Fyctia
Chapitre 23 - Albane
- Je… je sais pas quoi dire.
Charles se contente de hausser les épaules.
- Dis rien pour l’instant. Réfléchis. Mais si tu veux de la compagnie, je suis partant.
Je baisse les yeux, un tourbillon d’émotions en moi. Et pour la première fois depuis longtemps, je me surprends à ressentir autre chose que de la tristesse. Une once d’excitation. Une possibilité nouvelle.
Je le regarde, vraiment. Jusqu’ici, Charles avait toujours été une présence rassurante, un ami attentionné… Mais à cet instant précis, quelque chose change en moi. Je savais déjà qu’il était un bel homme. Mais là, sous cette lumière tamisée de la chambre d’hôpital, alors qu’il me propose sans hésitation de m'accompagner, je le vois autrement.
Grand, avec cette carrure naturellement imposante, mais sans être écrasante. Son pull sombre épouse la forme de son torse, révélant une musculature qui n’a rien d’exagéré, juste ce qu’il faut pour donner envie de s’y blottir. Ses cheveux bruns, légèrement bouclés, sont en bataille… mais parfaitement en bataille. Comme si ce désordre maîtrisé faisait partie de son charme.
Et puis cette barbe de trois jours, un peu négligée, qui lui va incroyablement bien. Elle encadre son visage avec cette pointe de virilité qui contraste avec la douceur de son regard. Ses yeux… Deux amandes sombres qui me fixent avec une intensité troublante, pleins de malice et de sincérité.
Je sens mon cœur battre un peu plus fort. Depuis quand je ressens cela pour Charles ? Est-ce la première fois que je le vois sous cet angle, ou bien ai-je toujours refoulé cette attirance ? Je détourne brièvement les yeux, cherchant à masquer mon trouble.
- Tu réfléchis à ma proposition ou tu cherches une excuse pour me dire non ?
– Je… je réfléchis.
Mais ce n’est pas qu’au voyage que je réfléchis. C’est à lui. À ce qu’il est. À ce qu’il pourrait être.
Neuf ans… Ça fait neuf ans qu’il a annoncé son départ, neuf ans qu’il a disparu du jour au lendemain pour s’envoler à l’autre bout du monde. À l’époque, je n'avais pas compris pourquoi cette nouvelle m'avait fait si mal. Pourquoi j'avais passé la nuit à pleurer, incapable d’expliquer à quiconque ce que je ressentais.
Je m'étais convaincue que c’était l’injustice de le voir partir, que j'étais simplement triste de perdre un ami, un voisin. Mais aujourd’hui, alors qu’il est là, devant moi, avec ce regard si intense et cette proposition insensée de m’accompagner en Laponie, tout me revient en pleine face.
Est-ce que, depuis toujours, je n'ai pas ressenti quelque chose pour lui ?
Un sentiment qui s’était tu. Qui avait été enfoui sous d’autres histoires, d’autres hommes, d’autres priorités. Et pourtant, il avait suffi de quelques jours, d’une proximité nouvelle, pour que ce que je croyais oublié refasse surface.
Je l’observe encore, et cette fois, je n’arrive plus à détourner les yeux. Je sens cette chaleur étrange monter en moi, ce mélange d’excitation et de peur. Je me retrouve à murmurer.
- Tu étais où… tout ce temps ?
Charles fronce légèrement les sourcils, surpris par ma question.
- Partout et nulle part. Mais jamais vraiment au bon endroit, je crois.
On reste suspendus l’un à l’autre, comme si quelque chose d’important était sur le point d’être dit. Mais je ne suis pas encore prête. Je détourne les yeux, essayant de reprendre contenance.
- Bon… Si tu veux être mon guide en Laponie, il va falloir que tu sois à la hauteur.
Je plaisante, et je tente surtout de briser l’intensité du moment. Mais au fond, je sais. Je sais que quelque chose est en train de changer. Peut-être même que ce quelque chose a toujours été là, attendant simplement d’être réveillé.
Charles sourit, il a l'air heureux. Savoir que c’est moi qui en est la cause…
Mais avant qu’on ne puisse en dire plus, la porte s’ouvre doucement. Une infirmière entre.
- Désolée de vous interrompre, mais les visites sont terminées. Vous pourrez revenir demain.
On n'avait pas vu le temps passer…
- D'accord, je vais y aller.
Puis, il se tourne vers moi, un sourire toujours accroché à ses lèvres.
- Repose-toi. Et réfléchis bien… Parce qu’une fois que tu m’auras donné ton feu vert officiel, il n’y aura plus moyen de reculer.
Je souris, un peu amusée par son ton taquin.
Charles hésite un instant, comme s’il voulait ajouter quelque chose, puis finalement il me fait un signe de la main avant de sortir. La porte se referme derrière lui, et tout de suite, le silence de la chambre me semble plus pesant.
Je laisse échapper un soupir et pose ma tête contre l’oreiller. Mes pensées s’agitent dans tous les sens. Charles. Son départ d’il y a neuf ans. Ce que j'ai ressenti quand il m'a proposé de m’accompagner. Et puis Aaron… Son absence, son silence.
J'attrape mon téléphone, vérifie l’écran. Toujours rien. Il n’y a plus d’Aaron. Il m’a littéralement effacée de sa vie.
Je ferme les yeux un instant, essayant de repousser cette sensation oppressante. Mais une autre pensée s’immisce doucement… une pensée qui a la voix de Charles, son rire, son regard.
Et pour la première fois depuis mon réveil du coma, je sens que, peut-être, je ne serais plus aussi seule que je le pensais.
J'ouvre les yeux au son des bruits de couloirs. Je ne me souviens pas m'être endormie. Pendant une seconde, je ne sais plus où je suis.
Je m'étire légèrement, encore engourdie par le sommeil, quand on frappe à la porte. Le diabétologue entre, un sourire bienveillant sur le visage, son dossier à la main.
- Bonjour Albane, bien dormi ?
J'acquiesce en me redressant un peu dans mon lit.
- Ça va, oui merci
Il regarde son dossier.
- Alors, j’ai de bonnes nouvelles pour vous. Vous gérez très bien votre diabète. Vous avez été sérieuse dans vos contrôles, vos injections, et votre corps a bien récupéré. Vous pouvez rentrer chez vous aujourd’hui.
Il referme le dossier et me regarde avec un sourire. Je cligne des yeux, surprise.
- Déjà ?
- Eh oui. Bien sûr, il faudra continuer à bien surveiller votre glycémie, et vous aurez des rendez-vous de suivi. Mais il n’y a plus de raison de vous garder ici.
Je me sens un peu perdue. Ici, tout était cadré, j'étais entourée. Chez moi, il n’y aura plus ce cocon médical… juste moi, mon diabète, et tout ce que je dois maintenant affronter. J'arrive tout de même à sourire nerveusement.
- C’est… super. Merci, docteur.
- C’est normal d’être un peu nerveuse. Mais vous n’êtes pas seule, Albane. Vous avez votre famille, vos amis… et vous êtes plus forte que vous ne le pensez.
Je vais rentrer chez moi. Aujourd’hui. Mais quel chez moi ? J'habite avec Aaron...
La première personne que j'ai envie d'appeler pour l'informer de cette nouvelle, c'est Charles...
J'attrape mon téléphone et déverrouille l’écran.
Je pourrais écrire à ma mère en premier, ou à Julie. Mais non. C’est Charles que je veux prévenir en premier. Alors, sans trop réfléchir, je tape mon message.
20 commentaires
Juxbook
-
Il y a 11 jours
Charlyemorand
-
Il y a 15 jours
Ama Ves
-
Il y a 15 jours
Sarael
-
Il y a 15 jours
Emmy Jolly
-
Il y a 15 jours
Ady Regan
-
Il y a 15 jours
Origami
-
Il y a 15 jours