?
— Je peux appeler ma directrice, si vous préférez, proposé-je dans l’espoir de désamorcer la situation.
— Je veux ce produit à quinze dollars, c’est tout !
Il avance brusquement, faisant trembler le plexiglas de ma caisse. Je me sens menacée, incapable de réagir.
— Elle vous a dit qu’elle ne pouvait rien faire de plus.
Cette voix… Je l’ai reconnue immédiatement. Je relève les yeux et croise un regard bleuté si particulier.
— Elle n’a pas le droit de modifier un prix sans confirmation de sa direction, poursuit-il calmement. Et ce n’est pas elle qui fixe les prix. Alors, inutile de vous en prendre à elle.
L’homme hésite, marmonne quelque chose, puis finit par s’éloigner, furieux.
Je fixe la personne qui venait de prendre ma défense, encore sous le choc. Une vague de soulagement m’envahit, mais elle est de courte durée. Rapidement, la colère prend le dessus. Pourquoi est-il là ? Pourquoi intervient-il ? Et surtout, pourquoi semble-t-il toujours surgir au moment où j’ai besoin d’aide ?
5 commentaires
Samantha Beltrami
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Il y a 3 mois
Lily_D
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Il y a 3 mois
M.B.Auzil
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Il y a 3 mois