Val Kyria All roads lead to Monaco 2. Léna

2. Léna

Parée de son éternelle robe de chambre en soie rose à fleurs violettes d’un autre âge, ma mère m’accueille en me serrant contre elle.

Je nous revois, vingt ans en arrière, elle consolant la petite fille timide que j’étais. Aujourd’hui, quelques cheveux argentés viennent trahir sa quarantaine entamée, mais la force de notre affection, elle, n’a pas pris une ride.


Sofia a dû laisser derrière elle la Russie enceinte de quatre mois pour venir s’installer ici à Cap d’ail, à la frontière franco-monégasque, à tout juste dix-huit ans avec Alekseï, mon père. Un choix du cœur qui lui a valu les foudres et le reni de sa famille. Lointains cousins des derniers tsars, les Romanov, ils auraient préféré la voir s’amouracher d’un quelconque aristocrate, mais certainement pas d’un petit ouvrier.


Alekseï a rapidement trouvé un emploi de manutentionnaire dans le chantier du Mare Blu à Monaco. Malheureusement, une semaine avant ma naissance, une crise cardiaque l’a emporté. Je ne connais de lui que les quelques photos prises lors de leur arrivée en France et les histoires racontées par ma mère.


Hasard, destin, comble de l’ironie, ou sentiment de lui devoir beaucoup, c’est dans ce luxueux palace qu’elle a été recrutée comme femme de ménage quelques mois plus tard.

Vingt-cinq plus tard, elle gouvernante et moi cheffe, nous y travaillons toutes les deux.


Elle n’a jamais compté ses heures, faisant parfois une croix sur ses congés payés pour que jamais je ne me manque de rien, jamais je ne me sente orpheline, jamais je ne me sente fille d’immigrés.

Elle n’a jamais lié d’amitiés si ce n’est quelques rapports cordiaux avec ses collègues et n’a jamais refait sa vie.

Elle n’a jamais montré la moindre pointe de souffrance et je ne crois pas qu’elle connaisse la signification du verbe se plaindre.

Nous avions notre bulle à nous juste elle et moi.

Elle vivait pour moi, elle veillait sur moi, elle me donnait tout ce qu’il lui était possible. Certains ont un ange gardien, moi je l’ai elle.

Et un beau jour de printemps, j’ai rencontré Amaury.


Lorsque je suis partie vivre chez lui, il y a déjà cinq ans, elle a sombré dans une profonde déprime pendant plusieurs semaines.

J’étais tout ce qu’elle avait, celle pour qui elle s’était toujours battue et voilà que je quittais le nid, que j’abandonnais le monde qu’elle m’avait si durement construit de ses mains.


Les jours, les semaines et les mois ont passé, elle s’est faite une raison.

Elle s’est inscrite à des cours de yoga et de peinture, a commencé à dispenser des cours de français dans une association d’aide pour les étrangers en situation de précarité, s’est trouvée quelques amies et a commencé à sortir: aujourd’hui, elle a un emploi du temps qui ne lui permet pas de s’ennuyer.

— Tu veux en parler ma chérie? me demande-t-elle avec cet accent qui n’a jamais laissé de doute à qui que ce soit sur ses origines.


Elle attache sa chevelure blonde avec un chouchou en velours et s’installe sur l’une des chaises en bois de la table de la cuisine. Je m’assois face à elle et attrape la tasse fumante. Du thé à la vanille, celui que je préfère. Son regard vert est doux et bienveillant. Quoi que je puisse lui dire, elle m’écoutera attentivement et ne me jugera pas. Elle sera seulement l’oreille attentive dont j’ai besoin. Qu’il est bon de se sentir à la maison !


***


Lorsque les rayons du soleil, pourtant timide en ce mois début décembre, passent au travers des persiennes et me réveillent quelques heures plus tard, je suis allongée dans mon ancien lit. Un plaid en laine a été tiré sur mes jambes. Ma mère est déjà partie.

Mon I Phone dont il va falloir que je change le fond d’écran de toute urgence, me notifie quinze appels en absence, quatre messages vocaux que j’efface sans les écouter, et deux sms… tous d’Amaury.


  • J’ai pété les plombs, je suis désolé, rappelle-moi.
  • Excuse-moi. J’ai mal agi, je sais. Reviens s’il te plaît. Je t'en supplie.

Alors là, même pas en rêve coco ! Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais d’ailleurs.

Peu importe le baratin qu’il peut me sortir, c’en est fini avec lui.

C’en est même fini avec les hommes. À partir d’aujourd’hui, je n’ai qu’une priorité : moi.



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20

20 commentaires

Aurélie M

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Il y a 3 ans

Quelle belle relation mère-fille! J’ai beaucoup apprécié ce chapitre et le personnage de cette mère courage, qui s’est tant dévouée. Côté orthographe, il faudrait écrire elle s’est fait une raison (et pas faite), il me semble.

edelina37

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Il y a 3 ans

J'aime beaucoup le caractère de Léna :) :)

NancyFrol

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Il y a 3 ans

Un début de texte tout en émotions qui met en avant un très belle complicité entre une mère et sa fille. Une maman qui semble même s'être oubliée pour sa fille (mais peut-on lui en vouloir...?) La seconde partie de ton chapitre permet de mettre en avant le caractère fort de ton héroïne. Amaury peut bien regretter ce qu'il veut, il a clairement merdé sur le coup !

Zoé M

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Il y a 3 ans

elle a du caractère, j'adore !

Val Kyria

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Il y a 3 ans

Oui ! J’espère qu’elle ne fatiguera pas trop le perso qui lui est destiné haha !

Flavie B

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Il y a 3 ans

Je crois, je suis même certaine que j'aime beaucoup ( beaucoup) le caractere de Léna

Val Kyria

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Il y a 3 ans

Merci ! Oui c’est une boule de nerfs ! La vie lui a appris à ne plus jamais se laisser abattre ;)

Jessica Lament

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Il y a 3 ans

Au moins elle a clôturé rapidement l'histoire et sait ce qu'elle veut !

Val Kyria

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Il y a 3 ans

Fierté, impulsivité, mais quel autre défaut a-t-elle ?

Анне Росие

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Il y a 3 ans

Encore un super chapitre. Je suis contente d’en apprendre plus sur sa mère et sa vie. J’ai hâte de lire la suite ☺️
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