Fyctia
Nicole
Je m’assois à ma place habituelle et allume mon ordinateur en attendant que mon café soit prêt. Au bout de quelques minutes, la serveuse m’apporte un double expresso bien corsé, un jus d’orange frais, ainsi que mon habituelle assiette de pancakes, accompagnée, bien sûr, de sirop d’érable.
J’avale mon café cul sec, histoire de bien me réveiller et commence à dessiner des ronds au-dessus des pancakes avec la bouteille de sirop lorsque la page du New York Times s’affiche enfin.
Je commence à parcourir les nouvelles internationales, guerre en Ukraine, Covid, procès de l’ancien président Trump, … que des « bonnes » nouvelles ! Je clique sur l’onglet USA et pique un triangle de 3 pancakes imbibés à l’aide de ma fourchette en faisant défiler les pages lorsqu’un article m’interpelle : Appel à Témoin.
Je n’en crois pas mes yeux. Ça fait 20 ans que personne n’en parle et cette histoire resurgit de nulle part.
Je relis l’article pour en être sure mais oui, on parle bien de cet homme.
Je clique ailleurs, voulant reprendre mes esprits, mais mon cerveau se met en pause et retourne dans le passé. Je suis embarquée il y a 30 ans, lors d’une soirée d’hiver ou j’allais rencontrer mes futurs employeurs.
J’étais jeune, je sortais de l’école et cherchais du travail. Je m’entendais bien avec les enfants car j’avais aidé ma mère à élever mes plus jeunes frères et sœurs. J’avais donc l’intention de mettre mon expérience à profit et j’avais demandé au pasteur de Jackson s’il connaissait une famille qui aurait pu avoir besoin de mes services.
Il m’a tout de suite conseillé les Jones, et m’avait alors arrangé un rendez-vous avec les parents.
Lors de l’entretien, madame Jones était froide et distante, n’avait jamais souri. Elle était cordiale, mais pas chaleureuse. Elle ne comprenait pas pourquoi son fils ne pourrait pas étudier avec ses camarades à l’école. Son mari, lui, était jovial. Il trouvait qu’élever leur enfant à la maison était une très bonne idée.
Quelques jours plus tard, j’acceptais les termes de mon nouveau contrat et m’embarquait dans mon futur cauchemar, en allant donner des cours au plus adorable petit garçon qu'il m'ait été donné de rencontrer.
Junior avait alors 6 ans. Il était petit, frêle, le visage très pâle. Je n’avais jamais vu un enfant aussi triste que lui. Il parlait peu, et lorsqu’il le faisait, il vérifiait d’abord que personne d’autre que moi ne pouvait l’entendre. Il est apparu qu’il était vraiment très intelligent. Il a appris à lire et à écrire très vite, alors que son père ne cessait de me répéter qu’il était le cancre de l’école. Il s’intéressait beaucoup à l’histoire, posant toujours un tas de questions pour comprendre. Mais dès que son père rentrait à la maison, il ne disait plus un mot. Je voyais très peu sa mère, car elle restait des journées entières enfermée dans sa chambre. A l’époque, je ne comprenais pas pourquoi…
Mon téléphone sonne et interrompt le cours de mes pensées. J’avise l’heure : je suis en retard ! Il faut que je file, mes élèves vont m’attendre.
Sur la route de l’école, je songe à cet article. Faut-il que j’y réponde ?
3 commentaires
MAISIAM SEMES
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Il y a 2 ans
Paméla F
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Il y a 2 ans
S-FOX0974
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Il y a 2 ans