Fyctia

Quelques mois auparavant…

C'est avec un certain style pluridisciplinaire et dans une course effrénée que je parviens devant cette porte juste avant qu'elle ne se referme. La cloche qui retentit encore m'indique que je suis dans les temps. C'est bien ironique de parler du temps parce que cette école prône justement l'avancée dans les recherches de voyage temporel. J'ai décidé de me lancer dans cette aventure parce que je crois en mes capacités. Du moins, je m'en persuade à ce jour.

Alpha Victory est l'école à intégrer si vous désirez devenir un officier temporel. Ici sur Alpha Centauri, où règne une guerre naissante de la criminalité en tout genre, nous avons besoin d'hommes prêts à défendre la population. Les gangs pullulent sur cette planète devenue inhabitable dans certaines contrées. Le gouvernement qui a décidé de créer cette école a également des idées bien arrêtées sur l'incarcération de toute cette panoplie de criminels. Mon père a été élève ici il y a quelques années. Il est parvenu à la fin de son cursus à atteindre une renommée telle qu'il est devenu officier et au grade le plus élevé. Moi, je n'aspire pas à être comme lui, je veux juste me venger.

J'ai été témoin d'une tuerie dans une épicerie où le frère de mon ami Karlton a été assassiné par le gérant qui n'a fait que se défendre.

Mon camarade avait été enrôlé dans un gang très connu, nommé les Hydra-Vice qui l'ont manipulé en lui vendant une arme et lui fournissant de la drogue.

Pour s'amuser, rien ne vaut un beau braquage mortel, n’est-ce pas ?

Je fais de l'ironie pour alléger le tout.

Toutefois à l'adolescence l'amusement s'avère être dangereux.

J'avais dix ans. Mon ami Karlton huit. Je peux vous dire qu'être témoin de tout cela l'a forgé. Moi aussi d'ailleurs et il n'y a pas que cette anecdote dramatique qui m'a traumatisé. J'ai subi des pertes dont je ne me remets pas.

Me voilà donc ainsi à errer dans les couloirs vides, tout le monde a pris sa place auprès de sa classe respective. Celui que je devine être le directeur, un homme bourru et dont l'expression ne me dit rien qui vaille, m'attend devant le portique d'accès. Après une reconnaissance biométrique, je dois me conformer à une fouille dans les règles de l'art. Il me présente une tablette dans l'attente de pouvoir scanner mon anatomie. Je me laisse faire en proie à une appréhension soudaine. Cette reconnaissance corporelle me met dans un état de stress. Une goutte de sueur dégouline sur mon visage.

—Vous êtes en retard. Votre nom et matricule, mon cher.

Je cherche dans ma besace et lui présente ce qu'il demande, c'est -à -dire mon commutateur identitaire. C'est un gadget qu'il nous a été confié à notre inscription où tout notre pedigree y est renseigné.

—Kanes Golden, tiens, tiens…, marmonne-t-il.

Il me toise avec des yeux noirs dont les éclairs dorés qui les habillent seraient prêts à me foudroyer. Il lisse sa moustache en épi et je le devine inquisiteur.

—Vous êtes le fils de Jacob Golden ?

—On ne peut rien vous cacher.

—Bien, vous pouvez y aller, vous êtes attendu dans la salle quatre au rez de chaussée.

Je le remercie et pars dans la direction qu'il m'indique. Mais moi qui pensais être le dernier, je suis vite rattrapé par un grand métis qui me talonne de quelques pas. Celui-ci n'aura pas eu l'honneur de rencontrer le directeur, me dis-je.

Il prend la même direction que moi et je distingue une pochette qu'il serre dans sa main de façon mécanique.

— Pas possible encore en retard, assure-t-il de ses lèvres charnues comme un semblant de reproche.

Le costume qu'il arbore s'apparente aux anciens uniformes portés par la police d'il y a quelques années. Tout de noir vêtu avec des écussons collés sur sa poitrine. Je jette un œil sur ses pieds en m'apercevant qu'il porte des bottines dont les bouts en acier inoxydable sont relayés au rang des vaincus. À l'époque où mon père était en poste, il avait les mêmes.

Je ne me laisse pas distancer et cours afin de le dépasser.

—Hey, toi, me fait-il en s'adressant à moi.

Sa voix est grave et parfaitement maîtrisée au niveau de la tonalité. Son ordre est clair. Il a quoi, une dizaine d'années de plus que moi… Je ne lui réponds pas et continue mon chemin. J'ai dépassé toutes les salles numérotées d’une à trois. La prochaine salle est la bonne.

—Je t'ai appelé ! Me hurle mon compagnon d'infortune.

Je ne me retourne pas, je n'ai pas de temps à perdre. Je m'arrête et m'apprête à frapper à la porte de la salle que je convoite mais celle-ci est ouverte. Et elle est remplie d'étudiants très bavards dans l'attente du professeur en chef. Je me retourne et m'aperçois que l'individu qui me talonnait est juste derrière moi.

—Vous pouvez entrer Monsieur Golden, me dit-il cette fois-ci en me vouvoyant.

Mais d'où il connaît mon nom ?

Je ne me formalise pas et décide de rentrer m'installer.

Dès que je passe le pas de la porte, je distingue tous les regards braqués sur moi. Une boule d'angoisse se forme dans ma gorge. Je n'ai jamais aimé avoir l'attention portée sur ma petite personne. Entre parenthèse, je suis loin d'être petit. J'ai cependant, tendance à me faire discret d'habitude. Mes yeux convergent au premier rang, vers la seule place de libre à côté d'un blond qui a revêtu le costume adéquat. En effet, nous avons tous l'obligation de porter l'uniforme adapté.

Une combinaison ajustée qui s'adapte à notre morphologie nous permet de nous adapter à l’environnement. Celle-ci est faite en un tissu ainsi qu'un matériau léger, qui permet la protection contre les attaques et agressions physiques. Elle est d'un bleu indigo et c'est en étant personnalisable qu'elle change de couleur en fonction des situations rencontrées. Par exemple, pour une urgence, elle devient rouge. Un badge y est apposé signalant le grade de chacun. Tout à été conçu pour nous permettre au mieux d'agir en toute circonstance.

Je prends place et mon voisin m'accueille avec un air hautain. Je sens que je ne vais pas me faire facilement des amis ici.

—Bonjour à tous, je suis Monsieur Anderson, votre professeur d’informatique. Vous allez être amené à étudier la cybercriminalité en ma compagnie . Et une nouveauté cette année je vous concocte un atelier pratique pour explorer vos talents. Je vais en effet vous mettre face à des travaux afin de déjouer une bande de pirates de l'espace dont la police à bien du mal à se défaire.

Moi qui ai toujours été doué en informatique, si je dois aider les forces de l'ordre pour de vrai, j'en serais honoré.

Mais mon enthousiasme retombe vite comme un soufflé lorsque je me rappelle ma mère me disant: « Tu n'as pas intérêt à me décevoir, tu sais, je me suis démenée comme une bête pour te faire intégrer cette école. »