Fyctia
Chapitre 21 - 1/4 - Mira
Mira, douze ans
Je me dirige vers le salon, je me tiens droite devant Maman et Papa mais ils ne me voient pas, comme d’habitude. Mes mains tremblent légèrement mais je serre les poings pour que cela s’arrête. Maël m’a dit que cette technique fonctionne toujours.
– Je… je voulais vous chanter une chanson que j’ai apprise murmuré-je timidement.
Maman relève enfin les yeux de son livre et me détaille de haut en bas.
– Oh, ça promet… souffle-t-elle.
Mon cœur bat vite mais j’ai envie de montrer à Maman et Papa ce que j’ai appris toute seule, j’espère qu’ils seront fiers de moi.
– Tu veux nous casser les oreilles, maintenant ? ajoute Papa en levant enfin la tête du journal qu’il tient entre ses mains.
Je baisse les yeux tout en triturant l’ourlet de mon pull.
– Allez, chante marmonne Papa.
Je prends une profonde inspiration puis commence à chanter. Ma voix est parfois hésitante mais un sourire prend place sur mon visage à mesure que je trouve le rythme. Je ferme les yeux puis ressens un bien-être au fond de mon cœur, comme un apaisement lorsque je chante. J’espère qu’ils vont aimer. J’arrive alors au dernier refrain, la dernière note s’évapore dans l’atmosphère.
Le sourire aux lèvres, j’attends impatiemment leurs réactions.
– Mira, c’est une blague j’espère ? déclare ma mère tout en riant aux éclats.
Mon sourire s’efface rapidement et mon cœur bat de plus en plus vite. Mon visage se tourne vers mon père qui secoue la tête tout en pliant son journal.
– Arrête ça tout de suite, Mira, tu te ridiculises. Sérieusement, tu penses que tu as une chance dans quoi que ce soit ? Regarde-toi !
Je n’arrive plus à respirer, ma poitrine me fait mal, mon cœur est douloureux, mes joues se réchauffent et des larmes menacent de glisser sur mon visage. J’ai honte, je suis nulle.
– Mais Papa, je… je voulais juste… essayer.
– Va faire quelque chose d’utile au lieu de nous déranger avec des idioties annonce ma mère tout en replongeant dans son livre.
Ma gorge se serre et je respire de plus en plus difficilement. Une larme glisse sur ma joue alors que Maël entre dans le salon. Il se rapproche de moi et pose sa main dans mon dos tout en le tapotant légèrement.
– Ta voix est belle, Mira. Laisse tomber, ils n’y connaissent rien.
Ma mère referme brutalement son livre puis fixe Maël.
– Tu vas faire quoi, Maël ? Lui mentir pour qu’elle devienne encore plus ridicule ?
Les poings de mon frère se serrent et sa poitrine se s’élève puis s’abaisse rapidement.
– Non, je vais l’aider à croire en elle, à croire en nous. C’est quelque chose que vous n’avez jamais su faire.
Mon père attrape son journal qu’il a préalablement enroulé puis le lance brutalement au visage de Maël qu’il esquive de justesse en se penchant sur le côté.
– Tu nous parles sur un autre ton, petit con. Montez dans vos chambres, je ne veux plus vous voir !
Maël attrape ma main et me tire jusque dans les escaliers. Arrivés en haut, il pose une main réconfortante sur mon épaule.
– Continue de chanter, Mira. Pas pour eux mais pour toi.
Maël m’enlace et je me blottis contre lui. Des sanglots étouffés s’échappent spontanément de mes lèvres et quelques larmes coulent le long de mes joues. Pourquoi ne nous aiment-ils pas ? J’ai tout fait et tout essayé pour que ce soit le cas mais ce n’est jamais assez. Pourquoi cela fait-il aussi mal ? Comme si mon cœur se brisait à chaque humiliation, à chaque insulte, à chaque reproche.
– Je serai toujours là pour toi, Mira, tu peux compter sur moi, chuchote Maël.
Mira, aujourd’hui
Je penche la tête sur le côté tout en plissant les yeux. La douce mélodie de guitare acoustique diffusée par les enceintes murales, accélère les battements de mon cœur. Je me rapproche un peu plus d’une œuvre de Jordyn. « Le corps de l’âme », c’est le nom de son exposition. Avec en sous-titre, « le corps, écho des tourments et des plaisirs, et l’âme, flamme désirant s’épanouir. »
Je demeure immobile devant une de ses œuvres sur un fond noir, représentant un corps féminin tracé à la peinture rouge visiblement allongée sur un lit, sa propre main enserrant sa gorge, cherchant peut-être à s’exprimer ou s’empêchant elle-même de parler, je ne sais pas vraiment ce que je peux en conclure. Jordyn refuse toujours de me donner des explications sur ses peintures car elle estime que c’est à nous de nous faire notre propre interprétation.
– Le symbolisme cherche à représenter l’invisible, l’émotion, le spirituel et l’âme à travers des figures humaines.
Je sursaute lorsque j’entends la voix d’Adrian au-dessus de mon épaule.
– Pardonne-moi, je ne voulais pas t’effrayer dit-il en me tendant une coupe de champagne que j’attrape.
Il se positionne à mes côtés, son épaule frôle légèrement la mienne. Je bois une gorgée de champagne alors que mes yeux demeurent fixés sur le tableau.
– Jordyn a une façon unique de capturer l’insaisissable, je réponds en lui adressant un sourire poli.
Adrian acquiesce avec un sourire en coin, des ridules se formant au coin de ses yeux, trahissant sa trentaine avancée.
– Tu sembles un peu comme ces œuvres d’art, Mira… insaisissable.
Je pince mes lèvres pour dissimuler mon amusement. Je connais Adrian depuis quelques mois à présent, il a gentiment mis à disposition sa galerie d’art pour notre événement caritatif, je l’ai toujours rencontré en présence de Jordyn et il n’a jamais tenté quoi que ce soit avec moi. Je ne sais pas si c’est ce champagne ou l’ambiance du Nouvel An qui lui insuffle autant d’audace.
– Vraiment ? Tu me compares à un tableau, Adrian ?
Le ton amusé de ma voix me trahit. Adrian se penche légèrement vers mon oreille, ses joues rougies par cette conversation où l’alcool qui coule dans ses veines. Son souffle caresse délicatement mon cou.
– Pas exactement. Une toile, on l’accroche à un mur et elle ne bougera plus jamais alors que toi, Mira, tu es vivante et libre.
Je ne suis pas certaine que « vivante » soit le terme le plus adéquat pour me décrire mais je ne le contredis pas. Je trouve plutôt flatteur, l’image qu’Adrian s’est faite de moi. Même si je ne suis pas certaine d’y correspondre totalement.
Je me décale doucement puis m’avance vers une autre œuvre. Adrian suit silencieusement mes pas.
– Et que penses-tu de celle-ci ? demandé-je en désignant du doigt une œuvre beaucoup plus abstraite, excentrique et colorée.
Il passe une main dans ses cheveux châtains tout en penchant légèrement la tête sur le côté. Au bout de quelques secondes de réflexion, il remonte d’un doigt ses lunettes rondes sur son nez.
– Celle-ci me rappelle un peu la vie, un mélange de chaos et de beauté. Mais il manque quelque chose…
J’arque un sourcil en le regardant, intriguée.
– Qu’est-ce qu’il manque ?
Adrian se rapproche un peu plus de moi, mes pulsations cardiaques s’accélérèrent et mes doigts enserrent un peu plus ma coupe de champagne. Il plonge ses yeux dans les miens.
– Une muse… Il manque une muse à la beauté chaotique de ma vie.
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